Fin août 2022 à Barcelone, le congrès de l'ESC a pu rassembler pour la première fois depuis le début de la pandémie les professionnels de la cardiologie du monde entier. Il faisait beau, l'atmosphère était conviviale et il était patent que tous étaient heureux de pouvoir enfin se retrouver. Bien que substantiellement plus petit que les “traditionnelles” éditions qui avaient rassemblé plus de 30 000 participants dans les années qui ont précédé l'épidémie de Covid-19, ce congrès a été un franc succès. Tout d'abord, le contenu scientifique s'est avéré extrêmement riche en résultats susceptibles d'influencer la pratique clinique. Il y a eu dix sessions pour dévoiler de grands résultats cliniques, présentant 36 études différentes : INVICTUS a montré la supériorité des antivitamines K comme anticoagulant chez les patients en fibrillation atriale avec une maladie valvulaire rhumatismale, REVIVED a mis en évidence l'absence de bénéfice d'une stratégie de revascularisation par angioplastie coronaire chez les coronariens stables avec une dysfonction ventriculaire gauche, TIME a montré que la prise des traitements antihypertenseurs le matin ou le soir donnait des résultats cliniques équivalents, SECURE a prouvé l'intérêt clinique majeur d'utiliser une “polypill” en prévention secondaire chez les sujets âgés, DELIVER a une nouvelle fois montré l'intérêt des inhibiteurs de SGLT2 dans l'insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée, la méta-analyse sur données individuelles des essais randomisés de statines a montré que les effets indésirables musculaires observés dans ces essais sont presque aussi fréquents chez les sujets sous placebo que chez ceux sous statine (7 % de différence), une autre méta-analyse des données individuelles (PANTHER) a établi la supériorité d'une monothérapie par inhibiteur de P2Y12 à une monothérapie par aspirine chez les coronariens stables ou stabilisés. Et ce n'est qu'un petit échantillon des principales études présentées au cours d'un congrès extrêmement riche en résultats importants, tant positifs que négatifs. Mais, au-delà des communications scientifiques, ce qui frappait, c'était le plaisir de retrouver la communication informelle, infiniment plus riche que le soliloque minuté que permet une petite fenêtre vidéo de téléconférence sur un écran d'ordinateur. On en apprend parfois plus par la discussion informelle autour d'un café que par la lecture d'une revue détaillée de la littérature… Malgré les contraintes logistiques, le coût et le temps nécessaires au déplacement, la qualité des échanges face à face est sans commune mesure avec celle obtenue en webex, et la disponibilité mentale que permet le déplacement est bien supérieure à la brève durée d'attention que chacun peut avoir lors d'une vidéoconférence au milieu d'une journée rythmée par les soins, les contacts avec les patients et leur famille, l'enseignement, la recherche, et les tâches administratives. Enfin, le congrès présentiel laisse la place au hasard des rencontres et des sessions, qui fait que ce qui est le plus intéressant dans un congrès, c'est parfois la communication à laquelle on assiste par hasard ou le poster qu'on lit pendant quelques minutes de désœuvrement. On peut penser que les congrès présentiels, même s'ils seront sans aucun doute moins nombreux et probablement moins longs que dans le passé, ont encore de beaux jours devant eux.