Que l’on considère la dystonie, les syndromes choréiques, les paraparésies spastiques, les ataxies cérébelleuses, les syndromes extrapyramidaux ou les démences précoces, force est de constater que de nombreuses pathologies neurologiques sont pour partie ou en totalité déterminées génétiquement. Ces maladies neurogénétiques rares, extrêmement nombreuses, affectent un nombre important de patients [1]. Leur hétérogénéité phénotypique – incluant une grande variabilité dans la présentation clinique –, mais également leur hétérogénéité génétique – avec jusqu’à plusieurs dizaines, voire centaines, de gènes associés à un phénotype donné –, peuvent considérablement complexifier l’établissement d’un diagnostic moléculaire. L’identification de la cause moléculaire d’une maladie rare neurogénétique est susceptible d’apporter plusieurs bénéfices aux patients. Tout d’abord, il s’agit d’un prérequis indispensable pour poser un diagnostic génétique. Celui-ci met parfois fin à plusieurs années, voire dizaines d’années, d’errance diagnostique. De façon plus pragmatique, il permet de délivrer un conseil génétique, autorisant la prédiction du risque de récurrence de la maladie au sein de la famille du patient concerné. Enfin, dans quelques situations, certaines maladies rares neurogénétiques vont pouvoir être amenées à un traitement spécifique capable de retarder, sinon de guérir l’affection considérée.
Ces 10 dernières années ont été marquées par la disponibilité croissante en France des techniques de séquençage à haut débit de l’ADN. Cette technologie révolutionnaire, d’abord utilisée dans le cadre de la recherche pour l’identification de nouvelles causes moléculaires associées à des tableaux cliniques divers, est désormais également appliquée dans le diagnostic génétique. Elle permet de séquencer de façon massive une quantité importante d’ADN en termes de paires de bases, à des coûts toujours plus bas. Elle représente ainsi une opportunité unique d’étudier en une seule fois l’ensemble de l’information génétique d’un individu donné, en laissant la possibilité au généticien de s’intéresser à certains gènes (analyse d’un panel de gènes par capture ciblée), à la séquence codante (séquençage de l’exome) ou à la totalité du génome (séquençage du génome) [2]. La disponibilité croissante de ces techniques de séquençage à haut débit de l’ADN a permis le développement d’une offre large de panels de gènes ou du séquençage de l’exome dispersés sur le territoire français et dédiés à l’identification des causes moléculaires de tableaux neurologiques divers et variés, allant des myopathies aux troubles neurocognitifs majeurs familiaux ou du sujet jeune, avec des rendements diagnostiques variables en fonction des affections considérées. Par exemple, il a été rapporté de 30 à 50 % de taux de diagnostics sur les ataxies cérébelleuses ou les paraparésies spastiques héréditaires de début précoce, jusqu’à 25 % pour les syndromes parkinsoniens familiaux ou de début précoce, mais moins de 20 % pour la dystonie. Ainsi, en utilisant ces stratégies d’analyses ciblées couplées au séquençage à haut débit de l’ADN, une proportion importante de patients, sinon la majorité, reste encore aujourd’hui sans diagnostic moléculaire. Cette odyssée diagnostique est source d’anxiété pour les patients, sous-tendue par l’incertitude, la crainte de passer à côté d’une pathologie accessible à un traitement spécifique, sans oublier le risque de transmission à la descendance.
