Cet article rapporte l’étude du dosage dans le tissu cérébral (sous leur forme non soluble) et dans le liquide cérébrospinal (LCS) de fragments de la protéine tau situés dans la région de liaison aux microtubules et reconnus comme spécifiques des tauopathies 4R (fragments appelés MTBR-tau275 et MTBR-tau282) chez des patients présentant différentes tauopathies – maladie d’Alzheimer (MA), dégénérescence corticobasale (DCB), paralysie supranucléaire progressive (PSP), dégénérescence frontotemporale tau (DFT-tau), en lien avec une maladie de Pick, ou avec une mutation MAPT, DFT-TDP-43, maladie à grains argyrophiles (MGA) – et chez des sujets témoins. Le dosage des 2 MTBR-tau, normalisé à la protéine tau totale dans le tissu cérébral de 59 patients souffrant d’une MA, d’une DFT-tau ou d’une DFT-TDP et de 3 sujets témoins a montré une augmentation significative dans la DCB et la DFT en lien avec une mutation MAPT par rapport aux sujets témoins, aux DFT-TDP et aux autres tauopathies. Le dosage réalisé dans le LCS de 29 sujets témoins et de 83 patients présentant une MA, une tauopathie primaire ou une DFT-TDP a montré une diminution significative dans la DCB et la DFT-MAPT par rapport aux autres groupes, qui semblait d’autant plus marquée que la maladie était à un stade avancé. Une corrélation négative a été retrouvée entre les dosages dans le tissu cérébral et dans le LCS chez les patients présentant une tauopathie 4R. Des dosages répétés chez certains patients ayant eu plusieurs ponctions lombaires sur un intervalle d’environ 4 mois ont montré une bonne reproductibilité et une stabilité des mesures. Ces dosages dans le LCS permettent de distinguer la DCB des sujets témoins, des DFT-tau, de la MGA et de la PSP avec des aires sous la courbe comprises entre 0,8 et 0,889, ainsi que de la DFT-TDP avec une aire sous la courbe de 0,701-0,77. Lorsqu’on exclue les copathologies de type MA, la DCB est distinguée de la PSP avec des aires sous la courbe de 0,859 et 0,886. Globalement, ces marqueurs permettent un diagnostic de DCB quel que soit le phénotype clinique avec une précision de 83 %.
Commentaire
Bien qu’il existe des marqueurs du LCS et prochainement plasmatiques permettant de distinguer la MA des sujets témoins et des autres pathologies apparentées, le diagnostic étiologique de ces dernières, en particulier des tauopathies non Alzheimer, reste difficile faute d’outils appropriés. L’étude de certains fragments de la protéine tau localisés dans sa région de liaison aux microtubules a suggéré que certains d’entre eux, notamment celui appelé MTBR-tau243, dosables dans le LCS, semblent constituer dans la MA un marqueur de tauopathie indépendant de la pathologie amyloïde. Cette étude, en s’intéressant à d’autres fragments de cette même région de la protéine tau, étend les applications potentielles de ces dosages au diagnostic des tauopathies primaires 4R, en distinguant notamment la DCB des autres protéinopathies et de la PSP, ce qui est tout à fait intéressant. Même si des travaux ultérieurs dans des cohortes plus larges comportant différents degrés de sévérité des troubles et avec des données longitudinales seront nécessaires, ces résultats ouvrent la porte au développement de nouveaux biomarqueurs reflétant davantage la diversité des pathologies neurodégénératives.