Il est fréquent que des patients prenant des statines au long cours se plaignent d'effets indésirables, notamment musculaires. La fréquence de ceux-ci varie de 5 à 20 % dans la plupart des grandes séries, mais semble nettement moindre lorsqu'elle est testée dans des études en double aveugle versus placebo [1]. Néanmoins, elle varie beaucoup d'un pays à l'autre, et est parfois plus élevée, ce qui finit par constituer une cause fréquente de non-adhésion au traitement ou d'arrêt définitif du traitement, même en cas de situation à haut risque cardiovasculaire en prévention secondaire. L'arrêt du traitement par statines représente une “perte de chance” pour les patients, dans la mesure où il s'agit d'un traitement dont l'efficacité en prévention secondaire est fermement établie, et qui est désormais très peu coûteux maintenant que la totalité des statines est devenue générique. En France, comme dans d'autres pays, à la suite de campagnes de presse intempestives, la réalité du cholestérol comme facteur de risque cardiovasculaire, les bénéfices des statines en prévention secondaire et en prévention primaire et la fréquence et la réalité des effets indésirables de celles-ci ont été présentés de façon tendancieuse au grand public, aboutissant depuis quelques années à une réticence notable des patients à prendre un traitement par statines au long cours. La fréquence des effets indésirables rapportés a d'ailleurs notamment augmenté depuis ces campagnes de presse [2, 3]. Du coup, la réalité de ces effets indésirables est un élément important à comprendre, ainsi que leurs mécanismes, la participation d'un éventuel effet nocebo ayant été évoquée à de multiples reprises notamment après l'essai randomisé Gauss 3 qui avait testé en double aveugle la réintroduction de statines chez des patients supposés intolérants et qui avait montré que chez plus de 50 % des patients, les effets indésirables étaient présents tant avec un placebo qu'avec une statine [4].
Lors du congrès virtuel de l'American Heart Association cette année, des investigateurs britanniques ont rapporté les résultats de l'essai SAMSON [5] qui a étudié 60 patients intolérants aux statines, en les prenant comme leur propre contrôle, en les assignant à des prises alternées chaque mois de traitements tirés au sort qui pouvaient être une statine, un placebo ou aucun traitement. La statine et le placebo étaient administrés en double aveugle. L'intensité des effets indésirables était colligée par chaque patient qui constituait donc son propre contrôle. Les résultats de cette étude sont spectaculaires : ils montrent une fréquence notable d'effets indésirables chez les patients prenant un traitement, mais surtout que l'intensité des effets est quasiment identique dans le groupe prenant un placebo et dans le groupe prenant une statine, et que ces effets sont notablement plus élevés que ceux rapportés par les patients ne prenant aucun traitement, taux qui néanmoins n'est pas nul. Cela suggère que les effets secondaires allégués sont la conséquence d'un effet “nocebo” notable lié au fait de prendre un médicament a fortiori lorsque ce médicament est réputé donner des effets indésirables. Un autre résultat important de cette étude est qu'après communication des résultats de l'essai, la moitié des patients a pu reprendre avec succès un traitement par statine, qui a été toléré avec un recul d'au moins 6 mois.
Certes, l'étude n'est pas exempte de critiques : elle est de petite taille, ne s'intéresse qu'aux intolérances précoces aux statines, la nature des effets indésirables n'est pas clairement décrite, et il n'y a pas de période de “washout” entre les périodes de traitement qui sont assez courtes. Néanmoins, elle est astucieuse et très démonstrative, et contient des leçons précieuses pour les pouvoirs publics, les professionnels de santé, et les médias. Pour les pouvoirs publics, ils démontrent l'importance de la communication d'un message de santé publique fiable aux patients. Pour les professionnels de santé, ils soulignent le bénéfice d'un dialogue avec chaque patient pour expliquer la réalité, la fréquence et les conséquences des éventuels effets indésirables des traitements prescrits ainsi que d'une discussion de la balance bénéfices/risques. Pour les médias, ils démontrent la nocivité majeure des campagnes de presse exagérant les effets indésirables de traitements utiles tels que les statines en prévention secondaire cardiovasculaire, qui aboutissent à induire un effet nocebo notable.