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Éditorial

Où en sommes-nous dans la mortalité par asthme ?


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L'efficacité de la prise en charge d'une maladie peut être mesurée par la morbidité et la mortalité. C'est le cas de l'asthme, pour lequel il existe un arsenal thérapeutique, avec de multiples niveaux d'intensité de traitement, qui a permis de réduire le fardeau de la maladie. L'asthme, cependant, reste dans de rares mais toujours trop nombreux cas, une cause de mortalité précoce et évitable.

Quel est le contexte ?

De nos jours, l'asthme demeure l'une des maladies chroniques les plus fréquentes : environ 350 millions de personnes en souffrent dans le monde, dont 4 millions en France, où l'on dénombre jusqu'à 60 000 hospitalisations par an. Par ailleurs, l'asthme a un fort impact sur la qualité de vie, la scolarité et la vie professionnelle des patients qui en souffrent. Aussi les coûts socioéconomiques directs et indirects associés à l'asthme sont-ils importants.

Quel est l'état des lieux d'un décès qui est évitable ?

En 2016 (dernière année pour laquelle ces chiffres sont disponibles !), 420 000 personnes sont décédées des suites d'une crise d'asthme dans le monde, soit plus de 1 000 personnes par jour ; en France, ces chiffres sont, respectivement, de 885 et 2,42 [1]. Il s'agit d'un chiffre en stagnation depuis quelques années. En effet, d'après des données récentes de l'OMS, la réduction marquée et progressive des taux de mortalité par asthme observée depuis les années 1980 a atteint depuis 2006 un plateau dans plusieurs pays [2].

Cela se confirme en France, où le nombre de décès par asthme est stable depuis quelques années, comme l'illustre l'évolution des taux de décès, qui ne fait pas état de différences statistiquement significatives (figure 1).

La mortalité par asthme a même connu un regain dans certains pays, comme au Royaume-Uni, où, entre 2013 et 2018, le taux de décès par asthme a augmenté de 17 %, passant de 2,15 à 2,50 pour 100 000 personnes.

Il s'agit de décès dont une partie est évitable et dont l'examen est utile en vue de l'adoption de mesures de prévention. À titre d'exemple, en 1989, une étude réalisée en Nouvelle-Zélande avait permis de prouver la responsabilité d'un surdosage en fénotérol dans la vague de décès qui a frappé des asthmatiques de ce pays à la fin des années 1980. Plus tard, une étude canadienne a mis sérieusement en cause le même produit. Les recommandations des autorités sanitaires préconisant de limiter l'utilisation de ce produit et de lui préférer un traitement de fond (notamment les corticoïdes inhalés) ont fait chuter la mortalité de façon drastique.

Qu'est-ce qui se cache derrière la mortalité par asthme ?

L'interprétation des données de mortalité est complexe, parce qu'il est difficile d'imputer un décès à l'asthme, et parce que le diagnostic différentiel doit écarter de nombreuses affections, notamment les dyspnées évoquant l'asthme (en particulier les dyspnées d'origine cardiovasculaire) et, chez les sujets âgés, les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO).

Grâce aux données du Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc, qui fait partie de l'Inserm), il est cependant possible d'affiner ces estimations au moyen de techniques d'analyse des causes multiples de décès. En France, entre 2005 et 2016, 29 509 certificats de décès comportaient l'asthme comme cause initiale (n = 11 622) ou comme cause associée de décès (n = 17 887). 64 % des patients pour lesquels l'asthme était la cause initiale du décès étaient des femmes, et 91 % avaient plus de 55 ans.

La forte association (figure 2) avec une comorbidité cardiovasculaire (31 % des patients pour qui l'asthme est la cause initiale du décès, et seulement 11 % chez les patients de moins de 55 ans) ou respiratoire (respectivement 22 et seulement 7 %) peut laisser imaginer que l'asthme a été confondu avec un autre diagnostic au moment du décès, mais d'autres investigations sont nécessaires pour mieux comprendre les données. Les cancers et les maladies neurodégénératives qui dépendent de l'âge, ainsi que les maladies infectieuses (figure 2), sont d'autres causes associées. Les raisons de ces associations restent à découvrir.

Le nombre de décès par asthme avant 55 ans, qui peut approcher de façon plus précise le nombre “réel” de décès dus à cette pathologie, car les décès par BPCO sont rares dans cette tranche d'âge, est plutôt situé entre 100 et 160 par an entre 2005 et 2016 en France.
Bien que toujours très élevés, ces chiffres plaident donc en faveur d'une prise en charge efficace chez les malades asthmatiques jeunes.

