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Éditorial

Ablation de la fibrillation atriale, après CASTLE et CABANA


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Malgré les enjeux en termes de santé publique avec plus de 33 millions de personnes présentant cette arythmie dans le monde, la prise en charge de la fibrillation atriale (FA) continue à poser question. Si la prévention du risque thromboembolique est aujourd'hui bien codifiée avec un apport majeur des anticoagulants oraux directs, la gestion du rythme, contrôle du rythme ou contrôle de la fréquence, reste débattue. Dans ce contexte, la prise en charge rythmique de la FA par une approche non pharmacologique trouve toute sa justification.

Plusieurs études prospectives randomisées ont été menées au cours des dernières années pour évaluer le bénéfice de l'ablation endocavitaire en comparaison du traitement antiarythmique, études incluant majoritairement des patients en échec du traitement médicamenteux. Moins nombreuses sont les études testant l'ablation en première intention. Petits échantillons, populations hétérogènes, critères d'évaluation peu robustes justifiaient de consolider les données disponibles. Dès lors, les résultats des études CASTLE-AF [1], conduite chez des patients avec une dysfonction ventriculaire gauche, et CABANA [2], menée dans une large population, étaient fortement attendus. Allaient-ils permettre de clore le débat ou au contraire relancer la discussion ?

Les patients inclus dans l'étude CASTLE-AF devaient avoir une fraction d'éjection du ventricule gauche (FEVG) < 35 % et étaient tous implantés d'un défibrillateur automatique permettant d'assurer le suivi rythmique. 179 patients ont été randomisés dans le bras ablation, 184 dans le bras traitement médicamenteux, que ce soit dans un objectif de contrôle du rythme (30 % des patients) ou de contrôle de la fréquence. La FA était persistante dans 70 % des cas, > 1 an dans 30 %. Après un suivi moyen de 38 mois, le critère primaire d'évaluation composite décès toute cause-hospitalisation pour insuffisance cardiaque a été validé dans 28,5 % des cas dans le groupe ablation versus 44,6 % dans le groupe traitement médicamenteux (p = 0,007), avec une différence significative pour chacun des 2 éléments du critère composite (mortalité globale : –47 %) et également une réduction significative (–50 %) de la mortalité cardiovasculaire. Le taux de réintervention dans le groupe ablation a été de 24,5 % et le taux de crossover vers l'ablation dans le groupe médicament, de 9,8 %. L'analyse des fonctions mémoire des défibrillateurs, avec toutes les réserves sur les conclusions qui peuvent en être tirées, identifie 63 % des patients du groupe ablation en rythme sinusal sans récidive de FA versus 22 % dans le groupe traitement médicamenteux. Parallèlement est observée une amélioration des capacités fonctionnelles (test de marche de 6 minutes) et de la FEVG (+ 8 % dans le groupe ablation versus + 0,2 % dans le groupe médicament ; p = 0,005). L'étude CASTLE-AF valide donc sur un critère d'évaluation robuste l'intérêt de l'ablation dans le contexte d'une FEVG abaissée, avec un nombre de patients à traiter pour sauver une vie, particulièrement bas (8,6 patients), confortant les résultats des études CAMTAF et AATAC qui avaient déjà démontré un bénéfice rythmique et une amélioration de la FEVG.

L'étude CABANA a randomisé 2 204 patients présentant une FA, persistante dans 58 % des cas, avec un bras ablation versus un bras traitement médicamenteux, et un suivi de 4 ans. Le critère primaire d'évaluation composite associant décès-accident embolique cérébral-hémorragie grave-arrêt cardiaque a été validé chez 8 % des patients du groupe ablation versus 9,2 % dans le groupe médicaments (p = 0,30), et ce malgré une réduction significative des récidives de FA dans le groupe ablation (50 versus 70 %). Une seconde procédure a été effectuée chez 19,4 % des patients. Le critère secondaire décès‑hospitalisation cardiovasculaire est réduit de façon significative (51,7 versus 58,1 %) essentiellement en lien avec la gestion du traitement antiarythmique, y compris l'implantation de stimulateur cardiaque. Une limite majeure est le taux élevé (27,5 %) de crossover vers l'ablation dans le groupe médicament qui justifie de nuancer les résultats négatifs sur le critère primaire par ceux de l'analyse “en fonction du traitement effectivement reçu”, analyse préspécifiée dans le protocole, avec une réduction de 33 % du critère primaire (p = 0,006), de 40 % pour la mortalité totale (p = 0,005) et de 17 % (p = 0,002) pour les décès et hospitalisations cardiovasculaires. L'analyse du sous-groupe des 1 197 patients souffrant d'insuffisance cardiaque démontre une réduction de 39 % du critère primaire d'évaluation en intention de traiter, très proche de la significativité, identifiant clairement une population susceptible de tirer bénéfice de l'ablation.

