L'hypertension artérielle, qui touche 1 adulte sur 4 dans le monde, correspond à la maladie chronique la plus fréquente. En France, il existe environ 14 millions d'hypertendus. Dans le monde, on comptabilise près de 1,5 milliard d'hypertendus. L'hypertension artérielle est responsable, par ses complications, de plus de 10 millions de morts par an dans le monde, soit plus de 200 millions d'années de vie perdues.
Malgré le fait que les traitements antihypertenseurs aient démontré qu'ils réduisaient le risque de complications morbides et mortelles dans l'hypertension artérielle, la majorité des hypertendus dans le monde restent insuffisamment dépistés, insuffisamment traités, et, lorsqu'ils sont dépistés et traités, leurs chiffres de pression artérielle sont insuffisamment contrôlés par le traitement. Ces résultats médiocres en matière de contrôle de l'hypertension artérielle ont poussé les experts de la Société internationale d'HTA à publier des recommandations de prise en charge en juin 2020 [1].
Ces nouvelles recommandations sont-elles différentes des précédentes ?
- Tout d'abord, ces recommandations sont issues de la Société internationale d'hypertension artérielle ; elles ont donc l'ambition de s'appliquer dans le monde entier. Dans cet esprit, les experts proposent des recommandations à 2 niveaux. Le premier niveau concerne les pays aux ressources limitées, où le message se limite aux points essentiels de prise en charge. Le second niveau concerne les pays qui ont les moyens financiers d'une prise en charge optimale, à savoir les pays les plus riches, pour lesquels le meilleur est proposé à tous les patients.
- Concernant la définition de l'hypertension artérielle, les experts américains, en 2017, ont “fait table rase”, puisqu'ils ont proposé de modifier la définition de l'hypertension artérielle. Aux États-Unis, on n'est pas hypertendu à partir de 140/90 mmHg, mais à partir de 130/80 mmHg. En Europe, 1 an plus tard, les experts européens sont restés sur la définition classique d'une pression artérielle supérieure à 140/90 mmHg. Les experts internationaux n'ont pas emboîté le pas aux Américains, puisqu'ils recommandent, comme en Europe, de ne considérer les patients comme hypertendus qu'au-delà de 140 mmHg pour la pression systolique et/ou 90 mmHg pour la pression diastolique.
Comme les autres groupes d'experts, la Société internationale d'hypertension artérielle met en exergue les mesures non médicamenteuses pour la prise en charge de tous les patients hypertendus, qu'ils aient ou qu'ils n'aient pas un traitement pharmacologique. Bien entendu, on sait bien que ces moyens non médicamenteux nécessitent, pour modifier les habitudes de vie de nos patients, énormément de compétences, énormément de temps, énormément d'énergie. Il reste donc beaucoup de chemin à parcourir.
- Concernant les objectifs tensionnels, les experts se positionnent sur un message essentiel qui est l'obtention du contrôle tensionnel pour tous, avec des pressions artérielles inférieures à 140/90 mmHg dans les 3 mois après le début de la prise en charge.
Ils recommandent de viser, chez les hypertendus les plus jeunes, des pressions artérielles comprises entre 120/70 et 130/80. Ils n'oublient pas les plus âgés chez qui l'objectif tensionnel doit être considéré de façon individuelle en fonction de la fragilité de la dépendance et, bien entendu, de la tolérance du traitement.
- Sur le plan thérapeutique, les experts internationaux suivent les experts européens en proposant, pour la majorité des patients, d'instaurer le traitement pharmacologique avec une bithérapie d'emblée, idéalement en un seul comprimé. Les caractéristiques de cette bithérapie sont multiples : elle doit être à faibles doses, elle doit le plus souvent comprendre un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone et un antagoniste calcique, sauf chez les sujets à peau noire, chez qui l'association antagonistes calciques + diurétique est une option possible.
- Contrairement aux experts européens, les experts internationaux proposent, si la première étape thérapeutique est insuffisante, non pas de passer directement à une trithérapie (ajoutant un diurétique thiazidique à l'association bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone + antagoniste calcique), mais de passer à une bithérapie normalement dosée.
- Pour la première fois, l'hydrochlorothiazide est reléguée au second rang dans la famille des diurétiques, puisqu'il est proposé de privilégier les “thiazide-like”, c'est-à-dire la chlortalidone et l'indapamide.
- Concernant la prévention de la pré-éclampsie, les experts internationaux, conscients des ravages de la pré-éclampsie à la fois en termes de morbimortalité fœtale et maternelle, proposent d'étendre les indications des faibles doses d'aspirine en prévention primaire, sachant que, jusqu'à présent, cette prévention était indiquée en cas d'antécédent de pré-éclampsie, à savoir pour la prévention de la récurrence. Les patientes potentiellement concernées par cette stratégie de prévention sont celles qui ont eu une hypertension artérielle, même sans pré-éclampsie, lors d'une grossesse antérieure, les insuffisantes rénales chroniques, les femmes porteuses d'une maladie auto-immune, les femmes diabétiques ou encore les femmes ayant une hypertension artérielle chronique. Rappelons que l'aspirine doit être prescrite à au moins 75 mg/j, au moins à partir de la 12e semaine, et peut être arrêtée à la 36e semaine.
Finalement, l'hypertension artérielle reste associée à une réelle perte de chances en France comme dans le reste du monde. Rappelons-nous que, malgré sa fréquence, elle est rarement à la fois dépistée, traitée et contrôlée, et que, si nous voulons améliorer ces statistiques sanitaires médiocres, il faut indiscutablement modifier nos stratégies, à la fois diagnostiques et thérapeutiques, notamment dans les actions de dépistage, de prévention et d'éducation. Plusieurs points de ces nouvelles recommandations vont dans le bon sens. Mais vont-elles être largement diffusées ? Vont-elles être utiles ? Vont-elles être appliquées ? L'avenir le dira…