Jusqu’au début des années 1960, nos aînés étaient diplômés en neuropsychiatrie puis s’orientaient dans un 2d temps vers l’une ou l’autre des 2 disciplines. Leur formation était “balancée” de façon équitable entre les 2 sur-spécialités, ce qui leur permettait de ne négliger ni l’une ni l’autre. À partir des années 1970, les 2 disciplines ont été scindées, mais tous les neurologues devaient obligatoirement faire un stage en psychiatrie et ce, jusqu’au début des années 2000. De façon un peu surprenante, les psychiatres n’avaient aucune obligation dans ce domaine et ne passaient qu’exceptionnellement en stage en service de neurologie. Cette “injustice” relative s’est soldée par une évolution minimaliste qui a conduit à la suppression du stage de psychiatrie pour les internes en neurologie. Paradoxalement, dans le même temps, les relations entre psychiatres et neurologues se sont renforcées non seulement autour des neurosciences, mais également en clinique, notamment en ce qui concerne les pathologies neurodégénératives et les pathologies auto-immunes.
Dans son très bel article portant sur ce sujet de la “neuropsychiatrie”, A. Morin évoque la révélation de maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer ou la maladie à corps de Lewis par un tableau psychiatrique, mais également la situation inverse dans laquelle des troubles cognitifs disparaissent après la mise en route d’un traitement antidépresseur. Il est également abordé la problématique des encéphalites auto-immunes – pathologies certes rares mais d’évolution catastrophique – en cas de retards diagnostiques et thérapeutiques. Ces dernières pathologies sont curables et leur découverte est très récente (2006-2007) avec notamment l’identification des anticorps anti-NMDAr associés ou non à un tératome ovarien. La question sous-jacente est, bien sûr : combien de patients ont été sous-diagnostiqués avant cette date et potentiellement encore maintenant ? Bien évidemment, A. Morin souligne l’importance de la détection de signes cliniques ou paracliniques “atypiques” pour repérer ces maladies neurologiques épousant un masque psychiatrique, mais nos collègues psychiatres sont-ils assez formés pour les repérer ? À l’inverse, les neurologues manient parfois avec difficulté anxiolytiques, antidépresseurs, voire neuroleptiques pour leurs patients ayant des pathologies neurologiques en particulier dégénératives. Font-ils toujours bien et font-ils toujours du bien à leurs patients ? Par ailleurs, les troubles neurologiques fonctionnels (TNF) sont extrêmement fréquents chez les patients neurologiques (crises non épileptiques psychogènes, troubles sensitifs subjectifs, vertiges non organiques, etc.). Les neurologues ne sont pas ou peu formés à leur diagnostic et à leur prise en charge et se retrouvent le plus souvent démunis devant ces tableaux sans substratum anatomique.
Le temps est probablement venu, malgré l’hyperspécialisation de nos 2 disciplines, d’un rapprochement via des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) afin de ne pas méconnaître nos pathologies respectives et de permettre à nos patients de bénéficier d’une expertise qui ne pourra probablement plus jamais être “neuropsychiatrique” vu les champs immenses de compétences à couvrir, mais qui peut être neurologique et psychiatrique de façon conjointe ou successive.