Le dimanche 25 août 2 018 à Munich, dans le cadre du congrès de la Société européenne de cardiologie, ont été présentées, en séance plénière, les nouvelles recommandations européennes en matière d'hypertension artérielle. Elles ont été publiées en parallèle dans l'European Heart Journal et dans le Journal of Hypertension (1). Les dernières dataient de 2013 (2).
Il était temps ! En effet, depuis novembre 2017, date de présentation et de publication des nouvelles recommandations américaines, les spécialistes de l'hypertension artérielle avaient perdu le sommeil. Pour rappel, nos collègues américains avaient bouleversé la définition de cette pathologie en modifiant le diagnostic, puisque l'on n'était plus hypertendu à partir de 140/90 mmHg, mais à partir de 130/80 mmHg (3) !
Dans leurs nouvelles recommandations, les Européens se sont montrés plus conservateurs, puisqu'ils s'en sont tenus à la dite “ancienne définition” d'une pression artérielle supérieure à 140/90 mmHg pour définir l'hypertension.
Depuis novembre dernier, plusieurs sociétés nationales d'hypertension artérielle avaient déjà pris position contre cette nouvelle définition américaine de 130/80 mmHg (4). Avec ces nouvelles recommandations, les Européens opposent clairement une fin de non-recevoir à la proposition outre-Atlantique. Mais qui a raison, qui a tort ? Bien entendu, il n'y a pas de vérité absolue, puisque toute définition d'hypertension artérielle ne peut être qu'arbitraire, car définie selon un seuil. Néanmoins, nous considérons que la position européenne est clairement plus raisonnable que la position américaine, et cela pour les raisons suivantes :
– tout d'abord, les sujets ayant une pression artérielle systolique entre 130 et 140 mmHg, à savoir les hypertendus de grade 1 pour les Américains et les préhypertendus pour les Européens, ne vont pas tous dépasser le seuil de 140/90 mmHg. Une étude ayant un recul de 20 ans montre qu'environ la moitié de ces patients ne franchira jamais la barre des 140/90 mmHg et ne justifiera donc pas d'un traitement antihypertenseur (5) ;
– à ce jour, aucun essai thérapeutique n'a démontré que le traitement d'un collectif de sujets ayant entre 130 et 140 mmHg de pression artérielle systolique s'accompagnait d'un bénéfice cardiovasculaire ou rénal. D'ailleurs, des études vont même à l'encontre de cette assertion, parmi lesquelles l'étude HOPE-3 qui ne retrouve un bénéfice au traitement antihypertenseur que chez les sujets hypertendus selon la définition “classique” (6) ;
– définir l'hypertension artérielle à partir de 130/80 mmHg va finalement déclarer “malade” près de la moitié de la population adulte des pays occidentaux (7). On imagine ainsi très aisément les impacts médicaux, sociaux, financiers et psychologiques de ce nouvel étiquetage. Même si les experts américains recommandent dans un premier temps de ne traiter ces hypertendus 130-140 qu'avec des mesures non médicamenteuses, qu'arrivera-t-il s'il n'y a pas d'efficacité de ces mesures hygiénodiététiques (comme c'est le plus souvent le cas en pratique clinique) ? De même, a-t-on réfléchi aux nombreux effets adverses générés par ces traitements possiblement illégitimes ? Rappelons-nous que dans l'étude SPRINT, étude mise en avant pour justifier de ce nouveau seuil à 130/80 mmHg, l'obtention de l'objectif de 120 mmHg de pression artérielle était associée à une survenue plus fréquente d'effets indésirables graves que d'effets bénéfiques (8).
Comme disait Jules Renard : “La raison du raisonnable est toujours la meilleure.” La raison, en matière d'hypertension, est plus du côté de l'Europe que des États-Unis !