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Éditorial

L'hésitation vaccinale à l'épreuve du Covid-19


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En 2019, avant le SARS-CoV-2, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait classé l'hésitation vaccinale parmi les 10 plus importantes menaces pour la santé mondiale. L'hésitation vaccinale se définit comme le fait de refuser un vaccin, de le retarder ou de se faire vacciner ou faire vacciner son enfant malgré des doutes. En pleine pandémie de Covid-19, alors même que des vaccins efficaces ont pu être développés en quelques mois – un exploit inédit –, cette menace s'avère une réalité ! 

Hésitation vaccinale : déterminants et modèles théoriques

En 2014, le groupe d'experts SAGE de l'OMS a regroupé les déterminants de l'hésitation vaccinale en 3 grandes catégories : les influences contextuelles, les influences individuelles et de groupes, et les éléments spécifiques au vaccin et à la vaccination [1].

Parmi les influences contextuelles, le groupe d'experts avait retenu les médias, les leaders d'influence (lobby provax ou antivax), les facteurs socioculturels (comme religions, catégories socioprofessionnelles, genres, ethnies), la perception de l'industrie pharmaceutique par la population, et le contexte politique. Dès avril 2020, le groupe COCONEL mettait en évidence d'importantes différences dans les intentions de vaccination contre le Covid-19 en fonction des opinions politiques affichées [2]. La politisation de la vaccination contre le Covid-19 a notamment contribué fortement au faible niveau de couverture vaccinale observé aux Antilles, qui a favorisé l'explosion des cas graves. S'ajoute au débat politique la méfiance envers l'industrie pharmaceutique. On retiendra les images du Dr Irène Frachon, lanceuse d'alerte contre le Mediator®, obligée de rassurer quant à la sécurité des vaccins contre le Covid-19 [3]. L'hésitation vaccinale est aussi liée aux inégalités socioculturelles : minorités ethniques et catégories socioprofessionnelles inférieures.

Parmi les facteurs individuels, on note les expériences antérieures personnelles ou celles d'un proche avec un vaccin, la confiance envers son professionnel de santé, le statut vaccinal des proches, le niveau de connaissances concernant le vaccin et la maladie prévenue, et la perception individuelle du rapport bénéfice-risque. Parmi les facteurs liés au vaccin, on retient le schéma vaccinal, la voie d'administration, le coût, la dispensation et le rapport bénéfice-risque.

Plusieurs modèles théoriques peuvent permettre d'appréhender les comportements des individus en termes de vaccination. Les principaux (3C pour Complacency, Confidence et Convenience et 5C pour Confidence, Complacency, Constraints, Calculation et Collective responsibility) mettent en avant le fait que la confiance dans les vaccins et dans les organisations qui les recommandent, la perception du risque vis-à-vis de la maladie prévenue et, enfin, les contraintes pratiques liées à la vaccination contribuent à la décision de vaccination ou non [1, 4]. Le calcul est une attitude qui vise à prendre en considération le rapport bénéfice-risque individuel avant de se faire vacciner ou de faire vacciner son enfant. La vaccination altruiste (collective responsibility) est une des principales motivations des personnes les plus favorables à la vaccination en général, alors que, chez les hésitants, le bénéfice individuel doit largement surpasser les contraintes et les risques éventuels.

Au-delà des hésitants vaccinaux, une partie de la population pourrait être considérée comme apathique. Ces individus ne se sentent pas vraiment concernés par la vaccination, qui n'est donc pas une priorité, et ils sont éloignés de la prise de décision. Les rassurer sur l'efficacité et la sécurité des vaccins n'est pas utile. Il faut avant tout trouver les moyens de les amener à considérer la vaccination. Bien que cela puisse choquer de considérer un vaccin ou les vaccins comme des produits de consommation, le marketing et plus particulièrement le marketing social ont beaucoup à apporter au champ de l'hésitation vaccinale.

Hésitation vaccinale et Covid-19 en France

L'initiative Vaccine Confidence Project™ évalue régulièrement l'état de l'hésitation vaccinale dans 67 pays, autour de 4 propositions : les vaccins sont importants, les vaccins sont sûrs, les vaccins sont efficaces, et les vaccins sont compatibles avec ma religion. En 2016, la France était montrée du doigt : 40 % des personnes interrogées mettaient en doute la sécurité des vaccins. Depuis 2000, le baromètre santé de Santé publique France mesure l'adhésion à la vaccination. C'est en 2010 que cette adhésion a été la moins importante : 53 % des Français se déclaraient réticents à au moins 1 vaccin. Cette défiance était en partie portée par les réticences vis-à-vis de la vaccination contre la grippe A/H1N1 pandémique de 2009. En 2020, en pleine pandémie de Covid-19, 80 % des personnes interrogées se disaient favorables à la vaccination en général. L'impact de la campagne de vaccination contre le Covid-19 sur l'hésitation vaccinale en France n'est pas encore complètement évaluable. Le succès de la campagne vaccinale contre le Covid-19, comparativement à la campagne vaccinale contre la grippe A/H1N1 en 2009, laisse espérer que la confiance envers les vaccins ne sera pas autant altérée qu'en 2010.

