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Cas clinique

Algie vasculaire de la face symptomatique : illustration avec un cas d’adénome somatotrope


(pdf / 313,30 Ko)

L’ algie vasculaire de la face (AVF) est une céphalée primaire dont la sémiologie peut être mimée par un certain nombre d’affections craniocervicales. Parmi les principales causes de ces formes dites “secondaires” d’AVF, on retrouve les adénomes hypophysaires sécrétants.

Observation

Une patiente âgée de 43 ans présentait depuis 5 ans des céphalées quotidiennes. Des céphalées comparables avaient débuté à l’âge de 32 ans, mais dont la fréquence était beaucoup plus aléatoire. Ses céphalées répondent à tous les critères de l’AVF. Elles sont strictement latéralisées à gauche, particulièrement localisées à la tempe, accompagnées d’un larmoiement et d’un comportement d’agitation. Elles sont décrites comme un coup de poignard, pouvant durer entre 90 et 120 minutes et se produisant 4 à 5 fois par jour, avec une certaine régularité. Elles sont plus intenses au cours des menstruations. Le vérapamil (600 mg/j) n’a pas réduit significativement la fréquence des crises et a dû être arrêté en raison d’une constipation réfractaire. Le carbonate de lithium (800 mg/j) et l’indométacine (100 mg/j) ont été également inefficaces. En revanche, en tant que traitement de crise, le sumatriptan par voie sous-­cutanée (s.c.) (6 mg) était efficace. Les résultats de l’oxygène à haute concentration (15 L/min) étaient beaucoup plus aléatoires.

Une IRM cérébrale a mis en évidence un macro­adénome hypophysaire latéralisé à gauche, s’insinuant dans le sinus caverneux (figure 1), mesurant 14 mm dans le sens transverse, 10 mm dans le sens antéro­postérieur et 7 mm dans le sens cranio­caudal (figure 2). La sécrétion d’IGF-1 était anormalement élevée (440 ng/mL, valeur normale < 209 ng/mL). Le reste de la fonction hypophysaire était normal. Quelques symptômes ont été remarqués par la patiente, en rapport avec une acromégalie, tels que l’augmentation d’une taille de pointure ainsi que de l’épaisseur de ses doigts. Après 9 mois de traitement par agoniste de la somatostatine, sans efficacité, une chirurgie d’exérèse a été réalisée par voie endonasale. Cette exérèse a été complète et a confirmé l’envahissement du sinus caverneux par l’adénome hypophysaire. Les céphalées ont disparu dès cette intervention, la sécrétion d’hormone de croissance est devenue normale. Quatre ans plus tard, il n’y avait pas de récidive clinique ou biologique de cet adénome.

Discussion

L’existence de formes secondaires d’AVF a conduit la Société française d’études des migraines et céphalées à recommander la réalisation d’une IRM cérébrale chez tout patient pour lequel ce diagnostic est évoqué [1]. Ces formes secondaires peuvent être sensibles ou réfractaires aux traitements habituellement utilisés dans l’AVF. Elles peuvent être d’origine vasculaire, tumorale, infectieuse ou inflammatoire [2]. Elles sont majoritairement diagnostiquées grâce à l’IRM cérébrale, mais elles peuvent aussi nécessiter la réalisation de séquences vasculaires cervicales. De manière beaucoup plus exceptionnelle, des lésions médullaires cervicales ont également été rapportées, avec une physiopathologie pouvant impliquer le complexe trigémino­cervical [3]. Ces patients peuvent remplir l’ensemble des critères de la Classification internationale des céphalées, comme l’illustre le cas de notre patiente [4]. Il peut cependant exister des atypies dans la présentation clinique, notamment en matière de durée des crises ou bien lorsque celles-ci sont déclenchées par certaines postures [5].

Il peut exister un syndrome de Claude Bernard-Horner ou un fond douloureux persistant entre les crises. Enfin, il faut savoir réévaluer le diagnostic, lorsqu’un patient souffrant d’une authentique AVF rapporte une céphalée différente ou des signes autonomiques crâniens plus prolongés que d’habitude [6].

