Éditorial

Faut-il revasculariser le myocarde viable ?


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Les partisans de l'angioplastie ont été une nouvelle fois déçus par la parution récente d'un article important paru dans le New England Journal of Medicine. Il s'agit d'une étude prospective (étude REVIVED-BCIS2) s'intéressant à l'angioplastie coronaire dans la dysfonction ventriculaire gauche d'étiologie ischémique [1]. L'objectif était de savoir si une revascularisation percutanée par angioplastie(s), s'affranchissant du risque a priori majoré d'une revascularisation chirurgicale par pontages, permettait d'améliorer le devenir des patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche et traités de façon optimale par médication.

Pour ce faire, nos collègues anglais ont randomisé 700 patients (âge moyen 69 ans) dont la dysfonction ventriculaire était importante (FEVG < 35 %), coronariens sévères (bi- ou tritronculaires dans près de 90 % des cas), chez lesquels de la viabilité avait été mise en évidence. Une moitié des patients était traitée par médicaments et avec des dispositifs de resynchronisation au besoin, l'autre moitié bénéficiait en plus d'une revascularisation par angioplastie(s). Le critère principal associait le décès, quelle qu'en soit la cause, ou une hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Le résultat principal de l'étude est le suivant et semble clair : pour un suivi médian de 3,5 ans, la survenue du critère principal était tout à fait similaire (38 versus 37,2 %).

Notons qu'il s'agit de la première grande étude randomisée traitant de cette question pour ce qui concerne l'angioplastie coronaire. Rappelons qu'une étude similaire testant l'intérêt d'une revascularisation chirurgicale dans ce contexte chez des patients présentant une dysfonction ventriculaire, avec ou sans viabilité, est l'étude STICH, dans laquelle l'incidence des décès à 5 ans était similaire dans le groupe opéré et dans le groupe non opéré, notamment en raison du risque initial post-pontage. Cependant, un bénéfice a été mis en évidence au fil du temps, car à 10 ans, les patients revascularisés présentaient une meilleure évolution, essentiellement en termes de survenue d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque, que ceux sous traitement médical optimal [2].

Dans l'étude REVIVED-BCIS2 qui nous intéresse, la viabilité était présente dans au moins 4 segments qui pouvaient se prêter à une revascularisation. Il est intéressant de s'attarder sur l'un des critères secondaires, celui de la fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) évaluée à 6 et 12 mois, mesurée en échographie. La FEVG était basse à 27 % à l'état de base, et n'a pas été significativement modifiée à 6 et 12 mois. Elle n'a augmenté que de 2 % dans le groupe revascularisé et de 1,1 % dans le groupe non revascularisé à 12 mois.

Comment interpréter ces résultats ? Remarquons d'abord qu'il s'agit d'une étude de supériorité, qu'elle est négative, ce qui fait qu'en théorie il n'est pas licite de tirer des conclusions d'équivalence. Notons également que les patients étaient des patients chroniques sans angor pour deux tiers d'entre eux, avec un angor modéré pour les autres. Ces derniers, à leur inclusion, étaient pour trois quarts des cas classés en stade I ou II de la NYHA, c'est-à-dire peu symptomatiques. Il est possible que les patients les plus sévèrement atteints n'aient pas été inclus dans cette étude, il n'est pas fait mention du nombre de patients potentiellement incluables, mais seulement du nombre de patients inclus. D'autre part, si la fréquence de la survenue d'infarctus ne diffère pas dans les 2 groupes au cours du suivi, 2 fois plus d'infarctus spontanés et 4 fois plus de revascularisations sont colligés dans le groupe non revascularisé. Les critères de qualité de vie (KCCQ : Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire) ont également été meilleurs à 6 et 12 mois dans le groupe revascularisé. Le suivi médian des patients est inférieur à 4 ans, il est possible que les bénéfices de la revascularisation s'inscrivent à plus long terme, comme cela a été constaté dans l'étude STICH mentionnée plus haut, s'intéressant à la revascularisation chirurgicale, et dans laquelle le bénéfice n'était pas apparent à 5 ans mais à 10 ans.

Cette étude nous incite à nous pencher sur la notion de viabilité myocardique et à nous rappeler qu'habituellement, un segment myocardique est jugé viable si sa cinétique s'améliore ou se normalise après revascularisation. La dysfonction ventriculaire gauche peut-être liée à une nécrose ou à un myocarde hibernant. L'hibernation est la conséquence d'une perfusion suffisante pour maintenir un certain degré de viabilité des myocytes, mais insuffisante pour assurer une contraction myocardique normale. Une méta-analyse nous indique que la présence d'une viabilité est généralement associée à une amélioration de la FEVG après revascularisation entre 8 et 10 %, quelle que soit la méthode d'imagerie utilisée [3]. Un résultat qui contraste avec ceux de l'étude commentée (2 % d'amélioration à 12 mois). Ce qui par ailleurs suscite une question au sujet du moment le plus propice pour une revascularisation, car il est possible qu'une hibernation prolongée (dans le cas d'une revascularisation tardive) puisse évoluer vers une nécrose à bas bruit. La question de la détection adéquate par les méthodes d'imagerie de la viabilité persistante se pose également avec acuité, on est interpellé dans cette étude par l'absence d'amélioration significative de la FEVG après revascularisation, ce qui pourrait remettre en cause la qualité de la détection de la viabilité telle qu'elle est effectuée dans l'étude. En effet, si la détection de la viabilité est jugée adéquate dans cette étude, et si les résultats sont confirmés à plus long terme et par d'autres essais, l'intérêt de la détection de la viabilité myocardique se poserait, car la revascularisation des patients ischémiques n'est pas améliorée par cette détection et la revascularisation qui s'en suivrait.

En conclusion, prenons en compte les résultats de cette étude qui indique que chez des patients coronariens chroniques avec dysfonction VG, la revascularisation par angioplastie n'apporte pas de bénéfice pronostic en sus du traitement médical optimal. Il sera peut-être judicieux de rester un clinicien de bon sens en différenciant un patient sans risque hémorragique particulier (dans le cadre du maniement des anti-thrombotiques post-angioplastie) pour lequel l'anatomie coronaire se prête à une revascularisation simple, et un patient à risque hémorragique élevé dont l'anatomie coronaire complexe augure une revascularisation difficile et longue.

Références

1. Perera D et al. Percutaneous revascularization for ischemic left ventricular dysfunction. N Engl J Med 2022. Prépublication en ligne. Doi. 10 ;1056/NEJMoa2206606

2. Howlett JG et al CABG Improves outcomes in Patients with ischemic cardiomyopathy: 10-year follow-up of the STICH trial. JACC Heart Fail 2019;7(10):878-87.

3. Bax JJ et al. Radionuclide techniques for the assessment of myocardial viability and hibernation. Heart 2004;90(suppl 5):v26-v33.


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