La douleur n'est jamais le prolongement d'une altération organique, mais une activité de sens affectant la personne qui la ressent. L'éprouvé de la douleur, c'est-à-dire la souffrance, n'est nullement la duplication de l'événement corporel, il est la conséquence d'une relation intime et spécifique à une situation et à un public. Les limites de la tolérance des uns ne sont pas celles des autres. La relation à la douleur est toujours pour l'individu une question de signification et de valeur – une relation intime au sens, à une situation –, et non de seuil biologique. Elle n'est pas seulement “physique”, car elle englobe l'individu dans son entier, et d'abord son rapport à soi et au monde. La douleur envahit le monde de l'individu, elle implique un retentissement moral, elle désorganise les choses et perturbe en profondeur les intentions et les activités envisagées.