Il y a 10 ans, en s'inspirant de l'organisation d'un réseau consacré à la pathologie neurovasculaire créé dans l'inter-région Nord-Ouest, était lancée la mise en œuvre du réseau national Strokavenir. Ce dernier s'est constitué par la réunion d'équipes françaises de recherche clinique et expérimentale développant des travaux de recherche originaux et à caractère translationnel avec, pour objectif commun, l'amélioration des connaissances de la physiopathologie des AVC (accidents vasculaires cérébraux) et de la thérapeutique dans le domaine de la pathologie vasculaire cérébrale. Le souhait était, à la naissance du réseau, de maintenir une recherche de bon niveau dans le domaine de la pathologie vasculaire cérébrale, en dépit de l'échec des nombreux essais thérapeutiques menés au cours de la décennie précédente.
Cet objectif général s'est décliné en plusieurs axes :
- orienter les approches expérimentales vers les questions les plus importantes sur le plan clinique, en proposant des modèles physiopathologiques cliniquement pertinents ;
- développer des recherches expérimentales et cliniques de haut niveau sur des thématiques non résolues, et sur lesquelles les équipes françaises sont à la pointe, afin de contribuer à l'accroissement de la visibilité internationale des recherches françaises en pathologie neurovasculaire ;
- assurer une valorisation clinique rapide des résultats expérimentaux pour valider de nouveaux biomarqueurs et de nouvelles stratégies thérapeutiques en réalisant des études cliniques multicentriques.
Les objectifs et les travaux du réseau ont rapidement intéressé plusieurs institutions, notamment le ministère de la Santé dans le cadre du plan AVC à travers un PHRC (programme hospitalier de recherche clinique) consacré au soutien à des réseaux, l'Inserm, le CeNGEPS (Centre national de gestion des essais de produits de santé), des industriels et des collectivités territoriales. Ces soutiens ont permis l'organisation méthodologique et logistique (personnel dédié, outils de sélection, suivi des projets, stimulation des inclusions, formation, etc.) du réseau et l'accompagnement de projets ambitieux de recherche translationnelle. Compte tenu de la diversité des approches thérapeutiques possibles au cours des AVC (traitements préventifs, en urgence ou après l'accident) et du nécessaire recours aux examens complémentaires, en particulier les examens d'imagerie, une analyse des spécificités de chaque centre a été réalisée : nombre de lits, file active, mode d'entrée dans le service, liens fonctionnels avec le service des urgences, plateau technique d'imagerie, faisabilité des collections biologiques, interactions avec un service de rééducation, nombre de médecins investigateurs, etc. Ces centres ont pu voir renforcer ou installer la professionnalisation de leur activité de recherche clinique. Au total, ce sont 22 centres hospitaliers universitaires et 5 centres hospitaliers non universitaires qui ont reçu des financements, notamment pour un réseau d'assistants de recherche clinique se consacrant à la pathologie neurovasculaire, et dont la coordination a été financée par le CHU de Lille et l'inter-région Nord-Ouest.
Le réseau s'est engagé dans le développement d'outils facilitant les études de faisabilité et le recrutement des patients dans les essais cliniques. Un outil informatisé (Fastroke) a ainsi permis de recueillir de manière objective, à la phase aiguë, les données démographiques, cliniques, radiologiques et pharmacologiques ainsi que les délais de prise en charge d'un échantillon de patients présentant un AVC, admis consécutivement dans les centres du réseau pendant une période donnée. L'interface informatique a servi de base pour la constitution de la cohorte FUN-Stroke par la Société française de neurologie vasculairee, à partir de la file active des unités de neurologie vasculaire.
L'animation scientifique, grâce notamment à une dizaine de réunions annuelles, a permis un contact étroit entre les chercheurs cliniciens et les chercheurs précliniciens, sur tous les thèmes de la recherche sur les AVC : phase aiguë, conséquences à long terme, imagerie, prévention, nouvelles approches pharmacologiques ou thérapeutiques. De ces échanges sont nés des travaux translationnels dont la réalisation a été permise par l'infrastructure de recherche clinique mise en place par le réseau. C'est le cas, par exemple, de l'étude Ophélie, qui est partie de l'observation expérimentale, faite à Caen, que 2 formes de tPA (simple ou double chaîne) coexistent dans la solution injectée à un patient, et que ces 2 formes ont des effets différents sur les récepteurs NMDA, qui pourraient expliquer que l'effet clinique varie selon les patients (1). L'étude clinique a inclus 1 146 patients ayant bénéficié d'une évaluation clinique et d'un dosage du ratio entre les 2 formes de tPA. Le résultat de cette étude, cliniquement rassurant, est que le ratio des 2 formes n'a pas d'influence significative sur le pronostic de l'AVC (2). Une étude annexe, en lien avec une équipe japonaise, a permis de montrer que l'état cognitif du patient n'avait pas d'impact sur la thrombolyse (3). Plus récemment, c'est l'absence d'impact des médicaments modulant le système rénine-angiotensine qui a été montrée (4).
Le réseau a su prendre le tournant de la recherche paramédicale, en impliquant le personnel infirmier de 19 des centres dans l'étude CEOPS, soutenue par le PHRIP, qui a pour objectif de montrer qu'un binôme constitué d'un personnel infirmier et d'un proche du patient peut avoir un effet bénéfique sur la prévention secondaire post-AVC, en comparaison d'une prise en charge standard. Les résultats de cette étude sont attendus pour 2022, la phase de recrutement se terminant fin 2019 et la période de suivi, fin 2021.
Ce dossier “Pathologies neurovasculaires” (en 2 parties) de La Lettre du Pharmacologue et de La Lettre du Neurologue est aussi une illustration de l'activité au sein du réseau : nombre d'auteurs issus de plusieurs équipes françaises se sont unis pour le rédiger et ont abordé les grands enjeux de la pathologie neurovasculaire, ouvrant de nouvelles pistes pour des travaux futurs. Le réseau Strokavenir a su montrer que les engagements collectifs sont capables d'accroître la dynamique de la recherche translationnelle française dans le domaine des AVC et sa visibilité internationale. Il n'est pas surprenant que, dans ce contexte, l'ITMO (institut thématique multiorganisme) “Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie” souhaite soutenir le développement, après un état des lieux exhaustif des centres et des thématiques à promouvoir, d'un réseau dont la gouvernance et l'activité seraient plus formalisées, en espérant que les principes de Strokavenir (réactivité, agilité, pragmatisme) puissent s'y retrouver.