La consommation de cannabis est l’un des facteurs environnementaux les plus étudiés en psychiatrie depuis les années 1980, qu’il s’agisse d’études épidémiologiques, cliniques, biologiques ou encore d’études d’imagerie. Ce sont surtout les troubles psychotiques qui ont été examinés de ce point de vue, et montrés comme fortement associés à la consommation et aux troubles liés à l’usage de cannabis. Si le cannabis a d’abord été considéré comme un facteur de risque majeur et uniforme, sa perception a évolué, notamment sur 2 principaux points :
- premièrement, sur le plan de son implication dans l’étiologie des troubles psychiatriques, de par la découverte de facteurs de risque communs aux troubles psychotiques et à la consommation de cannabis, ce qui remet en question la vision de causalité univoque initiale ;
- deuxièmement, du point de vue psychopharmacologique, avec l’étude des différentes substances contenues dans le cannabis, nombreuses et aux effets variés.
De plus, la légalisation du cannabis dans beaucoup de pays et l’évolution de sa teneur en certaines substances (notamment le tétrahydrocannabinol, THC) bouleversent les modes de consommation et leurs effets, et pourraient permettre de faire progresser les connaissances à travers des études réalisées en milieu écologique. Ce numéro de La Lettre du Psychiatre permet de faire le point sur cette actualité scientifique.
Dans un 1er article, Marie Jouffret-Roustide, sociologue à l’Inserm, et Benjamin Rolland, professeur d’addictologie, apportent une connaissance précise sur l’usage du cannabis en France, notamment chez les adolescents et les jeunes adultes, en se basant sur l’étude des données épidémiologiques les plus récentes. Bien que les adolescents français restent parmi les plus importants consommateurs d’Europe, l’usage du cannabis – tout comme celui du tabac et de l’alcool – est en baisse en France. L’article permet d’esquisser les différents profils de consommation dans l’Hexagone, sur les plans sociodémographique et économique. Les usages à risque restent à un niveau élevé, notamment dans les milieux économiques les plus pauvres.
Enfin, les représentations sociales de la consommation de cannabis en France sont évoquées.
Dans un 2e article, Benjamin Rolland et Marie Jouffret-Roustide reviennent sur les conséquences médicales potentielles d’une légalisation du cannabis, effective dans de nombreux pays, notamment en Europe, et qui fait l’objet de débats en France depuis plusieurs décennies. Les connaissances concernant les répercussions de cette légalisation sur l’usage ainsi que sur le niveau de troubles psychotiques – ce dernier étant une des principales craintes liées à l’impact de la légalisation – ou encore sur les accidents de la route sont présentées.
Un 3e article fait un état des lieux des connaissances concernant les rapports entre consommation de cannabis et étiologie des troubles psychotiques, en évoquant les preuves en fonction de 2 principales hypothèses :
- l’hypothèse de la causalité du cannabis dans les troubles psychotiques ;
- l’hypothèse d’une vulnérabilité commune, cette dernière étant compatible avec une automédication pour traiter des symptômes et/ou des prodromes de schizophrénie par le cannabis.
L’impact de la consommation de cannabis sur les caractéristiques cliniques des patients souffrant de troubles psychotiques est également discuté.
Enfin, l’actualité du cannabis médical en psychiatrie est présentée par Nadine Héritier-Branco et Anne Hulin, pharmaciens. Elles évoquent les effets psychopharmacologiques du cannabis et de ses 2 principales substances (le THC et le cannabidiol), et leur impact sur le système endogène endocannabinoïde. La question des conséquences sur les symptômes et les troubles anxieux et dépressifs est posée, ainsi que l’éventualité d’indications thérapeutiques dans ce cas particulier.