La vaccination est le sujet du moment, avec dans l'actualité les rappels de vaccination anti-Covid-19 chez les adultes à risque et les professionnels de santé, le débat sur l'intérêt de l'extension de la vaccination anti-Covid-19 aux enfants, et le début de la vaccination antigrippale saisonnière. Dans ce contexte de vaccination de masse, la question des effets indésirables du vaccin est une question légitime, car ceux-ci, mêmes rares, existent et doivent, comme pour tout traitement préventif ou curatif, faire poser la question du rapport bénéfice-risque. Pour ce qui est des vaccins anti-Covid-19, on dispose désormais d'informations détaillées, après la réalisation de plusieurs milliards d'injections.
Globalement, les vaccins anti-Covid-19 autorisés dans l'Union européenne, et en particulier les vaccins à ARN messager, largement utilisés en France, sont extrêmement sûrs. Pour le vaccin AstraZeneca (vaccin à vecteur adénoviral), il a été identifié un risque de complications thrombotiques rares, surtout chez les sujets les plus jeunes et notamment de sexe féminin, qui a conduit à restreindre l'utilisation du vaccin après 55 ans. Pour les vaccins à ARN messager, il a été identifié un risque de myocardite aiguë, récemment passé en revue de façon détaillée par des auteurs américains [1]. Des données israéliennes, publiées cet automne, à partir des données de santé de 5,1 millions d'Israéliens ayant reçu 2 injections du vaccin Pfizer-BioNTech, permettent de préciser la fréquence et la distribution du risque [2]. Celui-ci est surtout consécutif à la seconde injection du vaccin Pfizer-BioNTech, avec une incidence beaucoup plus élevée chez les sujets de sexe masculin entre 16 et 19 ans. L'immense majorité (95 %) des 136 myocardites survenues après vaccination étaient des formes mineures, et un seul cas de myocardite fulminante a été mortel. Elles guérissent le plus souvent spontanément, et sans séquelles. Le risque de survenue de myocardite dans les 30 jours suivant une seconde injection était 2,35 fois plus élevé chez les vaccinés que chez les non-vaccinés (et 9 fois plus chez les adolescents de sexe masculin de 16 à 19 ans), avec la majorité des cas survenant dans la semaine suivant la seconde injection du vaccin. L'incidence dans cette classe d'âge était de 1 cas pour 6 637 jeunes garcons vaccinés et 1 pour 99 853 jeunes filles vaccinées. Les données issues de la pharmacovigilance d'une des mutuelles israéliennes [3] ont fourni des résultats très similaires. Il faut se souvenir que les myocardites “spontanées” indépendantes de la vaccination, et le plus souvent liées à des infections virales saisonnières, surviennent également dans cette classe d'âge. Les données nationales israéliennes suggèrent 2,7 cas supplémentaires/100 000 sujets vaccinés par rapport à l'incidence habituelle.
Ce qui est intéressant, c'est que l'infection par SARS-CoV-2 produit elle-même des myocardites aiguës, d'ailleurs assez nettement plus fréquentes que celles produites par la vaccination. Une autre publication israélienne a mis en perspective les risques de morbidité post-vaccination anti-Covid-19 et postinfection à SARS-CoV-2 [4, 5]. Elle est éclairante : la vaccination augmente le risque de myocardite 2,7 fois, mais l'infection par SARS-CoV-2 l'augmente 11 fois. En outre, les myocardites post-vaccination sont généralement mineures et de résolution spontanée avec un seul cas mortel rapporté, et la vaccination anti-Covid-19 prévient également d'autres affections graves que les myocardites, avec une réduction notamment des risques d'arythmie, d'infarctus du myocarde, de maladie veineuse thromboembolique, de péricardite, d'hémorragie intracrânienne et de thrombopénie, par rapport aux sujets infectés par SARS-CoV-2 [4, 5]. Dans la classe d'âge des hommes jeunes, heureusement, le risque de mortalité lié à l'infection à SARS-CoV-2 est faible et celui lié à la vaccination, infinitésimal. Il est donc important d'examiner le risque de complications non mortelles du vaccin et de l'infection par SARS-CoV-2. Les résultats, présentés par les équipes israéliennes, à partir des études en population, sont éclairants : le risque de morbidité est nettement plus élevé chez les non-vaccinés que chez les vaccinés ce qui, en période d'épidémie, plaide très fortement en faveur de la vaccination, même chez les sujets jeunes.
En conclusion, il existe un risque réel de myocardite aiguë post-vaccinale, après la seconde injection du vaccin Pfizer-BioNTech, surtout chez les adolescents de sexe masculin. L'immense majorité de ces myocardites est bénigne et de guérison spontanée, sans séquelles. Le risque de myocardite doit être mis en balance avec les risques de l'infection par le virus SARS-CoV-2, qui comporte un risque de complications morbides (y compris des myocardites dues au Covid-19) beaucoup plus fréquentes et plus graves. Le rapport bénéfice-risque est donc très largement en faveur de la vaccination, même chez les adolescents de sexe masculin.