Alors que, depuis quelques années, de nouvelles classes thérapeutiques sont apparues pour lutter contre la migraine, nous espérons et attendons la même chose dans le domaine de l’algie vasculaire de la face (AVF) et des autres céphalées trigémino-autonomiques. L’objectif de cet article est de lister quelques pistes qui pourraient déboucher dans les années à venir sur de nouvelles propositions de prise en charge pour nos patients. Nous verrons dans un 1er temps ce que peuvent apporter les traitements ayant récemment prouvé leur intérêt dans la migraine. Nous verrons dans un 2e temps pourquoi il existe un engouement pour certains psychotropes, et notamment plusieurs substances hallucinogènes. Enfin, nous présenterons quelques pistes pour l’utilisation ou l’optimisation de techniques de neurostimulation.
Anticorps anti-CGRP et toxine botulinique
Quatre anticorps anti-CGRP ont montré leur intérêt dans la migraine et sont à présent recommandés chez les patients avec des crises fréquentes et en échec d’au moins 2 traitements plus classiques [1]. La toxine botulinique, quant à elle, a montré son intérêt dans la migraine chronique et fait également partie des traitements recommandés dans cette indication. Mais qu’en est-il de ces 2 traitements pour l’AVF ? L’un des anticorps, le galcanézumab, a été testé dans l’AVF. Il a montré un effet positif dans l’AVF épisodique [2] en réduisant le nombre de crises durant les semaines 1 à 3 après la réalisation d’une injection par voie sous-cutanée (s.c.). Le nombre de patients à traiter (number needed to treat, NNT) était de 5,6. Ce chiffre est tout à fait pertinent cliniquement. Dans le cadre de l’AVF chronique, le galcanézumab a également été testé [3]. Malheureusement, cette étude réalisée sur 12 semaines n’a pas permis de mettre en évidence de différence concernant le nombre de crises entre les patients ayant reçu le traitement actif et ceux ayant reçu le placebo. Un autre anticorps anti-CGRP, l’eptinézumab, est en cours d’étude dans cette indication, tant dans la forme épisodique (NCT04688775) que dans la forme chronique (NCT05064397). Espérons que les résultats soient nettement positifs dans les 2 cas, pour disposer d’une nouvelle option thérapeutique ! En ce qui concerne la toxine botulinique de type A, quelques séries de cas sont en faveur de son intérêt. C’est notamment le cas des 17 patients chroniques réfractaires rapportés par C. Lampl et al. [4]. Parmi ces patients, 59 % décrivaient une amélioration de leurs crises d’au moins 50 % après 2 séries d’injections, réalisées selon le protocole PREEMPT, à 12 semaines d’intervalle. Bien que ces résultats soient encourageants, ils méritent d’être confirmés dans le cadre d’une étude contrôlée et randomisée. De plus, il est également important de rappeler que la toxine ne bénéficie pas d’AMM dans cette indication.
