Traitement inadéquat des crises : une situation fréquente
En France, les traitements spécifiques de la crise de migraine sont sous-utilisés [4, 5]. En effet, alors que la prévalence de la maladie est d’environ 14 à 20 % chez l’adulte, une étude a récemment permis d’estimer que moins de 2 % de la population et moins de 10 % des patients migraineux de 18 ans et plus en sont utilisateurs [5, 6].
D’autres études indiquent que de nombreux patients sont insatisfaits de leur traitement de crise, au point parfois de l’abandonner, le plus souvent en raison d’un soulagement insuffisant et/ou d’effets indésirables [3]. Concernant en particulier les triptans, on estime qu’ils ont une efficacité
et/ou une tolérance insatisfaisantes pour environ 30 à 40 % des patients (encadré 1, voir sur le PDF) [1, 7].
Traitement inadéquat des crises : des conséquences délétères
Un traitement inadéquat des crises majore le fardeau de la migraine [9]. De plus, il augmente le risque de surconsommation médicamenteuse et de céphalée par abus médicamenteux, et expose au risque de transformation d’une migraine épisodique en migraine chronique (figure) [3, 6, 9-11]. Le retentissement de la migraine sera alors encore plus sévère [6, 11]. Les mécanismes physiopathologiques expliquant la chronicisation pourraient faire intervenir une surconsommation du traitement de crise (multiplication des prises et/ou augmentation des doses), une sensibilisation centrale avec diminution du seuil de déclenchement des crises, un moins bon fonctionnement des systèmes de contrôle inhibiteurs de la douleur et le relargage de neuropeptides comme le CGRP (calcitonin gene-related peptide) [11].
Optimisation du traitement des crises : recommandations actuelles et nouvelles perspectives
Rappelons tout d’abord que tous les patients souffrant de crises de migraine doivent bénéficier d’un traitement de crise, en expliquant en particulier que ce traitement doit être pris dans l’heure qui suit l’apparition de la crise [1, 12]. Lors du suivi, il est recommandé d’utiliser à chaque visite le questionnaire M-TOQ (encadré 2, voir sur le PDF) et d’optimiser le traitement chez tout patient répondant “non” à un ou plusieurs items [1, 6]. Par exemple, en cas de réponse insuffisante à un triptan initié en 1re ligne testé sur 3 crises, un changement de triptan pourra être envisagé**, en sachant qu’environ un tiers des patients ne bénéficieront pas de ce changement [1, 7]. Enfin, après essai de plusieurs triptans lors d’au moins 3 crises consécutives, pourra se poser la question d’une migraine résistante ou réfractaire aux triptans, respectivement définie par un consensus de 2022 de la Fédération européenne des céphalées par l’échec de 2 molécules ou celui d’au moins 3 molécules, dont une administrée par voie sous-cutanée [2].
Dans ce contexte, la mise à disposition dans un futur proche de nouveaux traitements de crise spécifiques, notamment de la classe des gépants, pourrait contribuer à combler les besoins non couverts [1, 3, 7].
* Il est recommandé de prescrire en 1reintention un AINS si la céphalée est légère, un triptan si elle est modérée ou sévère, et, en cas de migraine avec aura, un AINS au début de l’aura et un triptan au début de la céphalée[1].
* Après réponse insuffisante à un traitement de crise de 1religne (AINS et/ou triptan), la SFEMC recommande de choisir une ou plusieurs des stratégies suivantes : traiter le plus tôt possible après le début de la crise, augmenter si nécessaire la dose du médicament, associer un AINS et un triptan en cas de crises résistantes à un triptan seul et/ou de récurrences intenses, proposer une formulation non orale et/ou ajouter du métoclopramide en cas de symptômes digestifs invalidants, changer d’AINS ou de triptan, associer un triptan, un AINS et du métoclopramide pour les crises très invalidantes [1].