Éditorial

Troubles cognitifs de la sclérose en plaques : vers une meilleure compréhension de leur physiopathologie


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Nos connaissances sur les mécanismes cérébraux impliqués dans les troubles cognitifs de la sclérose en plaques (SEP) reposent essentiellement sur les données de l'imagerie structurelle etfonctionnelle. De très nombreux travaux ont été réalisés dansledomaine depuis les années 1980, mais il n'est pas toujours facile d'entirer une vision claire et synthétique. Récemment, l'intégration desdonnées de connectivité fonctionnelle et structurelle a conduit au concept de “network collapse” [1].

Les premiers travaux avaient montré qu'aux stades précoces, les scores obtenus aux tests cognitifs ne sont que faiblement corrélés au volume ducerveau, de la substance grise ou des lésions. En revanche, il avait été montré des corrélations entre l'atteinte cognitive et les marqueurs d'uneatteinte neurodégénérative diff use au sein de la substance blanche d'apparence normale, qui traduisaient des phénomènes de déconnexion au sein des réseaux neuronaux impliqués dans les fonctions cognitives. Ces travaux s'étaient appuyés sur des techniques quantitatives, comme l'imagerie par transfert de magnétisation ou l'imagerie en tenseur dediffusion. Le rôle del'atteinte de certaines structures clés delasubstance grise – comme lecervelet, le thalamus, l'hippocampe etlecortex – a ensuite été souligné dès les stades précoces en utilisant lavolumétrie etaussi l'imagerie entenseur de diffusion. En particulier, uncircuit impliquant le cervelet, lethalamus et le cortex semble jouer unrôle important dans la vitesse detraitement de l'information, etsonatteinte est corrélée avecleralentissement . L'atteinte de l'hippocampe est, quant àelle, enrelation avec les troubles de la mémoire dès les premières années delamaladie. Les travaux utilisant l'IRM fonctionnelle (IRMf) d'activation ont permis de mettre en évidence l'activation de réseaux decompensation cérébrale chez les patients atteints deSEP préservés surle plan cognitif par rapport à des sujets sains. Cependant, unedemande cognitive accrue, par exemple lors d'une tâche plus complexe, limite l'efficacité de cette compensation parlasaturation desressources disponibles et aboutit à un allongement des temps deréaction, et donc à un ralentissement. L'extension del'atteinte cérébrale du fait de la maladie limite probablement les possibilités de compensation en interrompant les réseaux compensatoires. Les études en IRMf de repos ont confirmé cette notion de collapsus des réseaux neuronaux aboutissant à l'apparition des troubles cognitifs. Aux stades précoces, peu après le premier épisode neurologique, chez des patients cognitivement préservés, on constate que les réseaux de repos se modifient, mais conservent leur efficacité globale aussi bien que locale. L'étude du couplage entre la connectivité fonctionnelle mesurée en IRMf de repos et la connectivité structurelle mesurée en imagerie en tenseur de diffusion permet de montrer, à ce stade, une diminution de ce couplage au niveau de certains réseaux locaux, qui traduit le fait que les connexions fonctionnelles empruntent de préférence des voies indirectes pour assurer la compensation cérébrale, en “contournant” les réseaux lésés [2]. Quelques années plus tard, alors que les troubles cognitifs apparaissent, l'efficacité globale et locale diminue, ce qui traduit le collapse du réseau, et le couplage entre les connectomes fonctionnels et structurels augmente, ce qui suggère une plus grande contrainte de la connectivité fonctionnelle par les réseaux anatomiques, la connectivité privilégiant les connexions directes, bien qu'altérées, du fait de l'inefficacité des réseaux à courte distance à ce stade malgré des phénomènes de plasticité observés à leur niveau [3].

Ainsi, atteinte lésionnelle de la substance grise et déconnexion par atteinte diffuse de la substance blanche aboutissent à une réorganisation des réseaux anatomiques et fonctionnels, d'abord adaptative, permettant une certaine limitation des troubles, puis inefficace, associée à l'apparition clinique des troubles.

Ces dernières années, plusieurs programmes de rééducation cognitive ont montré leur efficacité dans la SEP, ce qui a permis une amélioration clinique et fonctionnelle, probablement grâce à une meilleure utilisation des réseaux compensatoires.

Références

1. Schoonheim MM et al. Network collapse and cognitive impairment in multiple sclerosis. Front Neurol 2015;6:82.

2. Koubiyr I et al. Dynamic modular-level alterations of structural-functional coupling in clinically isolated syndrome. Brain 2019;142(11):3428-39.

3. Koubiyr I et al. Structural constraints of functional connectivity drive cognitive impairment in the early stages of multiple sclerosis. Mult Scler 2021;27(4):559-67.


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