Un des objectifs secondaires important de l'étude CABANA était l'évaluation de la qualité de vie qui apparaît significativement améliorée dans le groupe ablation par rapport au groupe médicament, sur la base des questionnaires AFEQT et MASFI. L'amélioration de la qualité de vie après ablation a été également validée dans l'étude CAPTAF publiée récemment [3].

Même si l'étude CABANA est venue en première lecture tempérer l'optimisme suscité par l'étude CASTLE-AF, une analyse “pragmatique” et non pas “méthodologique” des résultats renforce la place potentielle de l'ablation pour la prise en charge de la FA, notamment lorsque la FEVG est basse. Un point à noter est la durée d'inclusion dans l'étude CABANA, plus de 6 ans, avec au fil du temps une évolution des techniques d'ablation (par exemple, les outils d'évaluation du contact permettant une meilleure titration de l'énergie délivrée) et de l'expertise des opérateurs. Sans entrer dans les détails techniques, la procédure initiale repose sur la déconnexion des veines pulmonaires que ce soit par l'utilisation de la radiofréquence ou de la cryothérapie, les gestes additionnels quels qu'ils soient étant réservés aux procédures redux.

Sur la base des recommandations actuelles, le traitement anticoagulant doit être poursuivi en fonction du risque individuel du patient et le succès de l'ablation ne permet pas d'y surseoir. Ce point spécifique est en cours d'évaluation dans l'étude OCEAN.

Au total, le bénéfice fonctionnel apporté par l'ablation endocavitaire de la FA apparaît désormais indiscutable, sans sur-risque lorsqu'elle est pratiquée par des équipes expérimentées, avec un impact sur la morbimortalité chez les patients insuffisants cardiaques. Il est donc possible d'identifier aujourd'hui 2 populations candidates à un traitement par ablation : d'un côté, les FA symptomatiques, souvent paroxystiques, des sujets jeunes, sans cardiopathie, chez lesquels un geste simple a de fortes chances d'améliorer de façon majeure la qualité de vie ; de l'autre, les FA dans un contexte de FEVG abaissée avec un fort enjeu pronostique, au prix de procédures éventuellement plus complexes en raison du caractère persistant de l'arythmie et de la dilatation du massif atrial. Même si nous n'avons pas d'études dédiées pour le démontrer, mieux vaut pratiquer l'ablation tôt, l'attentisme risquant de laisser évoluer le remodelage électrique et structurel associé au processus fibrillatoire. En pratique, l'indication d'une procédure d'ablation doit reposer sur une discussion loyale avec le patient et toujours s'inscrire dans un véritable “contrat de soins”, incluant la réalisation d'une seconde procédure si besoin et, surtout, la prise en charge des comorbidités, notamment le surpoids – comme cela a été bien démontré dans l'étude ARREST-AF ­–, mais aussi le contrôle de l'HTA, l'optimisation du traitement de l'insuffisance cardiaque... l'ablation n'étant pas une baguette magique qui règle tous les problèmes.

Comme toujours, il faut suivre les recommandations en vigueur de la Société européenne de cardiologie, indication de classe I en cas de FA invalidante, malgré un traitement antiarythmique bien conduit, de classe IIa en première intention à la demande du patient. Il est fort probable que les prochaines recommandations, attendues cette année, préconiseront un accès plus large à l'ablation. À suivre…

Références

1. NF Marrouches et al. Catheter ablation for atrial fibrillation with heart failure. N Engl J Med 
2018;378:417-27.

2. DL Packer et al. Effect of catheter ablation vs anti­arrhythmic drug therapy on mortality, stroke, bleeding and cardiac arrest among patients with atrial fibrillation. JAMA 2019;321:1261-74.

3. C Blomström-Lundqvist et al. Effect of catheter ablation vs antiarrhythmic medication on quality of life in patients with atrial fibrillation. JAMA 2019;321:1059-68.


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