Éditorial

Un congrès européen de cardiologie virtuel mais pourtant bien réel


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Cette année, en raison de la Covid, le congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) était virtuel, et d'accès gratuit sur Internet. Alors que la participation habituelle est de l'ordre de 30 000 participants, cette année, plus de 100 000 participants se sont connectés au moins une fois à la plateforme du congrès. Ce succès apparent ne doit pas masquer les faiblesses du dispositif : d'une part, la majorité des participants se sont connectés pour voir les résultats des grands essais cliniques (“Hot Lines”) et le nombre de participants aux sessions habituelles du congrès, moins mises en avant, était parfois faible. D'autre part, la durée de connexion moyenne au site de l'ESC (et donc la participation réelle au congrès) était vraisemblablement beaucoup plus courte que la durée de participation habituelle, compte tenu du fait que les médecins et professionnels de santé participant devaient assurer des journées de travail normales pendant la période du congrès.

Néanmoins, malgré ce caractère virtuel du congrès, des résultats importants et qui vont influencer la pratique ont été présentés. J'en ai sélectionné 5, qui m'ont paru avoir des applications cliniques importantes. Le résultat certainement le plus novateur est la mise au point, l'essai et la démonstration dans un essai clinique randomisé contrôlé du bénéfice physiologique, fonctionnel et clinique d'un premier traitement étiologique de la cardiomyopathie hypertrophique obstructive, le mavacamten. Il s'agit d'un inhibiteur ciblé de la myosine cardiaque qui réduit le nombre de ponts actine-myosine et donc peut interférer avec l'hypercontractilité qui est caractéristique de cette affection. Ce qui est particulièrement satisfaisant est que ce traitement est dérivé des travaux fondamentaux de l'équipe de Jonathan et Christine Seidman et de Leslie Leinwand et qu'il s'agit donc d'une application clinique, ciblée, de la recherche fondamentale. Dans l'essai Explorer-HCM, essai de phase III multicentrique randomisé en double aveugle contre placebo, le mavacamten a été montré améliorer à la fois la capacité d'effort, les symptômes d'insuffisance cardiaque et réduire le gradient d'éjection ventriculaire gauche au repos, à l'effort ou pendant une manœuvre de Valsalva et il a été bien toléré. Il s'agit d'un progrès immense dans le traitement d'une maladie qui pour l'instant n'avait pas de traitement médical étiologique véritable.

D'autres résultats importants ont également été rapportés : après l'essai COLCOT présenté en 2019 sur l'intérêt de la colchicine après syndrome coronaire aigu, l'essai LoDoCo2 s'est intéressé à la colchicine chez les coronariens stables. Là aussi, il s'agit d'un essai randomisé versus placebo, et il a montré une réduction substantielle des événements cardiovasculaires de l'ordre de 28 à 31 % sous colchicine, avec en particulier une réduction du risque d'infarctus du myocarde, du risque de revascularisation coronaire motivée par une ischémie myocardique et numériquement moins d'AVC ischémiques. Le seul fait troublant est la constatation numérique d'une augmentation de la mortalité non cardiovasculaire, certes non statistiquement significative mais déjà observée dans d'autres essais avec la colchicine et qui méritera d'être explorée plus en détail.

L'essai EMPEROR Reduced s'est intéressé à l'effet de l'empagliflozine sur les événements cardiovasculaires et rénaux chez les insuffisants cardiaques avec FE abaissée et, comme l'avait déjà montré la dapagliflozine l'année dernière dans l'essai DAPA-HF, cet inhibiteur de SGLT2 a montré un effet franc de réduction des décès ou hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Fait notable, le bénéfice était concordant chez les patients diabétiques et non diabétiques. On a également observé un effet de préservation de la fonction rénale marqué. Au vu des résultats de ces 2 essais dans l'insuffisance cardiaque, on peut penser que les inhibiteurs de SGLT2, ou en tout cas au moins la dapagliflozine et l'empagliflozine, vont devenir des médicaments importants dans le traitement de l'insuffisance cardiaque.

L'essai EAST-AFNET 4 s'est intéressé à l'intérêt d'une stratégie de retour en rythme sinusal comparée à une stratégie plus “conventionnelle” de traitement des patients en fibrillation atriale récente. Contrairement à ce qui avait été observé auparavant dans d'autres essais, notamment l'essai AFFIRM, une stratégie de contrôle du rythme s'est avérée clairement supérieure à la stratégie habituelle. Il s'agit certes d'un essai “ouvert” et les méthodes de contrôle du rythme étaient variées (ablation, antiarythmiques), mais elle suggère qu'une prise en charge plus agressive que le simple contrôle de la fréquence cardiaque peut avoir des bénéfices importants chez les patients dont la fibrillation atriale n'est pas installée de longue date.

Enfin, l'essai randomisé franco-espagnol REALITY a comparé 2 stratégies transfusionnelles chez les patients ayant un infarctus du myocarde aigu et une anémie inférieure à 10 g/dL d'hémoglobine. Une stratégie restrictive (évitant les transfusions sauf si l'hémoglobine était inférieure à 8 g/dL) s'est avérée cliniquement non inférieure mais moins coûteuse qu'une stratégie de transfusion systématique. Elle a en outre permis d'économiser de précieuses poches sanguines, puisque le taux de transfusion a été réduit de 55 % dans le groupe “stratégie restrictive”.

Ce bref survol ne permet pas de rendre compte de la richesse d'un grand congrès avec des centaines de sessions et nous rendrons compte plus en détail dans la Lettre du Cardiologue de nombreux autres résultats importants.



Liens d'intérêt

P.G. Steg déclare avoir des liens d’intérêts avec Amarin, Bayer, Sanofi, Servier (bourses de recherche) ; Amarin, AstraZeneca, Bayer, Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Idorsia, Novartis, Pfizer, Sanofi, Servier (études cliniques) ; Amgen, Novo-Nordisk, Regeneron (orateur ou consultant).

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