Les professionnels de la santé ne sont pas non plus immunisés contre cette hésitation vaccinale : elle pourrait affecter près de 20 % des médecins généralistes. Les professionnels de la santé, en particulier les médecins généralistes, jouissent d'une confiance importante de leurs patients et sont donc les premiers interlocuteurs quand il s'agit de vaccination. Au-delà de leur propre hésitation vaccinale, ils sont confrontés à l'exposition de leurs patients aux fake news, pour lesquelles ils ne sont pas toujours en mesure de démontrer l'inexactitude. Le directeur général de l'OMS avait d'ailleurs évoqué, en parallèle de la pandémie de Covid‑19, “l'infodémie”. Les professionnels de la santé sont aussi utilisateurs de réseaux sociaux, mais ces derniers sont de véritables chambres d'échos, avec des frontières peu perméables entre des communautés provax et antivax. Ces réseaux sociaux, bien que pourvoyeurs de fake news, sont aussi un bon moyen de lutter contre celles-ci, à condition de s'y impliquer fortement.

Leviers pour lutter contre l'hésitation vaccinale

L'hésitation vaccinale, à laquelle nous sommes actuellement tous confrontés au travers de la pandémie de Covid-19, favorise les ré-émergences et les épidémies de maladies prévenues par la vaccination, comme la rougeole, et risque d'empêcher l'élimination de certaines pathologies comme le cancer du col de l'utérus. Il est essentiel de mieux communiquer. Plusieurs expérimentations pour la grippe saisonnière, la vaccination contre l'HPV et désormais la vaccination contre le Covid-19 ont permis de mettre en évidence les éléments de langage à utiliser pour convaincre. Il faut par exemple éviter d'utiliser le terme rapport bénéfice-risque, mais communiquer simplement en utilisant des termes comme des vaccins très efficaces, des vaccins très sûrs pour motiver [5]. L'impact de la norme sociale est aussi important : si les proches, les collègues ou les autres adolescents sont vaccinés, on est plus à même de se faire vacciner. Les plus hésitants ont, quant à eux, besoin d'être rassurés sur l'intérêt individuel à se faire vacciner (efficacité du vaccin, sécurité). L'adaptation de la technique de l'entretien motivationnel est efficace pour réduire l'hésitation vaccinale. Beaucoup de discours qui s'opposent à la vaccination font appel à la mise en récit d'histoires individuelles ; cette approche dite de storytelling est probablement sous-utilisée par la communauté médicale, souvent focalisée sur les arguments scientifiques. Cependant, augmenter les connaissances sur la maladie prévenue et le vaccin ne suffit pas à induire le comportement en faveur de la vaccination. Assurer l'accès facile, simple et peu coûteux à la vaccination est essentiel.

Enfin, si l'obligation vaccinale est un bon moyen d'augmenter la couverture vaccinale, son impact en termes d'hésitation vaccinale est moins évident. Elle permet de réduire le conflit décisionnel chez les individus convaincus de la gravité de la maladie prévenue, mais inquiets des effets indésirables potentiels. Pour certains, l'obligation vaccinale pour les professionnels de la santé et les professions exposées pourrait mettre à mal l'autonomie et augmenter le degré de méfiance envers les vaccins. Ce dernier point reste à démontrer en France. On a observé une augmentation de la couverture vaccinale pour les vaccins recommandés depuis la mise en place de l'obligation vaccinale chez les nourrissons nés après le 1er janvier 2018. Chez les professionnels de la santé, la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière 2022-2023 pourrait bien apporter quelques éléments de réponse.

Références

1. MacDonald NE, SAGE Working Group on Vaccine Hesitancy. Vaccine hesitancy: definition, scope and determinants. Vaccine 2015;33(34):4161-4.

2. COCONEL Group. A future vaccination campaign against COVID-19 at risk of vaccine hesitancy and politicisation. Lancet Infect Dis 2020;20(7):769-70.

3. Frachon I. “Vaccinons-nous, vaccinez-vous !”. Le Parisien, tribune. 2021. Pour aller plus loin, https://www.youtube.com/watch?v=s4vz9o3YuOk

4. Betsch C et al. Beyond confidence: development of a measure assessing the 5C psychological antecedents of vaccination. PLoS One 2018;13(12):e0208601.

5. Díaz Luévano C et al. Quantifying healthcare and welfare sector workers’ preferences around COVID-19 vaccination: a cross-sectional, single-profile discrete-choice experiment in France. BMJ Open 2021;11(10):e055148.


Liens d'intérêt

A. Gagneux-Brunon et O. Launay déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

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