“C'est un jour historique” a déclaré Eugene Braunwald lors de la présentation des résultats des études randomisées PARTNER 3 et EVOLUT R au congrès de l'American College of Cardiology à La Nouvelle-Orléans. Et de fait, la vision futuriste d'Alain Cribier (1) s'est totalement réalisée : le traitement percutané du rétrécissement aortique calcifié dégénératif est désormais devenu le traitement de référence après que 2 essais prospectifs randomisés comparant TAVI et chirurgie ont montré les bénéfices du TAVI.
L'essai PARTNER 3 est probablement le plus démonstratif, 1 000 patients, âgés en moyenne de 73 ans, porteurs d'un rétrécissement aortique serré et devant subir une intervention ont été tirés au sort pour bénéficier soit d'un remplacement valvulaire percutané par voie fémorale par une valve de type SAPIEN 3, soit d'un remplacement valvulaire chirurgical par bioprothèse. Les patients fragiles, ceux porteurs de comorbidités ou de caractéristiques rendant la chirurgie ou le TAVI par voie fémorale impossibles, et les patients avec bicuspidie étaient exclus. Les patients étaient à faible risque chirurgical ainsi que le montre un score STS (Society of Thoracic Surgeons) de 1,9 %. Après 1 an de suivi, le critère primaire de jugement de l'étude, qui était le composite décès, accident vasculaire cérébral et réhospitalisation, a été atteint par 8,5 % des patients du groupe TAVI contre 15,1 % des patients du groupe chirurgie (p = 0,001). À 30 jours, le risque d'accident vasculaire cérébral était plus faible dans le groupe TAVI (0,6 contre 2,4 %, p = 0,02), de même que le risque de décès ou d'accident vasculaire cérébral (1,0 contre 3,3 %, p = 0,01, et le risque d'apparition d'une fibrillation auriculaire (5,0 contre 39,5 %, p < 0,001). La durée de séjour à l'hôpital était plus courte dans le groupe TAVI et la qualité de vie meilleure…
Le second essai est l'essai EVOLUT R qui a comparé (dans un essai de non-infériorité utilisant des méthodes bayésiennes) TAVI (utilisant une valve autoexpansible : CoreValve®, Evolut R® ou Evolut PRO®) et remplacement valvulaire chirurgical chez 1 468 patients porteurs d'une sténose aortique serrée et à faible risque, âgés de 74 ans en moyenne. Après 30 jours de suivi, l'incidence des accidents vasculaires cérébraux était de 0,5 % pour le TAVI contre 1,7 % pour la chirurgie, le risque de complication hémorragique de 2,4 contre 7,5 %, d'insuffisance rénale aiguë de 0,9 contre 2,8 % et de fibrillation auriculaire de 7,7 contre 35,4 %. Le risque d'insuffisance aortique moyenne ou sévère était en revanche plus élevé avec le TAVI (3,5 contre 0,5 %), ainsi que le taux d'implantation de pacemakers (17,4 contre 6,1 %). Après 1 an de suivi, les gradients transprothétiques étaient plus faibles dans le groupe TAVI (8,6 contre 11,2 mmHg) et les surfaces valvulaires, plus grandes (2,3 contre 2,0 cm2). À 24 mois, le critère primaire de jugement (décès ou accident vasculaire cérébral invalidant) était de 5,3 % dans le groupe TAVI et 6,7 % dans le groupe chirurgie, validant la non-infériorité du TAVI.
Ces 2 essais concordants démontrent non seulement la non-infériorité du TAVI par rapport à la chirurgie sur une population à faible risque, mais également ses avantages majeurs sur des critères cliniques. Il est quasiment certain que les recommandations internationales vont être modifiées, car cela représente le niveau de preuve requis pour une recommandation de grade I. Ces résultats vont étendre considérablement le champ du traitement interventionnel du rétrécissement aortique. Même si l'on attend encore plus de données sur la durabilité des bioprothèses implantées par voie percutanée, il n'y a pas pour l'instant de signal qui fasse craindre de moins bons résultats qu'avec les prothèses chirurgicales, au contraire. Alors que le TAVI avait été développé pour les patients inopérables, puis étendu au traitement des patients à risque chirurgical élevé, voire intermédiaire, il va désormais devenir le traitement par défaut du groupe beaucoup plus grand de patients à faible risque, et la chirurgie va être réservée aux patients inaccessibles au TAVI ou pour lesquels un geste complémentaire (sur la valve mitrale et surtout sur l'aorte thoracique) est indispensable, ou à ceux pour lesquels la mise en place d'une prothèse mécanique est préférable. L'avenir dira où se situe le curseur en matière d'âge qui fera préférer la chirurgie. Quoi qu'il arrive, patients et soignants (quelle que soit leur spécialité ou sous-spécialité) doivent une fière chandelle à Alain Cribier et son équipe, pionniers d'une technique désormais arrivée à maturité avec un succès spectaculaire.