Substances hallucinogènes et autres psychotropes
Plusieurs substances hallucinogènes font l’objet d’une attention particulière car elles pourraient avoir un intérêt thérapeutique. Une étude importante concernant cette question date de 2015 et porte sur les résultats d’un essai réalisé sur le site clusterbusters.org [5]. Il s’agissait d’un questionnaire en ligne portant sur toutes les solutions utilisées à visée thérapeutique. Au total, 496 patients dont le diagnostic avait été posé par un neurologue ont répondu au questionnaire. Il en ressort que les 2 traitements de crise efficaces chez la plus grande proportion des patients sont l’oxygénothérapie à haut débit et le sumatriptan injectable. Ces résultats, attendus, sont en faveur d’une bonne fiabilité et d’une bonne représentativité de l’échantillon interrogé. Le 3e traitement de crise le plus efficace était la psilocybine. Cet alcaloïde hallucinogène est présent dans un petit champignon appelé psilocybe, le plus souvent ingéré volontairement pour obtenir un effet hallucinogène. Parmi les traitements de fond, le vérapamil et la prednisone apparaissaient comme bénéfiques pour plus de 60 % des patients. Mais des résultats plus importants étaient notés pour d’autres substances : psilocybine, diéthyllysergamide (LSD) et acide lysergique amide (LSA). Deux autres molécules, testées par un nombre très limité de patients, présentaient également un effet bénéfique décrit par ces derniers : diméthyltryptamine (DMT) et diéthylamide d’acide 2-bromo lysergique (BOL). Les différentes substances hallucinogènes ou apparentées sont répertoriées dans le tableau. Une autre substance hallucinogène, mieux connue dans le monde médical, est la kétamine. En effet, cette molécule est utilisée depuis de nombreuses années par voie intraveineuse (i.v.) comme agent anesthésique. Une formulation en spray nasal d’eskétamine est autorisée en France depuis 2020 pour le traitement des épisodes dépressifs résistants. Une formulation analogue a été employée dans un essai ouvert portant sur 23 patients présentant une AVF chronique en tant que traitement de crise [6]. Les patients effectuaient une pulvérisation de 15 mg toutes les 6 minutes, avec un maximum de 5 pulvérisations. Cela a permis de faire céder la crise en moins de 20 minutes chez la majorité d’entre eux. La kétamine a également été testée comme traitement transitionnel chez des patients présentant une AVF chronique réfractaire à toutes les thérapeutiques classiques. Dans une série de 17 patients présentant une exacerbation de leur fréquence de crise, il a été montré que 76 % présentaient à J8 une diminution de la fréquence des crises d’au moins 50 % par rapport à la période avant traitement [7, 8]. Une étude multicentrique, contrôlée et randomisée contre placebo est en cours actuellement. Elle devrait permettre de vérifier si ce traitement associant de la kétamine à raison de 0,5 mg/kg et 3 g de sulfate de magnésium est effectivement utile pour les patients. Enfin, un autre traitement classé parmi les stupéfiants a aussi été testé dans une petite série de patients [9]. Il s’agit de l’oxybate de sodium qui est un sel du gamma-hydroxybutyrate (GHB). Ce dernier, utilisé dans le traitement de la narcolepsie avec cataplexie, a été testé chez 4 patients présentant une AVF chronique. Les auteurs décrivent une amélioration de la qualité du sommeil et une disparition des crises nocturnes de façon immédiate. Avec la prolongation du traitement, les patients ont également ressenti une amélioration diurne retardée. Bien que la 1re publication date de 2011, il n’y a pas eu d’autres essais depuis. La tolérance limitée de ce produit, qui n’est manié que par les spécialistes du sommeil, rend peu probable une utilisation large dans les années à venir mais pourrait constituer une piste de recherche intéressante.
Neuromodulation
La stimulation invasive du nerf grand occipital est utilisée depuis de nombreuses années et a prouvé son intérêt chez les patients souffrant d’une AVF chronique, réfractaires aux traitements de fond pharmacologiques. Une étude contrôlée et randomisée, publiée en 2021, a comparé l’efficacité de cette stimulation utilisée avec l’intensité habituelle (100 %) ou avec une intensité diminuée (30 %) [10]. L’efficacité a été bonne dans les 2 groupes avec 50 % de patients ayant une diminution d’au moins 50 % de la fréquence des crises et une réduction de 30 % de l’intensité des crises restantes. Deux interprétations de cette étude peuvent être réalisées. Soit la stimulation n’améliore les patients que via l’effet placebo dans les 2 groupes, soit il est inutile d’avoir une stimulation intense pour obtenir un effet intéressant de la neuromodulation. L’AVF chronique étant une maladie très sévère, il est relativement peu probable qu’un effet placebo aussi important puisse persister après 1 an de suivi. Cela est donc en faveur d’une efficacité de stimulations moins intenses. Ce point est important car stimuler 3 fois moins fort est plus confortable pour le patient et permet d’avoir une durée de vie de la pile du stimulateur 3 fois plus longue !