Comment éviter les décès dus à l'asthme ?
Le point de vue de l'environnementaliste

Il est intéressant de noter que plus de 95 % des décès par asthme surviennent chez des adultes présentant des facteurs de risque identifiables et que plus de 85 % des décès dus à l'asthme ne sont pas dus à une crise aiguë mais à l'aggravation progressive de la maladie. On peut donc intervenir.

L'observance du traitement de fond est primordiale et il convient de rappeler que, même si l'asthme est contrôlé, il ne faut pas interrompre le traitement. La Finlande a été l'un des premiers pays au monde à apprendre à tous les acteurs impliqués dans la prise en charge de l'asthme à diagnostiquer les patients asthmatiques, à les traiter et à s'assurer qu'ils continuaient à prendre leur traitement dans le cadre d'un programme, le Finnish National Asthma Programme. L'asthme est un problème de santé publique et a besoin d'une solution de santé publique. Les Finlandais s'en sont rendu compte et ont défini des objectifs clairs, identifié des outils pour atteindre ces objectifs, décidé des résultats à évaluer (sévérité de la maladie, hospitalisations et coûts), puis mis en œuvre un programme éducatif à long terme. Et cela a bien marché. Au début du programme, on estime que 20 % des patients finlandais asthmatiques présentaient des symptômes sévères ou incontrôlés ; en 2001, cette proportion avait diminué de moitié et, en 2016, elle était tombée à 2,5 %. Le nombre de jours d'hospitalisation liée à l'asthme en Finlande a également diminué de plus de moitié au cours du programme. Les 13 premières années du XXIe siècle ont vu une baisse de 46 % du nombre total de visites liées à l'asthme aux urgences en Finlande ; la baisse a été encore plus marquée chez les enfants. En parallèle, il faut noter un effondrement du tabagisme, une vision respectueuse et intégrée de l'environnement, un système de soins fondé sur le patient vertueux. L'incidence de l'asthme n'a en revanche pas baissé dans ce pays, et un plan de gestion des allergies a ensuite été mis en place.

Ainsi, les médicaments ne sont pas le seul moyen de lutter contre l'asthme et ses complications. Il est également important d'éviter tout ce qui peut déclencher des crises, c'est-à-dire toute stimulation provoquant des irritations ou des inflammations des voies respiratoires. La mortalité par asthme a été mise en relation avec le tabagisme ainsi qu'avec la consommation d'alcool et de drogues. Une étude récente a mis en relation l'exposition à court terme à la pollution atmosphérique urbaine avec la mortalité par asthme. De même, bien que plus rarement, l'asthme des orages est responsable de décès par asthme. En 2016, un orage de grande ampleur a entraîné l'hospitalisation de 8 500 personnes pour asthme et en a tué 10 à Melbourne, en Australie. Nous savons que ces crises sont provoquées par un orage combiné à un taux de pollen élevé. C'est dans ces conditions que les pollens se fragmentent et pénètrent profondément dans les voies aériennes basses. Bien que l'asthme des orages constitue un phénomène rare, sa fréquence augmente en raison du changement climatique et des événements météorologiques extrêmes qui l'accompagnent [3]. Il faut noter qu'il a été observé aussi en France. Par ailleurs, la pauvreté, l'isolement social et les troubles psychologiques sont de mauvais pronostic. Avec l'aide du médecin, chaque asthmatique doit apprendre à éviter ce qui déclenche ses crises.

Que conclure ?

La poursuite de la bonne prise en charge globale de l'asthme, l'optimisation des traitements, l'éducation thérapeutique et la considération des facteurs aggravants, notamment les facteurs environnementaux, doivent faire partie de nos principaux objectifs afin de ne plus avoir à déplorer aucun décès de patient asthmatique.

FIGURES

Où en sommes-nous dans la mortalité par asthme ? - Figure 1
Où en sommes-nous dans la mortalité par asthme ? - Figure 2

Références

1. Global Asthma Report 2018. http://globalasthmareport.org/

2. Ebmeier S et al. Trends in international asthma mortality: analysis of data from the WHO Mortality Database from 46 countries (1993-2012). Lancet 2017;390(10098):935-45.

3. D’Amato G et al. The effects of climate change on respiratory allergy and asthma induced by pollen and mold allergens. Allergy 2020;75(9):2219-28.


Liens d'intérêt

R. Lhote, A. Bourdin, G. Rey, W. Ghosn, P. Demoly et I. Annesi-Maesano déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec l’article.

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