L’homme augmenté décrit par Yoran Harari [1] est un concept qui trouve ses racines bien avant l’avènement des technologies de l’information. L’invention de l’écriture a ainsi permis d’étendre nos capacités mnésiques avant le disque dur de nos ordinateurs. Nous pratiquons donc sans le savoir une forme de psychiatrie augmentée.
Nous devons en partie cette touche de modernité aux outils informatiques que nous utilisons quotidiennement. Ainsi, nous transmettons certains comptes rendus de nos patients par e-mail plutôt que par courrier postal. Certains stockent les comptes rendus de leurs consultations sur dossier médical informatisé plutôt que dans des dossiers papier. Les plus chanceux ont même accès à l’e-parcours pour obtenir un complément d’information sur les autres prises en charge dont bénéficient leurs patients [2]. Nos confrères avant‑gardistes réalisent même l’entièreté de leurs consultations en visioconférence… Ainsi, les trois formes d’augmentation apportées par le numérique concernent la transmission, le stockage et le traitement des informations. L’exploitation des capacités technologiques sera un vecteur puissant de progrès pour la discipline, avec une influence majeure sur la répartition des activités ville-hôpital.
À travers ce numéro, La Lettre du Psychiatre présente des exemples du potentiel de ces outils à guider la puissance publique dans la mise à disposition des ressources de soins et leur organisation, du fait de la possibilité de faire converger vers une même base de données des informations provenant de l’ensemble des établissements de France. L’intelligence artificielle, dont l’irruption récente dans le champ médiatique n’a pas encore permis une assimilation en profondeur par notre discipline [3], sera elle aussi à l’origine de très nombreux bouleversements de nos métiers. Aide à la décision thérapeutique, soins hospitaliers, prévention des rechutes et réhabilitation : tous les champs de la profession seront transformés par ces nouveaux outils. La psychiatrie est l’une des spécialités qui a le mieux résisté aux efforts de la troisième révolution industrielle à renverser le monde. Ce numéro montre qu’une cohabitation entre numérique et soins est possible.