Éditorial

Sport et commotions cérébrales : une liaison dangereuse


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Triple champion du monde de boxe, l'emblématique Mohamed Ali est mort à l'âge de 74 ans en 2016. Il souffrait officiellement de la maladie de Parkinson depuis 1984. Très rapidement, un questionnement avait éclos sur le lien entre son activité sportive et sa maladie neurodégénérative. Il faut dire que dès 1928 le syndrome de punch drunk avait été décrit chez des boxeurs actifs et retraités, remplacé en 1937 par le concept de dementia pugilistica, associant, toujours chez des boxeurs de haut niveau, la survenue de troubles cognitifs et d'un syndrome parkinsonien (lire l'article de J.F. Chermann et F. Marty, page 342). Ce sont ensuite les footballeurs américains qui vont être sous le feu des projecteurs avec, notamment, un article publié dans le JAMA en 2017 [1]. Celui-ci rapportait les résultats de l'étude post-mortem des cerveaux de 202 footballeurs américains montrant des lésions spécifiques d'encéphalopathie traumatique chronique chez 87 % d'entre eux ! Quel point commun évident entre boxe et football américain ? Les commotions cérébrales qui, on le sait, sont fréquentes et récidivantes dans le football américain [2], mais aussi dans d'autres sports de contact dont le baseball, le basketball et le hockey [3]. En France, le questionnement porte essentiellement sur le rugby et le football et, bien entendu, sur les sports de combat.

Le sujet n'est pas nouveau, mais son actualité devient de plus en plus brûlante. À tel point qu'un comité international d'experts – le Concussion in Sport Group (CISG) – a été créé et a établi des recommandations (lire l'article de S. Guillemin et B. Delpont, page 358) sur la détection précoce au bord du terrain des conséquences d'une commotion cérébrale, même légère, et la nécessité, ensuite, d'une évaluation spécialisée pour déterminer les risques liés à la commotion cérébrale, et accompagner le retour au jeu. Une échelle multimodale, le SCAT5®, a été créée et est recommandée dans l'évaluation précoce de ces commotions cérébrales.

La recherche sur les commotions cérébrales porte sur différents points comprenant :

  • une meilleure reconnaissance et description des conséquences cliniques à court et à long terme des commotions cérébrales, même mineures ;
  • l'établissement de facteurs de risque de signes commotionnels persistants et de syndrome post-commotionnel après une commotion cérébrale lors de l'activité sportive (lire l'article de J.F. Chermann, F. Marty et A. Fantou, page 334) ; il est rapporté ici une étude originale d'observation rétrospective de cohorte réalisée entre janvier 2015 et mars 2020 portant sur 510 athlètes, tous sports confondus, ayant présenté sur le terrain une commotion cérébrale ;
  • une meilleure compréhension de la physiopathologie des commotions cérébrales (lire l'article de J.P. Hager, G. Callies et F. Girard, page 352) ;
  • proposer des traitements adaptés, reposant à l'heure actuelle sur une prise en charge précoce de psychoéducation et la prise en charge des troubles psychologiques associés (lire l'article de P. Azouvi et al., page 329).

Les différents travaux en cours ont déjà abouti à des recommandations pratiques : retrait du jeu immédiat et consultation médicale dans les meilleurs délais pour éviter le syndrome du deuxième impact dont les conséquences peuvent être dramatiques, période de repos complet (physique et cognitif) avant d'envisager un retour progressif aux activités (lire l'article de J.P. Hager, G. Callies, F. Girard, page 352).

On gardera en tête, par ailleurs, que le sport a un bénéfice reconnu dans de multiples domaines de la santé, y compris la prévention des maladies neurodégénératives. Si les commotions cérébrales (sportives ou non) demeurent fréquentes en population générale avec environ 150 000 cas par an en France, la plupart ont un pronostic favorable et seuls 10 à 20 % des sujets présenteront un syndrome post-commotionnel avec un retentissement socioprofessionnel (lire l'article de P. Azouvi et al., page 329). L'objectif n'est donc pas d'interdire les activités sportives à risque de commotions cérébrales, mais de les encadrer au mieux pour prévenir la survenue de ces commotions, savoir les identifier le cas échéant et connaître alors la conduite à tenir en pratique.

Encore une fois merci à tous les intervenants de ce très beau et très novateur dossier !

Références

1. Mez J et al. Clinicopathological evaluation of chronic traumatic encephalopathy in players of american football. JAMA 2017;318(4):360-70.

2. Guskiewicz KM et al. Cumulative effects associated with recurrent concussion in collegiate football players: the NCAA concussion study. JAMA 2003;290(19):2549-55.

3. Bieniek KF et al. Association between contact sports participation and chronic traumatic encephalopathy: a retrospective cohort study. Brain Pathol 2020;30(1);63-74.


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S. Dupont déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

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