L'impact de l'environnement sur le risque des maladies mentales et des troubles psychotiques est une question qui anime les psychiatres depuis le XIXe siècle, notamment dans le cadre de la discussion sur le caractère inné ou acquis de ces maladies. Ainsi, pour Bénédict-Augustin Morel (1809-1873), hérédité et environnement ne s'opposent pas : au contraire, un certain milieu (air vicié, climat, alimentation, alcool, etc.) vient renforcer ou atténuer le poids de l'hérédité, et ainsi participer des phénomènes de dégénérescence à l'origine des maladies mentales.
Des milliers d'articles scientifiques plus tard, les connaissances ont beaucoup progressé, à commencer par l'identification de la consommation de cannabis, à la fois comme facteur de risque majeur et comme facteur associé à une sévérité fortement accrue des troubles, indiscutable aujourd'hui. Dans ce dossier de La Lettre du Psychiatre, nous nous intéressons à l'actualité de la recherche scientifique sur le thème de l'implication de l'environnement dans le risque et dans le cours évolutif des troubles psychotiques et de la schizophrénie.
Le premier article fait le point sur le rôle des traumatismes psychologiques infantiles, et sur le fait qu'ils constituent, comme la consommation de cannabis, à la fois un facteur de risque et un facteur associé à des caractéristiques cliniques particulières, comme les hallucinations ou une suicidalité accrue.
Grégoire Baudin explique que les différents types de traumatismes (violence physique, sexuelle ou psychique, négligence, etc.) sont associés à des risques différents. De plus, l'article revient sur les interactions entre traumatismes psychologiques infantiles et d'autres facteurs de risque environnementaux. Il fait également le point sur la possibilité de prises en charge spécifiques des patients souffrant de troubles psychotiques et dotés d'antécédents de traumatismes psychologiques infantiles.
Édouard Leaune fait le point sur les études concernant l'association entre le statut de migrant ou d'enfant de migrants et le risque de troubles psychotiques. Il explique en quoi la réflexion autour de ce facteur de risque est heuristique : elle permet d'en savoir plus sur les mécanismes physiopathologiques (et psychopathologiques) des troubles psychotiques.
Le rôle de la pollution atmosphérique est, de son côté, beaucoup moins connu, et les études à ce sujet encore balbutiantes. C'est un champ nouveau de l'épidémiologie psychiatrique, qui pourrait permettre de comprendre les liens entre pathologies psychiatriques et urbanicité, liens qui dépassent le seul champ de la psychose.
Enfin, Andrei Szöke nous propose un changement de paradigme dans la recherche épidémiologique, en considérant également le rôle positif que peuvent jouer certains facteurs étudiés. Ces facteurs – appelés facteurs de variabilité – sont associés à la fois à des phénotypes négatifs et positifs. Démontrer que certains facteurs de risque sont en réalité des facteurs de variabilité pourrait avoir des conséquences majeures sur les stratégies de prévention. De plus, ce serait un bouleversement dans notre compréhension des mécanismes physiopathologiques en cause.