Éditorial

Traitement antibiotique des endocardites infectieuses : peut-il être administré par voie orale au cours des derniers jours de traitement ?


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Le traitement antibiotique de l'endocardite infectieuse doit, selon un dogme établi depuis des décennies, recourir à des antibiotiques bactéricides, administrés de façon prolongée (classiquement de 2 à 8 semaines, selon l'espèce bactérienne et le type de valve atteint), à dose élevée et par voie parentérale pendant toute la durée du traitement. Cela est rendu nécessaire par la moindre diffusion des antibiotiques dans les végétations, par la quantité importante de bactéries qui s'y trouvent et leur état quiescent, qui diminue l'activité des antibiotiques agissant sur des bactéries en phase de réplication, et par la présence, chez certains patients, d'un matériel étranger rendant difficile l'éradication des micro-organismes (1). Le relais oral est cependant toléré, chez les toxicomanes, dans le traitement des endocardites à staphylocoque doré, du cœur droit, en raison de difficultés à prolonger le traitement par voie intraveineuse chez ces patients.

Sous la pression des patients et pour des raisons d'ordre économique, certaines équipes ont évalué ou sont en train d'évaluer le relais oral de l'antibiothérapie et l'administration au domicile chez des patients observants, non toxicomanes, dans les suites d'un traitement intraveineux initial efficace. C'est en particulier le cas d'une équipe danoise qui a récemment publié dans le New England Journal of Medicine les résultats de l'essai POET-I (2). Dans cet essai, les patients présentant une endocardite du cœur gauche sur valve native (73 %) ou prothétique (27 %), à streptocoques (49 %), entérocoques faecalis (24 %), staphylocoques dorés (21 %) et staphylocoques à coagulase négative (6 %), et chez lesquels un traitement antibiotique intraveineux d'au moins 10 jours avait été conduit avec succès, étaient aléatoirement répartis entre la poursuite du traitement intraveineux administré à l'hôpital et le relais par une bi-antibiothérapie orale, idéalement administrée en ambulatoire chez des patients suivis 2 à 5 fois par semaine en consultation externe. L'inclusion nécessitait un état clinique stable, une diminution importante de la protéine C réactive et l'absence d'anomalies valvulaires ou d'abcès nécessitant le recours à la chirurgie avec l'échographie transœsophagienne.

Le choix de l'antibiothérapie était basé sur l'activité in vitro et la biodisponibilité élevée ou modérée de l'antibiotique. Le critère de jugement principal était composite, évalué à 6 mois, comportant la mortalité toute cause, la chirurgie cardiaque non programmée, la survenue d'emboles cliniquement symptomatiques, la rechute de la bactériémie au même micro-organisme. Le protocole était conçu pour tester la non-infériorité du relais oral par rapport au traitement intraveineux, avec une marge de non-infériorité fixée à 10 %.

Sur un total de 1 954 patients évalués pendant une durée de recrutement de 6 ans, seuls 400 (20 %) ont répondu aux critères d'inclusion et ont été répartis au hasard, 199 dans le bras poursuite du traitement intraveineux, 201 dans le bras relais oral ; 38 % des patients avaient bénéficié d'un remplacement valvulaire pour l'épisode d'endocardite en cours. Alors que les groupes étaient comparables pour la plupart des caractéristiques à l'inclusion, la non-infériorité était établie sur le critère principal de jugement aussi bien en analyse per protocole qu'en analyse en intention de traiter, et le pourcentage de décès était inférieur dans le bras relais oral (3,5 contre 6,5 % dans le bras poursuite du traitement intraveineux) bien que non statistiquement différent. Cette différence atteignait le seuil de la significativité chez les patients inclus en début d'essai et suivis de ce fait de façon prolongée (3,5 ans en médiane) [3].

Ces résultats sont d'autant plus importants à souligner que les méthodologies comparant l'introduction d'un nouveau traitement à la poursuite du traitement existant et, de facto, jusque-là bien supporté, ont tendance à favoriser le traitement poursuivi. Ils ont été accueillis avec circonspection par la plupart des infectiologues, car ils remettaient en question les bases physiopathologiques sous-tendant le traitement administré par voie intraveineuse, ce d'autant que les doses orales reçues par les patients étaient bien inférieures à celles reçues par voie intraveineuse. L'efficacité de ces faibles doses pourrait être expliquée par la nécessité de prescrire des fortes doses uniquement lors de la phase initiale de l'endocardite, alors que des doses plus faibles seraient suffisantes à l'éradication des bactéries. L'essai POET-2, en cours de recrutement, teste quant à lui un raccourcissement de la durée totale du traitement antibiotique chez les patients présentant une endocardite sur valve native d'évolution favorable. Un succès de la stratégie POET-2 tendrait à prouver que la réussite du relais oral dans l'essai POET-1 ne serait en fait que le reflet de l'absence d'intérêt d'un traitement prolongé, qu'il soit administré par voie orale ou par voie intraveineuse, chez les patients présentant une endocardite non compliquée, d'évolution rapidement favorable sous antibiothérapie.

Il convient de souligner le nombre très élevé (80 %) des patients ne répondant pas aux critères d'inclusion, montrant de ce fait que la stratégie de relais oral de l'antibiothérapie ne concerne qu'une population limitée de malades. Les réticences de certains seront probablement levées si les résultats de l'essai français RODEO, en cours de recrutement et testant la même stratégie, conduisent aux mêmes conclusions que l'essai POET-1. D'ici là, cette stratégie de relais oral pourrait être proposée à une certaine population de patients, sous le couvert d'une validation du schéma antibiotique oral par une “équipe endocardite” pluridisciplinaire et d'une surveillance rapprochée en cours de traitement et au décours de celui-ci, pendant une durée de 12 mois. Il serait cependant souhaitable de favoriser les inclusions dans l'essai RODEO afin de valider cette stratégie thérapeutique au premier abord séduisante et de lever définitivement les réticences.

Références

1. Hoen B et al. Infective endocarditis. N Engl J Med 2013;368:1425-33.

2. Iversen K et al. Partial oral versus intravenous antibiotic treatment of endocarditis. N Engl J Med 2019;380:415-24.

3. Bundgaard H et al. Long-term outcomes of partial oral treatment of endocarditis. N Engl J Med 2019;380(14):1373-4.


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X. Duval déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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