En mai 1983 paraissait le numéro 1 de La Lettre du Cardiologue, premier périodique du groupe Edimark, sous la direction scientifique d’André Vacheron… 40 ans et 3 rédacteurs en chef plus tard, et après 564 numéros, notre revue demeure toujours aussi dynamique et innovante. Chacun de nous – moi-même, Christophe Bauters puis Philippe Gabriel Steg (dans l’ordre chronologique) –, a essayé avec son style propre d’apporter sa contribution au développement et à la bonne marche de notre revue, et c’est avec satisfaction que nous observons la fidélité de notre lectorat et son appréciation de la qualité scientifique des textes publiés. Rédacteur en chef est un travail d’équipe, et rien n’aurait pu être fait sans un comité de rédaction composé d’amis très chers et talentueux, dont les suggestions et la participation active ont permis d’atteindre le succès que nous rencontrons. De même, nous avons bénéficié du soutien sans faille de Claudie Damour-Terrasson, directrice de la publication, dont la vision sur la presse médicale et l’optimisme permanent nous ont stimulés et inspirés. Enfin, il faut aussi rendre hommage au travail minutieux et sans concession de nos secrétaires de rédaction : Annick Roussel, Christelle Dededjian, Maylis Voitellier, Lorraine Lerch puis Anne-Claire Blanchet, dont le rôle dans la mise en page et la clarté des textes publiés doit être souligné.
Que de changements avons-nous vécu dans notre discipline au cours des 40 dernières années !
En 1983, l’angioplastie coronaire au ballon était en plein essor, mais les stents coronaires étaient inconnus et la chirurgie de pontage aortocoronaire demeurait la technique reine de revascularisation pour les patients coronariens. L’utilisation des inhibiteurs de l’enzyme de conversion était balbutiante et concernait essentiellement l’hypertension artérielle. Aucun traitement moderne de l’insuffisance cardiaque n’était disponible et les bêtabloquants restaient contre-indiqués, laissant pour seules options les diurétiques, les digitaliques et le repos prolongé. Les statines n’avaient pas atteint la très large dissémination qui est la leur actuellement et le traitement du diabète se limitait aux sulfamides hypoglycémiants, à la metformine et à l’insuline. En stimulation, les pacemakers monochambre étaient la règle et on ignorait le concept de resynchronisation cardiaque tandis que les techniques ablatives n’avaient pas encore émergé, notamment dans le traitement de la fibrillation atriale. Les objets connectés étaient inexistants. En chirurgie des lésions coronaires, l’utilisation des greffons veineux était généralisée, la transplantation cardiaque émergeait seulement comme la technique d’ultime recours dans l’insuffisance cardiaque avancée, grâce à l’emploi des médicaments antirejet, tandis qu’aucune alternative de traitement percutané des rétrécissements aortiques n’était envisagée. L’imagerie cardiovasculaire se résumait à la coronarographie conventionnelle et à l’échocardiographie TM, tandis que le cathétérisme cardiaque demeurait la technique de référence dans l’évaluation des maladies valvulaires. Point de scanner cardiaque ni d’imagerie par résonance magnétique (IRM), point d’échocardiographie 2D ou 3D, point d’analyse fonctionnelle du tissu myocardique et de sa viabilité ou de la fibrose. Enfin, la cardiologie était le berceau des premières grandes études contrôlées, qui allaient devenir la base de la médecine fondée sur les preuves.
Au travers de ces quelques exemples, on mesure combien notre discipline a évolué et quelle a été notre chance de voir s’accomplir cette révolution conceptuelle, technologique et thérapeutique au profit de nos patients, dont le profil s’est modifié avec les années : patients plus âgés, souvent porteurs de multiples comorbidités qui rendent leur prise en charge plus complexe. Il est extraordinaire de constater que l’aventure se poursuit avec l’irruption de la génétique, de l’“omique”, de l’intelligence artificielle analysant les grandes banques de données pour assurer un meilleur phénotypage et une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent les maladies cardiovasculaires. De nouvelles catégories de médicaments non issus de la chimie traditionnelle, oligonucléotides antisens, ARN interférents et édition du génome, apparaissent dans le traitement de l’amylose cardiaque ou des hypercholestérolémies. En imagerie, la caractérisation tissulaire est de plus en plus fine et les approches d’angiographie non invasive permettent de penser que les heures de l’angiographie coronaire diagnostique sont comptées. Le développement de la réalité augmentée et des jumeaux numériques semble promis à un grand avenir en chirurgie ou en cardiologie structurelle. Voilà les pistes de la cardiologie de demain.
Notre revue est fière d’avoir accompagné cette révolution dans la prise en charge des maladies cardiovasculaires, en diffusant une information scientifique de haute qualité, objective et impartiale, à la pointe du progrès grâce au concours des multiples experts qui ont accepté de publier dans nos colonnes. 40 ans, c’est la plénitude de l’âge adulte et nous regardons avec confiance l’avenir de La Lettre du Cardiologue, animée par un comité de rédaction enthousiaste et créatif, coordonné avec brio par Philippe Gabriel Steg.
Bon anniversaire et longue vie à notre revue !