Élaboré à la fin des années 2010, le Plan France médecine génomique 2025 (PFMG2025) vise à garantir l’accès aux patients affectés par des maladies rares présumées d’origine génétique au séquençage du génome à des fins diagnostiques. Le séquençage du génome a plusieurs avantages comparativement aux analyses disponibles actuellement dans les laboratoires de diagnostics génétiques. Tout d’abord, il s’agit d’une analyse non ciblée, c’est-à-dire qu’elle ne se limite pas à l’analyse de quelques gènes rapportés dans les phénotypes proches de celui présenté par le patient [2]. Cela est particulièrement important pour les tableaux neurologiques complexes, qui vont associer de nombreux éléments sémiologiques et peuvent correspondre à ce titre à un grand nombre de diagnostics moléculaires. Par ailleurs, le séquençage du génome assure une meilleure homogénéité de couverture que l’exome, permettant de mieux détecter les mutations ponctuelles localisées dans les régions riches en guanine-cytosine ainsi que les variants du nombre de copies [3]. Enfin, les données du séquençage du génome peuvent être relues périodiquement, au fur et à mesure de la découverte de nouvelles causes moléculaires de tableaux neurologiques, permettant d’améliorer à long terme ce rendement diagnostique. Des critères prédéfinis permettant de bénéficier du séquençage du génome ont été établis dans les maladies rares neurogénétiques. Ces derniers sont regroupés au sein de préindications, indications préliminaires validées par le groupe de travail du PFMG2025. Chaque préindication retenue a vocation à être évaluée dans un 2e temps par la Haute Autorité de santé en vue de son inscription à la nomenclature. Les préindications retenues dans le cadre des maladies neurogénétiques sont les ataxies héréditaires du sujet jeune, les calcifications cérébrales, les dystonies ou mouvements anormaux rares du sujet jeune, les neurodégénérescences par accumulation intracérébrale de fer, les paraparésies spastiques héréditaires, les maladies et troubles cognitifs ou neurodégénératifs du sujet jeune et/ou familiaux. Les critères prédéfinis de chaque préindication doivent être remplis pour que le sujet puisse bénéficier de l’exploration par séquençage du génome. Par exemple, dans les formes sporadiques, un âge maximal de 50 ans pour le début des symptômes a été retenu pour les préindications. Des explorations génétiques et un phénotypage exhaustif incluant des analyses biochimiques antérieures peuvent être demandés en fonction des préindications. Enfin et surtout, l’ADN d’apparentés symptomatiques dans les formes familiales ou asymptomatiques, et notamment celui des 2 parents dans les formes sporadiques, doit pouvoir être recueilli. Cette étape est nécessaire pour filtrer les nombreux variants identifiés par cette approche. Ces critères sont disponibles sur le livret des préindications sur le site du PFMG2025
(https://brain-team.fr/pfmg2025/). Lorsqu’ils sont remplis, le clinicien ayant évalué le patient en consultation peut présenter son dossier lors d’une des multiples réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) d’amont dédiée à la validation de l’analyse. Ces séances, organisées de façon dématérialisée, sont réparties sur le territoire français. La liste de ces dernières, qui sera prochainement actualisée, est également disponible sur le site du PFMG2025 (http://brain-team.fr/rcp-brain-team/). Au décours de cette réunion, le patient et ses apparentés pourront être évalués, et informés de la démarche d’exploration génomique. Un consentement écrit dédié à cette analyse portant sur le traitement de ces données dans le cadre du diagnostic mais aussi de la recherche sera recueilli. Le patient et ses apparentés pourront ensuite être prélevés, et leurs ADN seront adressés à l’une des 2 plateformes nationales retenues pour l’analyse du génome, SeqOIA pour la partie Nord et Ouest de la France et AURAGEN pour la partie Sud et Est. La plateforme effectuera le séquençage du génome, et son interprétation, en fonction des données cliniques renseignées, sera confiée à un généticien moléculaire partenaire. Le résultat du séquençage pourra être discuté ensuite en RCP d’aval avant d’être remis au patient.
Cette approche suggère un changement de paradigme dans l’approche diagnostique des maladies rares neurogénétiques dans le futur. Il est anticipé un recours plus précoce au génome, encore actuellement prescrit en 2e intention après l’analyse ciblée d’un panel de gènes. Cette stratégie permettra à l’avenir d’accélérer le diagnostic moléculaire et de mettre un terme à l’odyssée diagnostique de nos patients.