À l’origine était le tissu ectodermique qui, sous l’influence de l’induction neurale, va diverger en 2 lignages : l’ectoderme de surface, précurseur de l’épiderme, et le neurectoderme à l’origine du système nerveux. Cette découverte, Martin Catala nous le rappelle dans son article érudit sur les relations embryologiques entre peau et système nerveux, vaudra à Hans Spemann d’être récompensé par le prix Nobel en 1935. À noter (petite remarque féministe) qu’Hilde Pröscholdt, dont le travail de thèse réalisé dans le laboratoire de Hans Spemann est à l’origine de cette découverte, n’y sera pas associée, même à titre posthume. En dehors de la période embryonnaire, systèmes dermatologiques et nerveux continuent à communiquer : ainsi les cellules de Merkel, présentes dans l’épiderme, communiquent-elles avec des fibres nerveuses Aβ par l’intermédiaire de synapses chimiques pour former des mécanorécepteurs à bas seuil d’activation (article de Matthieu Talagas). Il est donc désormais établi que des cellules épidermiques peuvent avoir un rôle sensoriel, et même probablement médier des phénomènes d’allodynie et de prurit.
Ce lointain lignage commun et ces découvertes cellulaires récentes nous ont conduits à ce très beau dossier consacré aux regards croisés entre neurologie et dermatologie.
Regards croisés à bien des égards : la peau comme point de départ de diagnostics neurologiques (Xeroderma Pigmentosum, sclérose tubéreuse de Bourneville, Sturge-Weber, neurofibromatose, etc.), la peau cible malheureuse de certains médicaments utilisés en neurologie (nouveaux traitements de la SEP (article de Mathieu Mossad et Élisabeth Maillart), médicaments antiépileptiques (article de Louis Cousyn)). Le croisement ne s’arrête pas là : certaines maladies neurologiques peuvent induire des maladies dermatologiques, comme c’est le cas de la maladie d’Alzheimer et de la pemphygoïde bulleuse, dont l’association n’est pas fortuite. Le mécanisme putatif est un phénomène de rupture de la tolérance du à la dégénérescence neuronale et à la destruction du tissu cérébral observées dans la maladie d’Alzheimer (article de François-Xavier Blanchet et al.). C’est également le cas des neuropathies, notamment à petites fibres (articles de Laurent Misery et al.), qui vont entraîner une dégénérescence des terminaisons nerveuses cutanées. Et à l’inverse, certains virus à tropisme cutané vont induire des maladies neurologiques graves comme la méningoencéphalite herpétique (article de Valérie Pourcher et Thomas Samoyeau).
Un immense merci à tous les rédacteurs de ce dossier, dermatologues et neurologues ! Un merci spécifique et chaleureux à Vincent Descamps : ce fut une belle rencontre !