Éditorial

Faut-il encore phénotyper les patients asthmatiques sévères ?


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L’asthme sévère, défini par la nécessité d’une pression ­thérapeutique forte (corticoïde inhalé à forte dose associé à un cocontrôleur), a une prévalence en France de 157/100 000 habitants, ce qui représente environ 5 % de l’ensemble des patients asthmatiques. La prise en charge thérapeutique de ces patients a été transformée par le développement de biothérapies. Celles-ci – ciblant les cytokines de type 2 : IgE (omalizumab), IL-5 (mépolizumab, benralizumab), IL-4/IL-13 (dupilumab) – ont permis, chez les patients de phénotype T2 allergique et/ou éosinophile, de réduire le taux annuel d’exacerbations et la corticothérapie orale, d’améliorer le VEMS et les scores de contrôle de l’asthme. Cependant, près de 30 % des patients recevant une biothérapie adaptée à leur phénotype ne présentent pas de bénéfice objectif sous traitement, sans qu’il ait été mis en évidence de biomarqueurs prédictifs de l’absence de réponse à ces traitements.

Les alarmines (TSLP, IL-33, IL-25) sont des médiateurs libérés par l’épithélium des voies aériennes en réponse à une lésion ou à un stimulus immun, avec un impact immunologique d’aval sur l’inflammation à la fois T2 et non T2. Le développement de biothérapies anti-alarmines pourrait-il alors permettre de s’affranchir de l’hétérogénéité immuno-inflammatoire de l’asthme ?

Les essais NAVIGATOR, PATHWAY, SOURCE (tézépélumab, anti-TSLP), ZENYATTA (astégolimab, antirécepteur IL-33) et itépékimab (anti-IL-33) ont été inclus dans une récente ­­
méta-analyse [1] évaluant l’efficacité des biothérapies anti-alarmines dans l’asthme sévère. Cette étude a montré un bénéfice global en termes de réduction du taux annuel d’exacerbations (RR = 0,36 ; IC95 : 0,25-0,51) et d’amélioration de VEMS (différence moyenne versus placebo : 219 mL ; IC95 : 160-277) chez les patients ayant un taux élevé de polynucléaires éosinophiles (PNEo ≥ 300/mm3), mais un impact incertain chez les patients ayant un taux de PNEo < 300/mm3.

L’American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine a publié au printemps dernier une analyse post hoc des études NAVIGATOR et PATHWAY (tézépélumab, 210 mg par voie sous‑cutanée toutes les 4 semaines versus placebo, 52 semaines), cumulant 1 334 patients, dont 665 ont reçu du tézépélumab [2]. L’analyse compare les critères d’efficacité (le critère de jugement principal étant le taux annuel d’exacerbations) en fonction de marqueurs T2 (taux de PNEo, FeNO, sensibilisation à un aéroallergène perannuel) seuls ou en combinaison. Les auteurs montrent une efficacité variable en fonction du profil phénotypique des patients, avec une réduction significative versus placebo du nombre annuel d’exacerbations chez les patients ayant un taux de PNEo ≥ 150/mm3 ou un taux de FeNO ≥ 25 ppb ou sensibilisés à un aéroallergène perannuel (RR = 0,39 ; IC95 : 0,32-0,47 ; n = 612 versus 618). Les patients “triple-négatifs” caractérisés par un taux de PNEo < 300/mm3 et un FeNO < 25 ppb et l’absence de sensibilisation ne montraient pas d’amélioration significative du taux annuel d’exacerbations versus placebo (RR = 0,68 ; IC95 : 0,42-1,10 ; n = 94 versus 90).

Il reste donc une place pour le phénotypage dans l’asthme sévère, tous les patients ne semblant pas bénéficier des nouvelles biothérapies anti-alarmines. L’identification de potentiels nouveaux biomarqueurs prédictifs d’efficacité pourrait aider à préciser la population susceptible de répondre à ces traitements.

Au-delà du phénotypage “inflammatoire”, la prise en charge des patients atteints d’asthme sévère, a fortiori de phénotype non éosinophile non allergique (“triple-négatifs”), doit aussi s’attacher à identifier des phénotypes “cliniques” (exacerbations fréquentes, hyper-réactivité bronchique persistante, obésité, etc.) pouvant bénéficier d’autres stratégies de prise en charge.

1. Su J et al. Anti-epithelial-derived cytokines for severe asthma: Systematic review and meta-analysis. J Allergy Clin Immunol 2023;151(6):1566-76.

Références

1. Su J et al. Anti-epithelialderived cytokines for severe asthma: Systematic review and meta-analysis. J Allergy Clin Immunol 2023;151(6):1566-76.
2. Corren J et al. Efficacy of tezepelumab in severe, uncontrolled asthma: pooled analysis of PATHWAY and NAVIGATOR studies. Am J Respir Crit Care Med 2023;208(1):13-24.


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J.M. Perotin-Collard déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

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