Il y a 15 ans déjà j'écrivais dans La Lettre du Pharmacologue un article qui se voulait provocateur à une époque où semblait se dégager un consensus concernant la classification des antipsychotiques, qui étaient rangés, dans une vision manichéenne, entre antipsychotiques atypiques, parés de toutes les vertus, et vieux neuroleptiques typiques, largement diabolisés. Pourtant, une lecture critique permettait déjà de déconstruire ce bel ordonnancement, largement sous-tendu par le marketing, dans la mesure où :
- l'analyse des données pharmacologiques montrait une situation plus complexe qu'une simple opposition D2/5HT2 ;
- tous les antipsychotiques qualifiés d'atypiques ne répondaient pas à l'ensemble de la définition ;
- apparaissaient déjà des atypies en matière de risque métabolique pour les médicaments les plus récents.
Une simple distinction chronologique entre première et deuxième génération, bien que pour une part artificielle, semblait plus neutre. À partir de 2005, les études observationnelles et les méta-analyses ont remis les pendules à l'heure, montrant qu'il était réducteur de faire un lien entre balance bénéfice/risque favorable, caractère atypique et date de mise sur le marché.
Quinze ans plus tard, les esprits ont évolué, et il est admis que la classe des antipsychotiques est une classe hétérogène, riche de nombreux médicaments qui ont tous des particularités sur le plan pharmacodynamique expérimental ou clinique et en termes de risque, ces aspects pouvant être liés, comme le montre la confrontation entre les données de pharmacologie, de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie. Les enjeux sont ailleurs ! C'est d'abord imaginer (et aussi “imager”) comment développer et évaluer les antipsychotiques du futur, avec la difficulté qu'il s'agira peut-être de combinaisons de médicaments actifs sur telle ou telle dimension symptomatique des psychoses. Mais c'est aussi s'engager sur la voie d'une personnalisation de la prescription en psychiatrie, compte tenu de la diversité des antipsychotiques disponibles. L'arbre décisionnel pour trouver l'antipsychotique idéal face à un patient donné comprendra :
- la diversité des caractéristiques pharmacodynamiques ;
- les effets cliniques sur les différentes dimensions symptomatiques ;
- la prise en compte du risque médicamenteux en fonction des caractéristiques du patient (en particulier pour la balance entre risque moteur et risque métabolique) ;
- la capacité à moduler le cours évolutif de la maladie, notamment la prévention d'une évolution cognitive défavorable.
Tous les professionnels de la santé ont un rôle à jouer dans ce domaine, afin d'orienter vers le meilleur choix possible, de gérer des situations à risque, comme les changements de traitement ou de voie d'administration, et de favoriser l'observance, gage de la meilleure efficacité possible.
Psychiatres cliniciens, pharmacologues médicaux, pharmaciens cliniciens ont rassemblé leurs compétences pour vous offrir ce dossier conjoint de La Lettre du Psychiatre et de La Lettre du Pharmacologue. Son objectif est double :
- vous proposer des données actualisées pour aider au bon usage des antipsychotiques ;
- vous offrir des pistes de réflexion pour définir ce que seront les antipsychotiques de demain.
Maintenant que les querelles sémantiques, opposant les couples neuroleptiques/
antipsychotiques ou typiques/atypiques, sont dépassées, il est temps, près de 70 ans après la découverte de la chlorpromazine ou 50 ans après celle de la clozapine, qu'une nouvelle étape dans l'approche pharmacologique puisse être franchie !