Les thiopurines (azathioprine, 6-mercaptopurine) sont utilisées depuis plusieurs décennies pour traiter les patients souffrant d'une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI). Jusqu'à la fin des années 1990, avant l'arrivée des biothérapies, cette classe de molécules était la seule ayant démontré son efficacité comme traitement de fond des MICI, en permettant notamment un sevrage en corticoïdes. Où en sommes-nous 20 ans plus tard ? Les récents consensus français sur la prise en charge des patients avec une MICI ont permis de rappeler que les thiopurines restent un traitement utilisé larga manu en France, par exemple pour lever une corticodépendance (1, 2).
Bien entendu, les données de la cohorte Cancers et surrisque associé aux maladies inflammatoires en France (CESAME) montrant une augmentation faible mais significative du risque de certains cancers, tels les cancers cutanés et le lymphome, surtout chez le sujet âgé, ont fait rediscuter leur rapport bénéfice/risque dans cette indication (3, 4).
Le risque de lymphome étant réversible à l'arrêt du traitement et une surveillance dermatologique régulière possible, et même recommandée, une utilisation encadrée et optimisée est devenue la règle. Après une note historique du Pr Xavier Hébuterne sur les avancées thérapeutiques majeures permises par l'arrivée des thiopurines, nous rappellerons les modalités de surveillance des patients recevant ce traitement. Puis une nouvelle stratégie, l'utilisation de demi-doses d'azathioprine en cas d'association à un antifacteur de nécrose tumorale (TNF), est discutée par le Pr Xavier Roblin. Cette stratégie, qui connaît un succès grandissant à travers le monde, permettra-t-elle d'améliorer la tolérance à long terme des thiopurines, notamment de diminuer le risque de cancers, sans perte d'efficacité ? Telle est la question qui se pose à nous tous les jours, au moment où il est recommandé d'utiliser dès que possible l'infliximab en association à un immunosuppresseur et d'autant que les anti-TNF sous-cutanés (adalimumab, golimumab) sont également utilisés en combothérapie en cas de maladie sévère et/ou compliquée. Enfin, le Pr Guillaume Bouguen souligne le fait qu'il existe toujours une recherche active dans le domaine des thiopurines, avec des travaux scientifiques récents démontrant qu'elles sont loin d'être enterrées ! D'autres questions alimentent déjà les débats. Faut-il associer une thiopurine aux nouveaux anticorps monoclonaux que sont le védolizumab et l'ustékinumab ? Faut-il parfois préférer le méthotrexate aux thiopurines, en cas de combothérapie ?
Je vous souhaite une bonne lecture, en espérant que ce dépoussiérage vous offre une vision moderne et critique de la place des thiopurines dans la prise en charge des patients ayant une MICI.