Le congrès de la Société européenne de cardiologie qui vient de se tenir à Paris est un grand cru : c'est probablement le plus vaste congrès de cardiologie qui ait jamais eu lieu, avec plus de 34 000 participants. Il s'est tenu dans le nouveau palais des Congrès de la porte de Versailles, qui s'est avéré particulièrement agréable et fonctionnel. Enfin, son contenu scientifique a été exceptionnel, avec une série de grandes études présentées dans des sessions particulièrement denses, en particulier celle du dimanche après-midi 1er septembre, qui restera dans les mémoires.
Parmi les résultats les plus marquants, on citera l'étude COMPLETE, étude coordonnée par S. Mehta et l'université McMaster au Canada (1), qui s'est attachée à déterminer la stratégie optimale de prise en charge des lésions pluritronculaires chez les patients traités par angioplastie primaire à la phase aiguë de l'infarctus. Cet essai randomisé, sur 4 041 sujets, a démontré de façon éclatante la supériorité claire d'une stratégie de revascularisation complète en termes de réduction des événements cardiaques graves (décès ou infarctus du myocarde) sur une stratégie de revascularisation du vaisseau cible (HR = 0,74 ; IC95 : 0,60-0,91 ; p = 0,004), secondairement guidée par les symptômes. La bonne nouvelle supplémentaire, c'est que le bénéfice est présent quel que soit le délai initial de la revascularisation complète, qui peut donc être programmée quelques jours après l'épisode initial (et pas nécessairement réalisée en urgence en même temps que l'angioplastie primaire).
L'étude DAPA-HF est également un succès net : dans un essai randomisé en double aveugle, l'adjonction de dapagliflozine, un inhibiteur de SGT2, au traitement de 4 744 sujets insuffisants cardiaques, diabétiques ou non, améliore le pronostic, avec réduction du risque de récidive d'insuffisance cardiaque et de décès cardiovasculaire (RR = 0,74 ; IC95 : 0,65-0,85 ; p = 0,00001) et avec une diminution significative du risque de décès cardiovasculaire (HR = 0,82 ; IC95 : 0,69-0,98) ; p = 0,029).
L'étude PARAGON-HF a exploré l'impact de l'adjonction de sacubitril/valsartan par rapport au valsartan en monothérapie chez 4 796 sujets insuffisants cardiaques à fonction systolique préservée, dans un essai randomisé en double aveugle. Elle n'a montré qu'une réduction non significative du risque de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque ou décès cardiovasculaire (RR = 0,87 ; IC95 : 0,75-1,01 ; p = 0,059), et sans signal de réduction de la mortalité cardiovasculaire. Le bénéfice observé (non statistiquement significatif) étant essentiellement lié aux sujets ayant une fraction d'éjection ventriculaire gauche (en dessous de la valeur médiane de 57 %). Malgré des bénéfices sur certains critères de qualité de vie, c'est une déception, d'autant plus grande que nous manquons cruellement de traitements efficaces dans ce syndrome. Il faut probablement revoir la nosologie de l'insuffisance cardiaque, fondée sur l'évaluation binaire de la fraction d'éjection.
L'essai randomisé en double aveugle THEMIS (3) a exploré l'effet de l'adjonction du ticagrélor au traitement par aspirine seule chez 19 220 sujets diabétiques de type 2, coronariens stables et sans antécédent d'infarctus ou d'accident vasculaire cérébral. L'étude a montré une réduction de 10 % (HR = 0,90 ; IC95 : 0,91-0,99 ; p = 0,038) du risque d'événement cardiovasculaire (décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral) mais avec une augmentation nette du risque de saignement majeur et un bénéfice clinique net non significatif. L'analyse des sujets avec antécédent d'angioplastie coronaire (et donc ayant déjà toléré une bithérapie antiplaquettaire dans le passé) (THEMIS-PCI) portant sur plus de 10 000 sujets (4) a montré une interaction significative (p = 0,012) entre l'effet du traitement sur le bénéfice clinique net et l'antécédent d'angioplastie, qui suggère que c'est dans ce groupe de patients que le traitement est à la fois plus efficace et mieux toléré.
L'essai ISAR REACT-5 (5), mené par le groupe universitaire de Munich, a comparé (sans allocation en double aveugle) 2 stratégies de traitement antiplaquettaire associé à l'aspirine dans les syndromes coronaires aigus : l'administration immédiate de ticagrélor et l'administration débutée seulement au moment de l'angioplastie coronaire de prasugrel chez 4 028 sujets avec syndromes coronaires aigus. Elle a montré une augmentation (RR = 1,36 ; IC95 : 1,09-1,70 ; p = 0,006) du risque d'événement cardiovasculaire (mortalité, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral) dans le groupe prétraité par ticagrélor. L'ampleur inattendue de cet effet, qui n'est pas associé à un moindre risque de saignement dans le groupe prétraité par ticagrélor, est difficile à interpréter.
Les résultats finaux à 5 ans du registre observationnel CLARIFY (6), portant sur 32 703 coronariens stables, ont également été présentés, et montrent, dans cette cohorte relativement bien traitée, un taux d'événements cardiovasculaires à 5 ans relativement faible (taux de décès cardiovasculaire ou infarctus du myocarde de 8,0 % à 5 ans (IC95 : 7,7-8,3)), mais avec 2 observations importantes : la première c'est que les sujets ayant des symptômes angineux ont un pronostic nettement plus sérieux, mais exclusivement s'ils ont un antécédent d'infarctus du myocarde. La seconde c'est que malgré l'utilisation large des classes médicamenteuses recommandées en prévention secondaire, le contrôle des facteurs de risque reste globalement médiocre avec environ 20 % des sujets atteignant un objectif de LDL à 70 mg/dL ou moins, et moins d'un tiers des sujets remplissant l'objectif tensionnel de 130/80 mm Hg.