Les traitements de haute efficacité utilisés précocement pour optimiser le pronostic à long terme ?
Dans la SEP-RR, plusieurs arguments liés à l’évolutivité de la maladie soutiennent l’intérêt d’une stratégie de haute efficacité d’emblée pour optimiser le pronostic à long terme [1, 2, 4-7] :
- exploitation optimale de la fenêtre d’opportunité thérapeutique précoce de la SEP, pour une meilleure prévention des lésions neurologiques irréversibles ;
- risque de sous-estimation de la progression de la SEP d’après les critères d’activité clinique et d’évolution de l’EDSS, ainsi qu’en raison d’une valeur pronostique imparfaite du NEDA (no evidence of disease activity)1 ;
- difficultés de l’évaluation initiale du pronostic individuel des patients et rareté des formes bénignes de SEP.
Ce que montrent les études actuellement disponibles
En clinique, plusieurs études en vie réelle suggèrent que, dans la SEP-RR, l’instauration précoce des traitements de haute efficacité, comparativement à celle des traitements standard et à une stratégie d’escalade, permet une réduction plus importante de l’activité inflammatoire de la maladie, une prévention plus efficace de l’accumulation du handicap et une diminution du risque d’évolution vers une SEP secondairement progressive [1-3, 7]. Ces études sont rétrospectives et non randomisées, et n’ont fourni que des données limitées de sécurité à long terme, mais, malgré ces limites, c’est la convergence de leurs résultats qui amène à envisager sérieusement la stratégie de haute efficacité d’emblée comme la plus bénéfique [1, 2, 6, 7].
Par exemple, dans une étude ayant comparé avec un suivi moyen d’environ 4 ans l’évolution de 2 700 patients suédois parmi lesquels 34,5 % avaient commencé un traitement de fond par un traitement de haute efficacité, à celle de 2 161 patients danois, dont seulement 7,6 % avaient débuté par un traitement de haute efficacité, il a été montré qu’il existait dans la cohorte suédoise une diminution de 29 % du risque d’aggravation du handicap, confirmée à 24 semaines (HR = 0,71 ; IC95 : 0,57-0,90 ; p = 0,004) [8]. Dans une autre étude, réalisée chez 2 702 patients suivis pendant une durée médiane de 8,5 ans, une stratégie de haute efficacité d’emblée (n = 365) s’associait à un meilleur pronostic à long terme qu’une stratégie d’escalade (n = 2 337), avec une différence du score EDSS statistiquement significative dès la 1re année, le restant tout au long du suivi, et augmentant avec le temps (alors que tous les patients du groupe escalade thérapeutique avaient finalement reçu un traitement de haute efficacité) (figure, voir sur le PDF) [9].
Vers un nouveau paradigme de prise en charge de la SEP-RR débutante
Pour l’instauration du traitement de fond précoce dans la SEP‑RR active, les recommandations en vigueur préconisent de discuter du choix d’un traitement plus ou moins efficace en concertation avec les patients, en tenant compte de leurs caractéristiques et comorbidités, de la sévérité et de l’activité de leur maladie, du profil de sécurité des médicaments et de leur accessibilité [10]. Dans ce contexte, la stratégie de haute efficacité d’emblée est encore souvent réservée aux patients ayant une maladie très active avec des facteurs de mauvais pronostic [3, 7]. Parallèlement, une tendance se dessine dans la littérature en faveur de son utilisation plus large, et des propositions consensuelles commencent à émerger [1, 2, 4, 11]. Pour l’avenir, 2 études prospectives randomisées comparant traitement de haute efficacité précoce et stratégie d’escalade, DELIVER-MS et TREAT-MS, fourniront certainement des données nouvelles pour encore mieux guider les choix thérapeutiques [3, 7].
1 Défini dans sa version originale par un triple critère d’absence de poussées, d’activité en imagerie et de progression confi rmée du handicap à l’EDSS[3].