Lors du congrès de l’ESC, Holger Thiele et ses collègues ont rapporté les résultats de l’essai randomisé ECLS-SHOCK, qui a porté sur l’intérêt d’une assistance circulatoire par circulation extracorporelle dans le choc cardiogénique compliquant l’infarctus du myocarde. Il s’agit d’une question majeure, car si la mortalité due à l’infarctus du myocarde sans choc cardiogénique s’est quasiment effondrée ces dernières décennies, la mortalité associée au choc cardiogénique est, quant à elle, restée stable et élevée à environ 50 % depuis plus de 20 ans. Pour offrir aux patients une solution thérapeutique, l’emploi des systèmes d’assistance circulatoire a connu un essor important. La même équipe avait réalisé il y a quelques années un 1er essai randomisé (IABP2) démontrant la futilité de l’utilisation de la contre-pulsion intra-aortique dans ce contexte. L’essai ECLS-SHOCK portait, lui, sur la circulation extracorporelle veinoartérielle par oxygénateur à membrane (ECMO). Il a randomisé 420 patients avec infarctus aigu, décision de revascularisation et choc cardiogénique avéré de moins de 12 heures, avec lactates artériels > 3 mmol/L. Le critère primaire de jugement était la mortalité toutes causes mesurée à 30 jours. L’essai était fondé sur une hypothèse de réduction de la mortalité de 50 à 35 % par l’ECMO. Le résultat est sans appel : il n’y a eu aucun effet sur la mortalité (HR = 0,98 ; IC95 : 0,80-1,19). Il n’a pas non plus été observé d’évolution favorable des lactates, de la fonction rénale. En revanche, les risques de saignement et de complication artérielle périphérique étaient plus que doublés dans le groupe ECMO. Ce résultat était homogène dans les différents sous-groupes de patients définis par l’âge, le sexe, l’existence d’un diabète, le type ou la localisation de l’infarctus, ou l’importance de l’élévation des lactates. Il est conforté par une méta-analyse sur données individuelles de l’ensemble des essais ayant porté sur le sujet, incluant ECLS-SHOCK et qui donne un résultat identique, assez attendu dans la mesure où ECLS-SHOCK est le plus grand essai, et de loin. Ce résultat “négatif” est évidemment décevant pour les patients, car l’étude établit bien la futilité de l’ECMO dans ce contexte, et ses résultats paraissent crédibles, la méthodologie de l’étude étant sérieuse et la puissance adaptée. L’essai est pourtant absolument crucial pour l’exercice médical et l’avancée de nos connaissances. Il devrait influencer les pratiques et conduire à réduire drastiquement l’utilisation de l’ECMO dans ce contexte, qui représente en effet un effort majeur en termes de ressources humaines et de coût, sans bénéfice établi. Il faut chercher d’autres stratégies thérapeutiques et identifier les profils cliniques qui pourraient quand même tirer profit d’une assistance circulatoire. On sait néanmoins que les pratiques mettent souvent du temps à changer, même lorsque leur inutilité, voire leur caractère délétère, sont établis : il est difficile d’admettre que ce que l’on fait de façon quotidienne, parfois depuis des années, n’a pas de bénéfice démontré. L’avenir nous dira ce qu’il en est.
Plus généralement, cela nous rappelle qu’il n’y a pas d’étude “négative” : il y a des études informatives parce que bien conçues et réalisées avec une puissance adaptée. Elles sont informatives, que le résultat obtenu confirme ou infirme l’hypothèse de départ, et non informatives quand le résultat obtenu n’est pas vraiment interprétable (par exemple, une étude non concluante parce que manquant de puissance). Parmi les études cliniques les plus importantes en cardiologie, beaucoup ont infirmé le bénéfice du traitement étudié. L’exemple classique est celui de l’étude CAST qui, de façon inattendue et contre-intuitive, avait démontré l’effet délétère de la suppression des arythmies ventriculaires par les médicaments antiarythmiques dans les cardiopathies ischémiques (alors même que les troubles du rythme ventriculaire sont une cause importante de décès et que les antiarythmiques sont conçus pour les réduire), mais de nombreuses autres études telles que COURAGE ou BARI 2D ont montré l’importance d’évaluer de façon rigoureuse des traitements utilisés quotidiennement sans preuve solide. Cela nous rappelle que le succès d’une étude n’est pas nécessairement lié au fait que celle-ci confirme l’hypothèse testée, mais qu’elle permet surtout de conclure de façon valide si l’hypothèse est vérifiée, ou au contraire infirmée.