Les adénomes hypophysaires sont particulièrement représentés parmi les formes secondaires d’AVF.

Ce sont quasi exclusivement des adénomes hypophysaires sécrétants, qu’il s’agisse de micro- ou macroadénomes. L’envahissement du sinus caverneux est fréquent mais inconstant [7]. La prévalence des adénomes hypophysaires chez les patients souffrant d’AVF ne semble pas différente de celle dans la population générale, qui est en moyenne de 10,6 % [8].

La découverte fortuite d’un adénome hypophysaire est donc fréquente chez ces patients. Afin d’établir une éventuelle imputabilité, nous disposons de la classification internationale des céphalées qui a défini les critères d’une céphalée attribuée à une hypersécrétion hypophysaire [4]. L’un des critères importants est la corrélation entre l’évolution de la sécrétion hypophysaire, notamment après traitement médical ou chirurgical, et l’évolution de la céphalée (tableau).

Conclusion

Les formes secondaires d’AVF sont rares. Leur existence impose cependant certaines précautions telles que la réalisation d’une IRM cérébrale chez tous les patients, même si le tableau clinique est typique. Lorsqu’il existe des atypies dans la présentation clinique ou lorsque la maladie est réfractaire aux traitements, une imagerie des vaisseaux carotidiens ou une imagerie du rachis cervical peuvent être justifiées.■

FIGURES

Algie vasculaire de la face symptomatique : illustration avec un cas d’adénome somatotrope - Figure 1
Algie vasculaire de la face symptomatique : illustration avec un cas d’adénome somatotrope - Figure 2
Tableau. Critères diagnostiques d’une céphalée attribuée à une hyper- ou une hyposécrétion hypothalamique ou hypophysaire (Classification internationale des céphalées, 3e édition) [4].

A. Toute céphalée répondant au critère C.
B. Une hypo- ou hypersécrétion hypothalamique ou hypo­physaire associée à un adénome hypophysaire a été démontrée.
C. Lien de causalité démontré par au moins 2 des éléments suivants :
1. la céphalée s’est développée en relation temporelle avec l’apparition de l’hypo- ou l’hypersécrétion hypothalamique ou hypo­physaire.
2. l’un des éléments suivants ou les 2 :
a) la céphalée s’est significativement aggravée parallèlement à l’aggravation de l’hypo- ou l’hypersécrétion hypothalamique ou hypophysaire ;
b) la céphalée s’est significativement améliorée parallèlement à l’amélioration de l’hypo- ou l’hypersécrétion hypothalamique ou hypophysaire.
3. la céphalée s’accompagne d’au moins un des éléments suivants :
a) trouble de la régulation thermique ;
b) état émotionnel anormal ;
c) altération de la soif et/ou de l’appétit.
D. N’est pas mieux expliquée par un autre diagnostic de l’ICHD-3

Références

1. Donnet A et al. Recommandations pour le diagnostic et le traitement de l’algie vasculaire de la face. Rev Neurol 2014;170(11):653‑70.

2. Edvardsson B. Symptomatic cluster headache: a review of 63 cases. SpringerPlus 2014;3:64.

3. Liu KT, Su CS. Cluster-like headache as an opening symptom of cervical spinal epidural abscess. Am J Emerg Med 2009;27(3):370.e5-370.e6.

4. Headache classification committee of the international headache society (IHS) The International Classification of Headache Disorders, 3rd edition. Cephalalgia 2018;38(1):1‑211.

5. Créac’h C et al. Positional cluster-like headache. A case report of a neurovascular compression between the third cervical root and the vertebral artery. Cephalalgia 2010;30(12):1509‑13.

6. Candeloro E et al. Carotid dissection mimicking a new attack of cluster headache. J Headache Pain 2013;14(1):84.

7. Levy MJ et al. The clinical characteristics of headache in patients with pituitary tumours. Brain 2005;128(8):1921‑30.

8. Grangeon L et al. Is pituitary MRI screening necessary in cluster headache? Cephalalgia 2021;41(7):779‑88.


Liens d'intérêt

S. Redon déclare des honoraires comme consultant pour Teva, sans relation avec cet article.

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