La prescription préconceptionnelle de folates a été préconisée chez la patiente épileptique il y a déjà longtemps. L'objectif est de réduire la fréquence des défauts de fermeture du tube neural (DFTN ou spina bifida) et repose sur 3 constatations.
- Les DFTN surviennent 21 à 28 jours après la conception, période durant laquelle la patiente ne sait généralement pas encore qu'elle est enceinte, d'où l'importance d'une prescription préconceptionnelle (1).
- On connaît depuis les années 1950 le rôle primordial des folates dans la croissance et la différenciation cellulaires (2) avec un lien établi entre un taux bas de folates et un risque accru de DFTN (3), données qui ont conduit, d'une part, l'OMS à recommander une nutrition renforcée en folates (“fortification” en folates) chez toute femme en âge de procréer (4) et, d'autre part, la Direction générale de la santé à préconiser une substitution systématique en folates à 0,4 mg/j chez toute femme enceinte (5), et ce même si la physiopathologie exacte de la prévention des DFTN par une supplémentation en folates n'est pas encore non totalement élucidée (6).
- Certains médicaments antiépileptiques accélèrent la dégradation de l'acide folique (inducteurs enzymatiques de type carbamazépine) ou l'antagonisent (valproate de sodium), d'où la proposition de considérer les femmes épileptiques traitées comme plus à risque de DFTN et de les supplémenter à plus forte posologie, soit 5 mg/jour (5).
En 2008, les données du Registre américain de grossesses ont battu en brèche ce dogme de la supplémentation préconceptionnelle en folates chez les patientes épileptiques en désir de grossesse, en montrant des taux supérieurs − bien que non significatifs − de spina bifida chez les 1 935 patientes épileptiques supplémentées en folates en préconceptionnel (taux de 0,4 %) versus les 2 375 patientes épileptiques non supplémentées (taux de 0,3 %) [7].
Alors, qui croire ?
De nombreuses revues de la littérature attestent d'une diminution significative du taux de DFTN en cas de supplémentation préconceptionnelle en folates chez la femme en général (8, 9).
Par ailleurs, la prescription préconceptionnelle de folates pourrait également être indiquée pour des raisons cognitives. Une étude récente de M. Bjørk et al. (10) montre que la prise périconceptionnelle de folates réduit le risque de traits autistiques chez les enfants nés de mères traitées par antiépileptiques (quel que soit le médicament), avec une corrélation inverse entre les taux sanguins maternels de folates et les posologies de folates et la sévérité des traits autistiques. Ces résultats ont conduit les auteurs à préconiser une prise en continu de folates chez les femmes épileptiques sous traitement et en âge de procréer.
Au vu de toutes ces données de la littérature, il semble donc adéquat et éthique de continuer à proposer une supplémentation préconceptionnelle et gestationnelle de folates chez la patiente épileptique.