Éditorial

Faut-il anticoaguler une fibrillation atriale diagnostiquée sur une prothèse cardiaque ?


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La fibrillation atriale (FA) est retrouvée chez près de 50 % des patients porteurs d’une prothèse cardiaque, et elle est le plus souvent asymptomatique. La plupart de ces patients ont déjà un traitement anticoagulant à long terme, mais certains d’entre eux n’en ont pas, et se pose donc la question de la pertinence de commencer une anticoagulation à long terme dans cette situation. Les recommandations ESC de 2020 sur ce type de FA préconisent une anticoagulation chez les patients présentant une FA (ou arythmie atriale rapide (AAR) organisée > 170/min) d’au moins 24 h pour les patients avec score de CHA2DS2VASc de 1 chez l’homme et 2 chez la femme ou ≥ 6 min si le score de CHA2DS2VASc ≥ 2 chez l’homme et ≥ 3 chez la femme. Cependant, il n’y avait jusqu’à présent aucune étude prospective randomisée pour confirmer ces recommandations.

Récemment, 2 études très attendues ont été publiées pour tenter de répondre à cette question :

  • l’étude ARTESIA présentée à l’AHA en novembre 2023 ; cette étude prospective randomisée en double aveugle portait sur l’effet de l’apixaban versus aspirine chez des  patients présentant des AAR d’au moins 6 min mais de moins de 24 h, enregistrées sur des prothèses  cardiaques de type pacemaker, défibrillateur automatique implantable ou holter implantable, avec un score de CHA2DS2VASc ≥ 3. 4 012 patients étaient inclus et cette étude a montré que, dans  cette population, le traitement par apixaban était associé à une diminution significative de 37 % du taux d’AVC ou d’embolie systémique par rapport à  l’aspirine (0,78 %/an versus 1,24 %/an, p = 0,007). Par ailleurs, avec un suivi moyen de 3,5 ans,  il existait une augmentation significative des hémorragies majeures de 80 % (1,71 %/an avec l’apixaban versus 0,94 %/an avec l’aspirine, p = 0,001) ;

  • l’étude NOAH-AFNET 6 a évalué l’intérêt du traitement par anticoagulant (édoxaban) versus placebo chez le même type de patients que dans ARTESIA. Il s’agit d’une étude randomisée prospective en double aveugle avec des patients âgés d’au moins 65 ans, avec un score de CHA2DS2VASc ≥ 2 pour les hommes ou ≥ 3 pour les femmes. 2 536 patients ont été inclus et cette étude a montré que, dans cette population, le traitement par édoxaban était associé à une augmentation significative des hémorragies majeures ou des décès de toutes causes de 31 % (p = 0,03) avec un critère primaire d’efficacité similaire entre les 2  groupes (p = 0,15). Il faut noter que le taux d’AVC dans cette population est plus faible que celui attendu théoriquement (0,9 %/an dans le groupe édoxaban et 1,1 %/an dans le groupe placebo), compte tenu d’un score de CHA2DS2VASc moyen de 4 (taux attendu d’AVC de 4 %/an) dans l’étude.

Une sous-étude de NOAH-AFNET 6 a aussi été présentée à l’AHA 2023, ayant pour objectif spécifique de déterminer si les patients présentant une AAR continue ≥ 24 h, donc potentiellement à plus haut risque thromboembolique, pouvaient davantage bénéficier du traitement par édoxaban.

Les résultats sont identiques chez ces patients par rapport à ceux présentant une AAR de moins de 24 h. La population avec une arythmie plus longue ne tire donc pas non plus de bénéfice du traitement anticoagulant.

Enfin, une méta-analyse des études ARTESIA et NOAH-AFNET 6 a montré que l’utilisation d’un traitement anticoagulant dans ces populations était associée à une réduction du risque d’AVC de 32 %, mais avec une augmentation du risque d’hémorragie majeure de 62 %.

Ces résultats relativement décevants du traitement anticoagulant pourraient être expliqués par le taux d’AVC particulièrement faible dans cette population (environ 1 %/an, alors que celui attendu compte tenu du score de CHA2DS2VASc était d’environ 4 %/an). Il semble donc difficile de donner des recommandations générales concernant le traitement antithrombotique des patients présentant une arythmie atriale asymptomatique diagnostiquée sur une prothèse cardiaque. Une attitude thérapeutique au cas par cas, en fonction du risque thrombotique et hémorragique du patient, paraît donc pour l’instant la plus adaptée. Par ailleurs, compte tenu du faible taux d’AVC observé, la définition de cette FA semble différente de celle indiquant classiquement un traitement anticoagulant (FA diagnostiquée sur un ECG ou un holter ECG de 24 h avec au moins 30 secondes de FA). Il est ainsi possible que la charge en FA (durée totale de la FA) soit un meilleur marqueur de risque thromboembolique que la durée maximale des épisodes. Toutefois, cela nécessite d’être confirmé dans de futures études.


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N. Lellouche déclare avoir des liens d’intérêts avec BMS-Pfizer.

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