Dans une spécialité médicale, la découverte d'une nouvelle maladie est fort rare. Et encore faut-il prouver qu'il s'agit vraiment d'une nouvelle entité pathologique ! Le formidable avènement des biomarqueurs durant cette dernière décennie a bouleversé notre démarche diagnostique. L'exemple de la génétique en est la meilleure illustration. Le génotype peut prendre l'ascendant sur le phénotype. La découverte d'une anomalie génomique, connue ou pas encore, alerte le clinicien pour revoir le phénotype clinique qui, pourtant, avait été à l'origine de l'analyse du génome…
Il en est de même avec d'autres biomarqueurs, en particulier les immunomarqueurs.
Que penserait aujourd'hui Eugène Devic de la “MOGOsaga” ? Et, franchement, cette saga est digne d'une série d'été de TF1 ! Déjà dans le titre : plus de NMOSD (Neuromyelitis Optica Spectrum Disorder à MOG), mais on élargit le spectre en parlant de Mog-AD (Antibody Disease ou, parfois, Associated Demyelinating Disease) ! Puis les flirts, avec la sclérose en plaques (SEP), l'anatomopathologie ressemble à celle de la SEP pattern 2 [1] et bien sûr avec la NMO AQP4+ de par son atteinte médullaire et visuelle [2]. Et maintenant avec des vedettes associées : de l'encéphalite à NMDA, en passant par l'ADEM, l'épilepsie et plein d'autres maladies neurologiques ! Et enfin, bien souvent une fin plutôt favorable, malgré un début explosif, tellement appréciée dans les séries télévisées !
Les publications se multiplient, avec beaucoup de tableaux très didactiques sur les comparatifs démographiques, cliniques, IRM, biologiques entre la NMO AQP4+ et les MOG-AD parfois même complétés d'une colonne pour la SEP ; avec des arbres décisionnels pour la stratégie thérapeutique en phase aiguë puis éventuellement en traitement de fond [3]. Tout paraissait plutôt clair et consensuel. Mais voilà de nouveaux rebondissements ! Ces anticorps anti-MOG-IgG sont souvent seulement transitoires ou n'apparaissent qu'après plusieurs dosages (la séronégativité est d'ailleurs, à 6 mois, prédictive de l'absence de récurrence) [4]. Des syndromes médullaires cliniquement évidents à IRM tout à fait normale (même lorsqu'elle est renouvelée) ont été décrits avec des anticorps anti-MOG positifs [5]. Et le plus troublant est sans doute la possible atteinte périphérique, avec l'atteinte des racines de la queue de cheval ou des nerfs crâniens associée à la souffrance classique du cône terminal de la moelle alors que MOG n'est pas présent sur les cellules de Schwann [6]. Enfin, des tableaux cliniques d'encéphalopathies diverses sans étiologie évidente ont été décrits avec des anticorps anti-MOG positifs seulement dans le liquide cérébrospinal et négatifs dans le sang [7].
Le spectre des MOG-AD est donc devenu bien large. Pas facile de classer toutes ces associations de maladies, ces atypies, ces surprises : dans les revues, certains auteurs les appellent tantôt “drapeaux rouges”, tantôt diagnostics étiologiques, tantôt formes cliniques… En tout cas, il est aujourd'hui bien difficile de proposer des recommandations pour repérer les bons candidats au dosage des anticorps anti-MOG, et il semble aussi périlleux d'établir les modalités de suivi clinique, biologique et même IRM. Ces doutes et incertitudes nosologiques expliquent la difficulté de la démarche thérapeutique, encore incertaine.