Trente années se sont écoulées entre la première étude cas-témoins montrant une association entre foramen ovale perméable (FOP) et infarctus cérébral cryptogénique chez l'adulte de moins de 55 ans et la démonstration du bénéfice de la fermeture du FOP par voie endovasculaire sur le taux de récidive d'infarctus cérébral. Cette dernière étape avait pourtant mal démarré, puisque, dans les 3 premiers essais randomisés – CLOSURE 1, PC et RESPECT –, la fermeture du FOP n'était pas supérieure au traitement antithrombotique pour prévenir les récidives d'infarctus cérébral chez des patients âgés de 18 à 60 ans, ayant un FOP et un infarctus cérébral par ailleurs inexpliqué (tableau). Ces résultats négatifs ont conduit à douter de l'hypothèse d'un lien de causalité entre FOP et infarctus cérébral. Ces doutes étaient renforcés par plusieurs études de cohortes montrant que le risque de récidive n'est pas différent chez les patients victimes d'un infarctus cryptogénique attribué à un FOP et chez les patients ayant un infarctus cryptogénique sans FOP.
De nouvelles études
C'est dans ce contexte que les résultats de 2 nouvelles études – CLOSE (1) et REDUCE (2) – et de la prolongation du suivi de RESPECT (3) ont remis le FOP sous le feu des projecteurs, en concluant au bénéfice de la fermeture du FOP par rapport au traitement médical (tableau).
On peut s'étonner des différences de résultats entre les études. Une première raison pourrait être une meilleure sélection des patients inclus dans les dernières études, afin de réduire, d'une part, le nombre de patients ayant un infarctus lié à une autre cause grâce à un bilan étiologique strict, d'autre part, le nombre de patients ayant un FOP sans lien avec l'infarctus cérébral. C'est pour répondre à ces objectifs que les concepteurs de CLOSE (1) ont choisi de n'inclure que des patients ayant un FOP associé à un anévrisme du septum interauriculaire ou à un large shunt, caractéristiques du FOP ayant une association particulièrement forte avec l'infarctus cérébral. De fait, les récidives observées dans le groupe antiplaquettaire de CLOSE n'avaient pas d'autre cause que le FOP, ce qui suggère que les critères de sélection de l'étude ont permis d'inclure des patients dont le FOP était très probablement la cause de l'infarctus initial, ce qui n'était pas le cas dans certaines études antérieures, dans lesquelles la récidive était, chez plusieurs patients, due à d'autres causes.
Une deuxième raison potentielle tient au choix du groupe contrôle. CLOSE (1) et REDUCE (2) ont comparé la fermeture du FOP suivie d'un traitement antiplaquettaire au traitement antiplaquettaire seul, contrairement aux autres essais, qui ont comparé la fermeture à un traitement médical par antiplaquettaires ou anticoagulants selon le choix de l'investigateur. Cette hétérogénéité du groupe contrôle a pu fausser les résultats, car les anticoagulants et les antiplaquettaires pourraient avoir des effets différents sur le risque de récidive. De fait, une méta-analyse des études non randomisées, ainsi que l'étude CLOSE (1), qui comportait un bras anticoagulants oraux, suggèrent que les anticoagulants pourraient, dans ce contexte, être plus efficaces que les antiplaquettaires pour prévenir les récidives d'infarctus cérébral. De plus, la possibilité d'arrêter le traitement antiplaquettaire après la fermeture dans certains essais a pu augmenter le nombre de récidives liées à une autre cause.
Enfin, le suivi plus long des patients inclus dans CLOSE (1), REDUCE (2) et RESPECT (3) a pu contribuer à montrer une différence entre les groupes thérapeutiques.
Quel bénéfice peut-on attendre de la fermeture du FOP ?
Bien que la réduction absolue du risque de récidive après la fermeture soit modeste (environ 1 % par an dans l'étude CLOSE, soit 1 AVC évité à 5 ans pour 20 patients traités par fermeture), le bénéfice clinique pourrait être substantiel dans la mesure où les patients jeunes sont à risque sur une longue période. À titre de comparaison, la réduction absolue du risque d'AVC attribué à une fibrillation atriale sous anticoagulant oral direct (par rapport aux antivitamines K) est d'environ 0,4 % par an, soit 1 AVC évité à 5 ans pour 50 patients traités.
Des complications liées à la fermeture, sans conséquences sérieuses, ont été rapportées chez 1,5 à 5,9 % des patients. Une augmentation des fibrillations atriales a été notée dans plusieurs essais chez les patients traités par fermeture. Bien que la plupart aient été transitoires, leurs déterminants et leur pronostic devront être précisés par des études complémentaires.
Conclusion
Les essais récents ont apporté des réponses attendues depuis longtemps à des questions sur le rôle causal (désormais démontré) du FOP et de l'anévrisme du septum interauriculaire et sur le bénéfice de la fermeture du foramen chez les patients de moins de 60 ans ayant un infarctus cérébral par ailleurs inexpliqué. Toutes les questions ne sont cependant pas résolues. Elles concernent :
- le rôle de l'anévrisme du septum interauriculaire et de la taille du shunt dans le déterminisme du bénéfice de la fermeture du FOP ;
- le bénéfice de la fermeture chez les patients de plus de 60 ans, ceux ayant une autre cause potentielle d'infarctus cérébral (non inclus dans les essais) et ceux ayant un accident ischémique transitoire clinique sans infarctus cérébral (inclus seulement dans CLOSURE 1) ;
- le pronostic des fibrillations atriales induites par la fermeture du FOP ;
- la durée optimale du traitement antiplaquettaire après fermeture ;
- le rôle des anticoagulants oraux comparativement à la fermeture du FOP ;
- l'efficacité respective des différents dispositifs de fermeture.
Les méta-analyses portant sur les données individuelles des patients inclus dans ces essais devraient aider à répondre à certaines de ces questions.