Éditorial

Toujours plus tôt, toujours plus fort ! Ou comment le concept de RIS arrive à maturité


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Au début des années 2000, dans le monde de la sclérose en plaques (SEP), est apparu le concept de “CIS” (clinically isolated syndrome). Il s’agissait de la 1re manifestation neurologique hautement évocatrice de SEP, mais que les critères diagnostiques de l’époque ne permettaient pas de nommer ainsi. Dès cette période, cependant, des essais thérapeutiques avaient été instaurés – notamment avec l’interféron bêta et l’acétate de glatiramère – et avaient montré l’intérêt qu’il y avait à traiter les patients dès ce stade, ce qui est désormais intégré dans notre pratique quotidienne. En 2017, les critères de McDonald ont quasiment fait disparaître ce concept de CIS qui n’existe plus que dans de rares conditions : soit lorsque l’IRM ne montre pas d’éléments suffisants avec 2 territoires stratégiques atteints parmi les 4 identifiés (moelle, périventriculaire, infratentoriels et juxtacortical/cortical) pour la dissémination spatiale, soit lorsque la ponction lombaire est négative ou qu’il n’y a pas de lésions d’âges différents (lésions rehaussées et non rehaussées de façon concomitante) pour la dissémination temporelle.

Au tournant des années 2010, le concept de “RIS” (radiologically isolated syndrome) est apparu, dont la 1re cohorte rapportée était française [1]. Quelques cas cliniques décrivant cette période présymptomatique de la SEP avaient été auparavant présentés [2], mais c’est vraiment en 2009, sous l’impulsion de la Pr Lebrun-Frenay, que le concept de RIS est né [1]. De nombreuses publications ont ensuite permis de mieux identifier les patients à haut risque de conversion vers une SEP clinique et ce début d’année 2023 met réellement en lumière l’aboutissement de tout le travail collectif entrepris au niveau français et international sur le sujet.

Ainsi, les nouveaux critères de RIS viennent d’être publiés dans Brain [3] et, parallèlement, les résultats de 2 essais cliniques positifs ont été rapportés [4, 5]. La première étude, qui porte sur le diméthylfumarate, a fait l’objet d’une communication orale lors du congrès de l’ECTRIMS 2022 et vient d’être publiée dans Annals of Neurology[4]. La deuxième a évalué l’intérêt du tériflunomide et vient d’être présentée à Boston lors de l’American Academy of Neurology (AAN) [5]. Dans les 2 cas, les résultats sont positifs en faveur du traitement ultraprécoce comparé au placebo, ce traitement permettant de réduire de près de 80 % et 63 %, respectivement, le risque de conversion vers une SEP clinique au bout de 2 ans.

Dans l’immédiat, il n’y a pas d’AMM dans cette indication et chaque cas doit bien évidemment être évalué à la lumière du contexte de la découverte fortuite et de l’importance des lésions. Cela doit également nous inciter à rechercher des symptômes minimes ou cachés de la maladie. Ces dossiers peuvent être soumis aux centres de ressources et de compétences SEP (CRC-SEP) pour discuter d’un éventuel traitement. En effet, de nombreux neurologues proposent d’ores et déjà un traitement à ces patients, notamment en cas d’aggravation de l’IRM sur 2 examens consécutifs rapprochés. Avant de prendre cette décision thérapeutique, il est bien sûr indispensable de confirmer le diagnostic par la ponction lombaire et d’appliquer strictement les critères récemment publiés. Il faut également bien discuter avec le patient, qui ne se sent, par définition, pas “malade”, du rapport bénéfice/risque d’un éventuel traitement, mais aussi du risque d’évolution à bas bruit en cas d’abstention thérapeutique, point souvent négligé par les patients et les neurologues. Néanmoins, l’expérience récente souligne que les patients sont assez sensibles à cette stratégie préventive lorsque le concept est bien expliqué, comme le montre leur enthousiasme à participer aux 2 récents essais cliniques.

La Lettre du Neurologue publiera dans les prochains mois un article portant sur le RIS, rédigé par le Dr Cohen de l’équipe de Nice, qui détaillera bien plus précisément ce concept innovant tant sur le plan diagnostique que sur le plan thérapeutique. Il permettra de compléter cet éditorial, “mise en bouche” sur ce sujet brûlant qui nécessite une synthèse retraçant 15 années de travail acharné accompli par l’ensemble des collègues français spécialistes de la SEP sous la houlette de la Pr Lebrun-Frenay.

Références

1. Lebrun C et al. Association between clinical conversion to multiple sclerosis in radiologically isolated syndrome and magnetic resonance imaging, cerebrospinal fluid, and visual evoked potential: follow-up of 70 patients. Arch Neurol 2009;66(7):841-6.

2. De Seze J, Vermersch P. Sequential magnetic resonance imaging follow-up of multiple sclerosis before the clinical phase. Mult Scler 2005;11(4):395-7.

3. Lebrun-Frenay C et al. The radiologically isolated syndrome: revised diagnostic criteria. Brain 2023; awad073. doi: 10.1093/brain/awad073.

4. Okuda DT et al. Dimethyl Fumarate delays multiple sclerosis in radiologically isolated syndrome. Ann Neurol 2023;93(3):604-14.

5. Lebrun-Frenay C et al. AAN 2023, abstr. ES2.010.


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J. de Sèze déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.

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