Cela met aussi en évidence les connaissances limitées à l’heure actuelle sur les protocoles de stimulation du nerf grand occipital et peut laisser espérer la mise au point de techniques plus efficaces pour acroître le soulagement chez une proportion plus importante de patients. D’autres nerfs périphériques peuvent être stimulés à visée thérapeutique. C’est notamment le cas de la stimulation du nerf vague au niveau cervical. Un dispositif de stimulation externe a été testé dans 2 essais contrôlés et randomisés contre placebo [11, 12]. De façon globale, ils se sont révélés négatifs. Cependant, ils ont montré un effet positif dans le sous-groupe des patients présentant une AVF épisodique, avec environ 40 % de patients épisodiques ayant un contrôle total de leur crise en moins de 15 minutes grâce à cette stimulation. En pratique, le patient doit effectuer 2 stimulations de 2 minutes au début de la crise. La tolérance est en général très bonne, ce qui pourrait donner envie de tester ce dispositif chez certains de nos patients. Cependant, le coût de l’appareil (575 dollars pour 3 mois d’utilisation) ne favorise pas cet essai, en tout cas à l’heure actuelle. Une autre cible de neurostimulation est représentée par le ganglion sphénopalatin. Ce ganglion est constitué des fibres parasympathiques issues du nerf trijumeau et du nerf facial. Il est situé derrière la cavité nasale, dans la fosse ptérygopalatine. Pour pratiquer cette stimulation, une électrode est mise en place chirurgicalement et le patient dispose d’une télécommande pour déclencher la stimulation en début de crise. Deux études contrôlées et randomisées ont été réalisées. La première, européenne, portait sur 28 patients [13].
Elle avait permis de montrer que deux tiers des patients ressentaient une diminution de la douleur 15 minutes après le début de la stimulation. La deuxième étude, réalisée sur 93 patients aux États-Unis, a confirmé la taille du bénéfice pour le traitement de crise [14]. Cependant, cette technique n’entraînait pas de diminution de la fréquence des crises. Ce type de stimulation peut donc avoir un intérêt pour le traitement des crises, ce qui est déjà utile. Malheureusement, ce dispositif de stimulation n’est plus commercialisé actuellement. Peut-être fera-t-il son retour dans les années à venir ? Enfin, le dernier type de stimulation qui ait été proposé est la stimulation de l’hypothalamus [15, 16]. Onze patients présentant une AVF chronique réfractaire à toutes les thérapeutiques ont été implantés. Un test en aveugle durant une semaine n’a montré aucune différence entre la stimulation réelle et la stimulation factice. Cependant, 6 des 11 patients implantés présentaient une diminution d’au moins 50 % de la fréquence de leurs crises après 1 an de suivi. Cette technique, plus invasive que les précédentes, mérite sans doute d’être considérée chez quelques patients très sélectionnés.
Conclusion
Il est important de retenir que des nouveautés pourraient arriver dans les années à venir pour permettre à nos patients présentant une AVF de moins souffrir. Les anticorps anti-CGRP, au moins pour les formes épisodiques, méritent sans doute d’être un peu mieux évalués afin de voir si une sous-population de patients peut en bénéficier. Pour la toxine botulinique, il semble nécessaire de réaliser une étude contrôlée afin d’évaluer scientifiquement son efficacité. Pour les psychotropes, hallucinogènes ou non, plusieurs candidats semblent intéressants. Le développement de formes pharmaceutiques de psilocybine ou de LSD pourrait constituer une piste sérieuse. La kétamine, déjà disponible, est en cours d’évaluation et pourrait devenir une option dans les années à venir. Enfin, la neurostimulation a une place non négligeable pour les patients réfractaires et des optimisations seront sans doute possibles à l’avenir.■