Ce très beau dossier illustre une fois de plus l'interdisciplinarité indispensable à une prise en charge optimale des patients souffrant de troubles neurologiques.
L'interdisciplinarité, ou l'art de faire travailler ensemble des personnes ou des équipes issues de diverses disciplines médicales. Sortir de sa zone de confort, de ses acquis et ne pas systématiquement renvoyer le patient vers d'autres spécialités en arguant qu'une hyposmie ou un trouble auditif sont exclusivement du domaine de l'ORL. Revenir à la source et ne pas se laisser emprisonner dans son carcan et sa discipline : des atteintes de l'audition, des fonctions vestibulaires, de l'olfaction et de la gustation peuvent être les premiers signes révélateurs d'une maladie inflammatoire, lysosomale ou neurodégénérative.
Les quelques chiffres édifiants tirés des différents articles constituant ce dossier passionnant en sont la meilleure illustration :
- la prévalence des troubles olfactifs (hyposmie) varie de 45 à 96 % chez les patients parkinsoniens, mais seuls 30 % sont conscients de leur déficit olfactif ;
- près de 85 % des patients au stade précoce de la maladie d'Alzheimer présentent un trouble olfactif, avant même l'apparition du déficit cognitif ;
- une gêne auditive est mentionnée par 8 à 13 % des patients souffrant d'une ataxie de Friedreich et elle est objectivée par des audiogrammes chez 28 % des patients souffrant de cette pathologie ;
- les manifestations audiovestibulaires sont observées chez 20 à 30 % des patients atteints de la maladie de Behçet ;
- un syndrome vestibulaire aigu est inaugural d'une SEP dans 5 % des cas, et, au cours de l'évolution de la maladie, 49 à 56 % des patients atteints de SEP se plaindront de syndromes vertigineux avec parfois un réel impact négatif sur leur qualité de vie ;
- une surdité de perception est retouvée chez 30 % des patients adultes souffrant d'une maladie de Niemann-Pick.
L'autre point crucial est la précocité éventuelle de ces dysfonctionnements ORL, précédant parfois de plusieurs années le diagnostic neurologique. On peut ainsi supposer que, avec l'essor des nouvelles thérapeutiques, leur meilleure prise en compte aboutira à des diagnostics neurologiques beaucoup plus précoces et pourra ralentir, voire impacter, l'évolution de la maladie sous-jacente.
Par ailleurs, chez le sujet âgé de plus de 65 ans, la surdité est le principal facteur de risque modifiable de déclin cognitif et de démence avec une association linéaire entre déclin cognitif et sévérité de la surdité. La prothèse auditive ou l'implant cochléaire pourraient être à l'avenir des voies thérapeutiques efficaces pour contrer le déclin cognitif.
Enfin, je ne saurais terminer cet éditorial sans remercier sincèrement tous les auteurs pour la qualité de leurs écrits et, en particulier, Isabelle Mosnier avec laquelle j'ai eu le plaisir de coordonner ce dossier.