Éditorial

Médecine de précision : pas juste de la génétique !


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Pendant longtemps, la “médecine personnalisée” a uniquement rimé avec approche génétique et identification fine de la cible pharmacologique d'un médicament. Ces stratégies fondées sur le caractère unique de chaque individu, identifié à l'aide de techniques de génétique moléculaire, induisent la possibilité de proposer un traitement adapté à ses caractéristiques et ont abouti à la mise à disposition de traitements ayant une cible pharmacologique unique. Les thérapies ciblées – rarement aussi spécifiques qu'on veut bien le dire, mais c'est là une autre question – ont donc constitué un pas en avant essentiel dans le traitement des pathologies, notamment en oncologie. Des trésors de génie génétique ont été déployés pour caractériser et identifier la cible, puis produire le médicament agoniste ou antagoniste de ladite cible. Les nouvelles approches génétiques : polymerase chain reaction en temps réel puis séquençage nouvelle génération (NGS) ont encore amplifié le phénomène et jeté une ombre, sans doute bien malgré elles, sur un pan entier de cette médecine “personnalisée” qu'est l'individualisation de la thérapeutique aux caractéristiques du patient dans son ensemble et non pas uniquement à celles de la cible.

Car la personnalisation du traitement ne s'arrête pas à l'identification de la cible et au choix de la thérapeutique appropriée. Elle suppose aussi la caractérisation du matériel protéique métabolique et de transport des médicaments du patient, l'évaluation de l'exposition à ce médicament, l'identification des indices pharmacocinétiques-pharmacodynamiques permettant d'assurer le succès du traitement à long terme. Lorsqu'elle se consacre également à adapter le traitement durant l'histoire thérapeutique complète du patient, la médecine personnalisée se mue en “médecine de précision”. Elle ne se contente alors plus de caractériser la cible en amont mais vise à individualiser également la thérapeutique en aval, après l'instauration et, de manière dynamique et continue, pour toute la durée du traitement. Car enfin, est-il pertinent de développer des trésors d'ingéniosité, et en particulier des trésors d'intelligence en matière de génétique, afin d'identifier la cible, de choisir le juste médicament, pour ensuite administrer la même dose à tous les patients ? Certes non, et la médecine si elle se veut moderne, ne peut se contenter de cette demi-approche. C'est alors que la “médecine personnalisée” devient “médecine de précision” et tous les champs thérapeutiques sont concernés.

Bien sûr, pour ce qui est de la thérapeutique anti-infectieuse, viennent immédiatement à l'esprit la pharmacocinétique, c'est-à-dire l'exposition au médicament mesurée au travers de concentrations le plus souvent plasmatiques, et la pharmacodynamie, c'est-à-dire les effets, le plus souvent extrapolés à partir de critères de sensibilité des agents infectieux à traiter. L'approche pharmacocinétique-pharmacodynamique popularisée dans les années 1970 par William Craig, est ainsi appliquée aujourd'hui par la plupart des équipes qui sont intéressées par l'optimisation des traitements anti-infectieux. Maîtriser la pharmacocinétique des anti-infectieux, c'est maîtriser leur exposition et prévenir leur accumulation dans l'organisme à l'origine des effets indésirables concentration-dépendants. Maîtriser la pharmacodynamie, c'est définir les cibles d'exposition et ménager la possibilité d'une adaptation de posologie pour maximiser l'effet des anti-infectieux. Dans ce numéro, il sera donc question de pharmacodynamie : Frédéric Schramm, Céline Ménard et François Jehl nous expliqueront en quoi la disparition de la catégorie clinique “intermédiaire” en bactériologie est un changement qui impacte le choix des posologies d'anti-infectieux à utiliser pour assurer le succès du traitement. Il sera également question de pharmacocinétique, et Youssef Bennis et Yoann Zerbib nous présenteront les déterminants pharmacologiques permettant un bon usage des nouvelles céphalosporines à spectre élargi vers les bactéries à Gram négatif.
Enfin, la génétique sera malgré tout abordée, mais sur le versant constitutionnel. Sylvie Quaranta et Caroline Solas nous exposeront les polymorphismes d'intérêt des gènes codant pour les enzymes du métabolisme et des transporteurs de médicaments ainsi que leurs conséquences cliniques lors de la prescription d'antirétroviraux.

Pharmacodynamie, pharmacocinétique et pharmacogénétique : le cocktail pharmacologique complet de la médecine de précision en infectiologie vous est offert dans ce numéro.

Bonne lecture !



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