Il y a quelques semaines à Chicago, les résultats des grands essais cliniques ont été présentés lors du congrès de l’American Heart Association. Comme à chaque grand congrès, 3 fois par an, ces résultats influent sur notre pratique clinique et guident l’établissement des recommandations. Ce sont les essais cliniques et l’avènement de la “médecine par les preuves” en cardiologie, il y a une trentaine d’années, qui ont permis les progrès considérables de notre discipline et la transformation du pronostic de la plupart des affections cardiologiques : maladie coronaire, insuffisance cardiaque, troubles du rythme.
Pour réaliser ces essais, une recherche clinique bien organisée est indispensable. Elle fait partie du rôle de tous les établissements hospitaliers, et non pas seulement des hôpitaux universitaires. Mais elle est en France en train de prendre du retard par rapport à nos voisins européens : l’industrie du médicament publie, chaque année, une enquête qui détaille la participation française aux grands essais cliniques promus par l’industrie pharmaceutique, précisant le nombre d’études, classées par aires thérapeutiques, le taux d’inclusion, la rapidité de mise en œuvre des études, la qualité des données et la perception générale des investigateurs de chaque pays par les industriels. Ces dernières années, et de façon répétée, ces enquêtes ont mis en évidence un repli de la France. À l’exception de l’oncologie, dans la plupart des domaines, la position de la France en Europe recule en raison de délais de mise en œuvre trop longs, d’une participation erratique, de taux de recrutement insuffisants et trop lents et d’une qualité des données qui n’est pas toujours perçue comme excellente par les promoteurs… Cela contraste avec les progrès fulgurants de certains autres pays européens, et tout particulièrement de l’Espagne, qui a adopté une démarche coordonnée d’accélération et d’amélioration de la recherche clinique.
Cette démarche a impliqué à la fois les autorités de santé (qui ont mis en œuvre des circuits courts d’approbation et de conception d’études), les établissements hospitaliers (qui ont simplifié et accéléré la contractualisation), et les investigateurs eux-mêmes, qui se sont organisés en réseaux de recherche, se sont dotés de moyens d’appui à l’inclusion avec des personnels spécialisés (techniciens et infirmières d’études cliniques) et font l’effort d’identifier les patients candidats susceptibles d’être inclus dans les essais cliniques. Ce progrès est passé également par une décentralisation et une dématérialisation d’une partie des procédures de la recherche clinique. Dans chacun de ces domaines, la France est en retard, voire continue à empiler sur les réglementations européennes, déjà très strictes, des réglementations spécifiques françaises, qui contribuent à freiner encore plus la performance de notre recherche.
Il est indispensable de sortir de ce cercle vicieux pour que la recherche clinique française retrouve la place qui devrait être la sienne. Cela passera notamment par des aménagements réglementaires (qui relèvent des autorités de santé et des responsables politiques), par une organisation beaucoup plus coordonnée des investigateurs en réseaux de recherche et en organisations académiques de recherche (les “academic research organizations” des Anglo-Saxons), par une motivation renouvelée des médecins à participer à la recherche clinique et, enfin, par l’implication directe des établissements de santé, qui doivent impérativement simplifier et accélérer leurs procédures. Une grande partie des CHU est désormais engagée dans cette démarche, via des procédures d’accélération de la mise en place des contrats, des systèmes de guichet unique, d’équipes et d’unités de recherche clinique, le soutien à l’organisation de réseaux interhospitaliers, régionaux ou nationaux, le lobbying auprès des autorités pour la simplification réglementaire et la dématérialisation d’une partie des procédures. Souhaitons que ces démarches portent leurs fruits rapidement !