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Éditorial

L'intelligence artificielle supervisée et non supervisée dans l'exploration de la substance blanche en IRM


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En médecine, l'intelligence artificielle (IA) repose sur plusieurs types d'algorithmes informatiques, que l'on peut regrouper en 2 catégories distinctes concernant l'exploration de la substance blanche en IRM : l'IA supervisée et l'IA non supervisée. Grâce aux algorithmes supervisés (les plus populaires étant les réseaux de neurones convolutifs, à la base des techniques dites “d'apprentissage profond”), le médecin expert apprend à la machine à détecter des lésions focales de la substance blanche cérébrale sur des séquences IRM en pondération FLAIR. Puis la machine reconnaît en autonomie ces lésions. Ce sont des algorithmes dits de “segmentation”. Les promesses sont connues : quantification plus précise de la charge lésionnelle dans la sclérose en plaques (SEP) ou encore de la leucopathie vasculaire, pour supplanter le score de Fazekas.

Force est cependant de constater, dans nos pratiques cliniques, que la segmentation des lésions de la substance blanche n'a pas amélioré, à ce jour, de façon substantielle la prise en charge de nos patients. Le service rendu au clinicien par une segmentation automatique est a priori faible dans une filière de soins. On peut ajouter que le modèle de financement publique de l'innovation est presque inexistant en France, et que les coûts de développement d'algorithmes d'apprentissage profond sont très importants en raison de la nécessité de recourir à du “big data”, ce qui limite la diffusion de ce genre de technologie à des centres de santé qui n'ont pas les moyens d'acheter ce type d'algorithme.

Néanmoins, les données quantitatives de segmentation peuvent être avantageusement associées aux autres données patients pour obtenir un modèle de médecine de précision. L'apprentissage profond a d'ailleurs été utilisé sur des séquences IRM pondérées en FLAIR de 1 500 patients atteints de SEP lors des Journées françaises de radiologie en 2019 pour segmenter les lésions de démyélinisation (“data challenge” d'équipes en compétition pour répondre à une problématique de prédiction du handicap clinique de la SEP). Ces “volumes” d'atteintes lésionnelles ont ensuite été associés à des marqueurs cliniques pour prédire le handicap clinique des patients à 2 ans, fondé sur le score EDSS [1]. Le développement de ce type d'outils est promis à un bel avenir “médicoéconomique” puisque qui dit prédiction, dit adaptation thérapeutique possible. On notera que l'opacité du fonctionnement de l'apprentissage profond (“black box”) n'incite pas à la confiance, le domaine des hyperparamètres (le réglage de la machine) étant mal maîtrisé, y compris par les informaticiens les plus chevronnés.

Les médecins neurologues sont en droit d'attendre une IA explicable et éthique, non limitée par les connaissances médicales actuelles. Les techniques d'IA dites “non supervisées” pour l'exploration de la substance blanche en IRM tentent de combler ce vide. Récemment, 2 publications incluant des patients avec des maladies cérébrales ont reposé sur le principe suivant : personne n'informe la machine qu'elle est en train de regarder des données de patients ou de sujets sains. Autrement dit, l'algorithme décompose de lui-même les informations quantitatives venant de l'IRM de diffusion (à noter qu'il est tout à fait possible d'utiliser le même type d'algorithme pour de l'imagerie de morphométrie T1, ou alors pour de la biologie ou de la génétique) pour faire découvrir aux médecins des informations supplémentaires. À charge pour eux de les valider ensuite s'ils les trouvent pertinentes étant donné  leurs connaissances physiopathologiques de la maladie. Le paradigme est en quelque sorte inversé : ce n'est plus l'humain qui entraîne la machine à être plus performante, mais la machine qui entraîne l'humain à être plus vigilant. Si ces 2 travaux montrent de beaux résultats dans la médecine de précision (la possibilité d'étudier les patients un par un plutôt que par groupe), leurs méthodes diffèrent.

Dans le premier papier issu de l'équipe la plus avancée en Europe en IRM de diffusion (laboratoire CUBRIC à Cardiff, Royaume-Uni), les auteurs utilisent une technique de réseaux de neurones appelée “autoencodeurs” [2] pour détecter des anomalies chez des enfants porteurs de mutations génétiques à risque de schizophrénie et chez des adultes porteurs d'une épilepsie pharmacorésistante.
Cette méthode a des limites : la difficulté à gérer le trop-plein de données par patient (ici le nombre de voxels dans le cerveau) et toujours ce côté “black box” de l'apprentissage profond.

Le second papier est le fruit d'une collaboration franco-australienne [3] et utilise pour la première fois en IRM de diffusion une technique dite “d'analyse de variété” qui permet d'analyser les variations globales de signal du cerveau plutôt que localement, voxel par voxel. Les avantages sont multiples : on peut regarder si une maladie modifie le signal IRM de plus de 100 000 voxels cérébraux sans être limité par le nombre de sujets inclus dans l'étude, ou la nécessité de corriger les valeurs statistiques pour des comparaisons multiples. L'autre avantage est la transparence du modèle utilisé : tout est compréhensible avec un code informatique simple dans lequel on peut inclure les données cliniques, génétiques et/ou biologiques pertinentes dans le contexte. La publication princeps se limite à l'analyse de patients ayant des traumatismes crâniens légers, on attendra donc d'autres publications sur des maladies neurologiques.

Il faut noter que ces algorithmes non supervisés peuvent être proposés sans marquage CE dans une filière de soins, sous supervision médicale, donc conformément à la réglementation européenne.

Références

1. Roca P et al. Artificial intelligence to predict clinical disability in patients with multiple sclerosis using FLAIR MRI. Diagn Interv Imaging 2020;101(12):795‑802.

2. Chamberland M et al. Detecting microstructural deviations in individuals with deep diffusion MRI tractometry. Merdrxiv 2021. https://doi.org/10.1101/2021.02.23.21252011

3. Attyé A et al. TractLearn: a geodesic learning framework for quantitative analysis of brain bundles. Neuroimage 2021;233:117927.


Liens d'intérêt

A. Attyé déclare être le fondateur du laboratoire de recherche privé GeodAlsics et être consultant médical pour Pixyl.

F. Cotton n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts.

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