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Éditorial

Fausses informations en médecine : le triomphe des apprentis sorciers ?


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Les “fake news” sont devenues monnaie courante dans notre société et affectent désormais de manière récurrente les domaines de la politique, de l'économie mais aussi celui de la santé. Deux exemples illustrent particulièrement l'impact que peuvent avoir ces fausses nouvelles sur la santé de nos concitoyens : la polémique sur les statines et le refus des vaccins.

En 2013, un ouvrage sur le cholestérol a remis en cause le lien entre cholestérol et maladies cardiovasculaires et la validité des études démontrant l'efficacité des statines sur la prévention des accidents cardiovasculaires, alors que cette classe de médicaments a fait l'objet d'innombrables études contrôlées et randomisées qui concluent unanimement en faveur de son bénéfice dans les maladies cardiovasculaires. Largement relayé dans les médias, et malgré les protestations des autorités sanitaires et des sociétés savantes, le message a semé le désarroi chez les patients traités par statines et entraîné un nombre élevé d'arrêts de traitement, en particulier chez les patients en prévention secondaire, alors qu'il est bien démontré qu'il s'agit d'une population à très haut risque de récidive d'accident cardiovasculaire. Cette polémique n'est pas l'exclusivité du territoire national, mais a également affecté à des degrés divers la Grande-Bretagne et le Danemark.

L'essor du refus des vaccins, alimenté par la crainte scientifiquement infondée du risque de développement de maladies auto-immunes et relayé par une polémique sur les adjuvants à base d'aluminium et leur toxicité neurologique supposée, a conduit notre pays à figurer tristement dans le palmarès des vaccins-sceptiques, et on estime que 40 % de la population a des doutes sur l'efficacité et l'innocuité de la politique vaccinale. Une des conséquences est la recrudescence de la rougeole, parfois dramatique chez l'adulte, du fait de la couverture vaccinale insuffisante.

Le développement préoccupant du doute, voire du rejet pur et simple de traitements ayant démontré leur efficacité, conduit à s'interroger sur les raisons profondes de ce mouvement qui affecte nos sociétés modernes :

  • la révolution induite par les réseaux sociaux et l'Internet contribue fortement à la crise de confiance actuelle. Des théories fantaisistes, autrefois confinées à un petit cercle, bénéficient désormais de la caisse de résonance mondiale que constituent les réseaux sociaux et peuvent ainsi toucher de manière virale un très large public sans limite, ni contrepoids. Les vecteurs modernes de l'information ont créé un nouveau “marché” dans lequel le “complotisme” médical fleurit et ont permis à des individus, parfois dotés de titres scientifiques ou universitaires prestigieux, d'utiliser ces outils pour accroître leur visibilité ou leurs ressources financières au travers de conférences ou d'ouvrages de vulgarisation ;
  • le mode de fonctionnement de nombreux médias, placés sous la pression de la course à l'audience, privilégie le sensationnel sans nécessairement assurer les vérifications indispensables et remplace souvent le véritable journalisme d'investigation par des procès à charge, dans lesquels seule la thèse de la remise en question est correctement développée, instillant ainsi le doute dans la population ;
  • la société moderne a perdu confiance dans l'aptitude de ses élites politiques et intellectuelles, et de ce qu'il est convenu d'appeler les “experts”, à œuvrer en faveur du bien commun. Dans le domaine de la santé, cette défiance est alimentée par la révélation de véritables scandales sanitaires (sang contaminé, amiante, etc.), qui peut conduire à douter de l'intégrité des professionnels de la santé et des institutions sanitaires, au travers de soupçons de liens cachés, voire de corruption. Cette situation est d'autant plus préjudiciable que le dialogue médecin-patient est fondé précisément sur une relation de confiance et que la disparition de celle-ci est vécue comme une trahison ;
  • la conception de la place de l'individu dans la société s'est profondément modifiée avec l'essor de l'individualisme et la perception des risques induits par les activités humaines (pollution, perturbateurs endocriniens, etc.) par opposition à une nature présumée saine et généreuse, ce qui aboutit à l'essor des médecines dites alternatives, telles que médecine par les plantes, homéopathie, acupuncture, dont le niveau de preuve d'efficacité demeure des plus ténus. Pour ce qui concerne le refus vaccinal s'ajoutent des facteurs philosophiques, voire religieux, qui peuvent conduire à une opposition frontale aux politiques recommandées. Ici aussi, l'individualisme “familial” peut amener les parents à penser qu'ils sont les meilleurs juges de ce qui est bon pour la santé de leur enfant.

Comment peut-on lutter contre cette situation ?

La bataille de l'information implique qu'autorités sanitaires, ordinales, sociétés savantes, institutions académiques, réagissent vigoureusement et de manière coordonnée aux fausses informations divulguées et utilisent à cette fin tous les moyens modernes de communication.

La réaction doit inclure des données factuelles à opposer à la pensée magique, véhiculée par les gourous de tous acabits, afin d'informer de manière objective la population.

L'éducation du public à l'école (vaccins) et surtout au travers du dialogue singulier patient-médecin est essentielle. Il faut donc prendre le temps d'expliquer encore et encore pour tenter de convaincre les patients troublés par les apprentis sorciers du bien-fondé de l'attitude médicale préconisée et du risque induit par la solution de refus. Cette information doit être objective et impartiale, et évoquer sans réserve le rapport bénéfice-risque du traitement proposé.

Il faut enfin attaquer sans crainte les personnes véhiculant la désinformation par les moyens disciplinaires et judiciaires disponibles, afin de jeter le discrédit sur les porteurs de thèses fantaisistes, voire négationnistes.

Parallèlement, la transparence dans les liens unissant professionnels de la santé et industriels doit être scrupuleusement respectée, pour couper court aux allégations de collusion. Il faut appliquer la même exigence aux colporteurs de fausses nouvelles, de façon à connaître et révéler les groupes de pression et les financeurs dont ils sont les porte-parole.

C'est à ce prix que nous pourrons lutter à armes égales avec les personnes qui véhiculent la désinformation médicale, et ce dans l'intérêt des populations dont la bonne santé nous incombe. Il faut cependant être conscients qu'il s'agit d'un combat de longue haleine, car les fausses nouvelles sont devenues un fléau sociétal appelé à durer.


Liens d'intérêt

M. Komajda déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec le sujet de cet éditorial.

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