Comme tous les ans, un dossier de La Lettre du Gynécologue est consacré au Congrès Pari(s) Santé Femmes, le plus grand congrès de gynécologie-obstétrique français organisé par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), qui a été décalé de quelques mois en raison de la pandémie de Covid-19.
Outre les communications scientifiques de très haut niveau que vous découvrirez en lisant ce numéro, nous avons eu l'honneur d'accueillir le Dr Denis Mukwege, gynécologue et chirurgien, prix Nobel de la paix 2018, qui a animé une conférence spéciale consacrée au viol comme arme de guerre.
Le Dr Mukwege a été formé en France et a consacré sa vie à ce crime qui, malheureusement, ne concerne pas uniquement la République démocratique du Congo, mais de nombreux pays et régions : Yémen, Tigré, Myanmar et plus récemment l'Ukraine. Le viol, corollaire des conflits armés, est organisé et crée des dommages personnels et sociétaux considérables.
Le Dr Mukwege a créé l'Hôpital général de Panzi en 1999 pour y accueillir les victimes de violences sexuelles qui sont, bien sûr, des femmes, mais également des enfants et des hommes. À ce jour, plus de 70 000 victimes ont été prises en charge dans son service. Ces viols organisés de façon méthodique sont collectifs, publics, avec des tortures et des effets collatéraux majeurs (déplacements de populations, humiliations faites aux victimes, destructions des organes génitaux, MST, infertilité, etc.). En République démocratique du Congo, ces viols collectifs sont accompagnés d'un pillage et d'une destruction des villages entraînant une extrême pauvreté pour les victimes. Le Dr Mukwege a organisé depuis 20 ans une prise en charge holistique permettant l'accueil des victimes, les soins médicaux (prévention des MST, du VIH, chirurgie des lésions génitales), mais également une prise en charge psycho‑socio‑économique, psychosociale et juridique. Ainsi, cette assistance permet aux victimes de retrouver une part de leur dignité et d'envisager une réinsertion sociale.
Denis Mukwege a rencontré les responsables politiques du monde entier, mais les enjeux économiques font que ces campagnes de viols perdurent dans son pays. À la question posée par l'un de nos collègues qui demandait comment nous pouvions l'aider, il a proposé que chacun d'entre nous sollicite son député (ils viennent d'être élus !) et nous avons établi une lettre type qui sera diffusée sur le site du CNGOF afin qu'il y ait une réelle prise de conscience politique de ces problématiques qui sont malheureusement récurrentes en Ukraine aujourd'hui.
Enfin, il faut souligner que la FIGO a rejoint la Red Line Initiative mise en place par Denis Mukwege, qui a pour objectif de sensibiliser l'opinion mondiale.
Merci à Denis Mukwege dont le charisme, le talent oratoire et le courage sont exceptionnels et qui mène, depuis plus de 20 ans, cet inlassable combat au service des femmes.
Bonne lecture !