Voici près d'un an que, du fait de la pandémie de Covid-19, les congrès présentiels ont été suspendus. Après une brève période de “sidération”, les grands congrès se sont réorganisés pour fonctionner sous forme virtuelle, parfois de façon très sophistiquée (comme le congrès de la Société européenne de cardiologie, où les orateurs et les modérateurs des principales sessions sont réellement filmés puis réintégrés dans un environnement commun virtuel, donnant l'illusion qu'ils sont tous au même endroit au même moment), mais plus souvent sous forme “dégradée” avec une simple présentation en Webex. L'édition 2021 du congrès de l'American College of Cardiology aura, elle aussi, été adaptée à un format entièrement virtuel, ce qui n'a pas empêché ce congrès d'être un événement majeur de l'année cardiologique avec la présentation de plusieurs résultats importants qui vont influencer la pratique clinique.
Congressistes et orateurs ont rapidement découvert que le format virtuel avait beaucoup d'avantages sur le format traditionnel : il n'est plus nécessaire de perdre de précieuses journées à voyager avec l'inconfort et la fatigue des voyages. Plus nécessaire de s'imposer et d'imposer à son entourage, conjoint, enfants, une séparation de plusieurs jours. Enfin, et ce n'est pas le moindre des avantages, le format virtuel économise les coûts du déplacement et du logement sur le site du congrès. Cela est loin d'être trivial à une ère où le financement des déplacements et participations aux congrès médicaux est devenu beaucoup plus difficile, du fait de la réduction et de la réglementation des participations de l'industrie au financement. Les institutions académiques et hospitalières n'ont pas encore mis en place de systèmes de financement souples permettant aux médecins, notamment hospitalo-universitaires, de financer déplacement, logement et inscription aux congrès. Quant aux médecins hospitaliers non universitaires ou aux médecins de ville, il leur est très difficile d'être pris en charge et les coûts sont très souvent à leur charge. De ce point de vue, le format virtuel permet une économie très notable et bénéfique. En outre, il permet d'assister à distance, de chez soi et souvent au moment que l'on choisit aux différentes sessions, en direct mais aussi en différé, ce qui constitue un avantage majeur.
Pour autant, le format virtuel a également des inconvénients majeurs. Le premier est la perte de l'interactivité entre congressistes et orateurs : les congrès traditionnels permettaient lors des sessions orales (ouàlafi n decelles-ci), et encore plus lors des sessions de posters, unerencontre directe, enface à face, entre congressistes intéressés par le même sujet, quipouvait déboucher sur des collaborations médicales ou scientifiques. Même sileformat virtuel permet, dans une certaine mesure, desconversations virtuelles, ledegré d'interaction n'est pas comparable. Deuxième difficulté, la disponibilité intellectuelle : le (ou la) congressiste qui assiste à uncongrès présentiel est abstrait des sollicitations quotidiennes, professionnelles et personnelles, et entièrement disponible pour le congrès, alors que le participant virtuel assiste à une session, voire un fragment de session, entre deuxconsultations, deux procédures ou pendant un bref moment de temps libre, cequi réduit considérablement le temps consacré au congrès par rapport au participant présentiel. Enfin, et c'est peut-être unélément essentiel, l'intérêt d'un congrès n'est pas toujours dansles sessions que l'on attendait. Il m'est fréquemment arrivé d'assister par hasard à une session ouàune communication que je n'étais pas venu voir, avant ouaprès une communication qui m'intéressait, etdedécouvrir un champ thématique, oudesrésultats importants et pertinents pour mapratique ou ma recherche. Lerôle du hasard dans la communication scientifique comme dans la recherche ne doit pas être sous-estimé. Enfin, il ne faut pas négliger l'importance de la convivialité des rencontres périodiques entre amis et collègues autour d'un café ou d'un repas à l'occasion des congrès, opportunités d'échanges etd'amitiés qui disparaissent derrière l'écran d'ordinateur.
L'avenir dira rapidement si les congrès présentiels reprennent leur cours habituel après la pandémie de Covid-19. Il est probable que, du fait des économies etdesavantages logistiques substantiels déjà évoqués, il n'y aura pas de retour intégral aux grands congrès de naguère, et que nous évoluerons vers des congrès allégés et raccourcis, adaptés à notre temps d'attention toujours plus bref.
Celan'aurapas que des avantages…