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Éditorial

Psychothérapies intensives : le début d’une révolution ?


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De nombreuses pathologies psychiatriques sont soignées efficacement en utilisant les approches psychothérapeutiques. De multi­ples thérapies ont ainsi été associées à une amélioration du pronostic fonctionnel des patients, comme la thérapie d’exposition prolongée ou l’eye movement desensitization and reprocessing (EMDR) dans le trouble de stress post-traumatique, ou la thérapie dialectique comportementale pour le traitement des personnes présentant un trouble de la personnalité borderline. Cependant, ces approches ont montré leurs limites ces dernières années. Le manque de thérapeutes disponibles notamment est une première barrière. Malgré la volonté récente des pouvoirs publics d’améliorer cet aspect grâce à “Mon Parcours Psy”, en remboursant 8 séances d’accompagnement psychologique par an, l’accès aux soins reste très insuffisant. Cette difficulté d’accès aux soins est renforcée par le fait que le nombre de psychothérapeutes formés reste trop faible en France pour répondre à la très importante demande de soins. Une deuxième difficulté est l’observance des traitements psychothérapeutiques : dans un monde où il faut souvent concilier vie personnelle et vie professionnelle, dégager suffisamment de temps pour suivre un traitement psychothérapeutique régulier sur plusieurs mois rebute de nombreux patients. L’observance est également limitée par le fait que de nombreuses thérapies sont associées à un vécu difficile et à une souffrance parfois importante, notamment lors des premières phases de traitement. Les patients abandonnent avant d’avoir pu voir les effets bénéfiques sur la symptomatologie qu’ils présentent, avec parfois des décompensations psychiatriques, par exemple dans un contexte de recrudescence d’idées suicidaires. Enfin, il semble pertinent de pouvoir réaliser des thérapies réellement intégrées, en proposant dans une même unité de temps différentes approches psychothérapeutiques, pharmaco­logiques, addictologiques, corporelles, etc.

Une approche innovante se développe ces dernières années. Elle consiste à proposer des psychothérapies intensives, c’est-à-dire à augmenter la quanti­té de psychothérapies délivrées au patient sur un temps donné. On parle ainsi de “dose de psychothérapie effective”, et l’objectif est alors de proposer la même quanti­té de psychothérapie effective, mais sur un temps beaucoup plus court. Ainsi, en proposant 2 séances de psychothérapie effective par jour, on peut par exemple réduire certaines psychothérapies de 3 mois à 2 semaines. L’idée générale est de frapper “vite et fort”, et souvent de façon intégrée et précoce. On voit dans ce contexte émerger des approches nouvelles qui pourront donner un cap afin de moderniser les options thérapeutiques disponibles dans les années à venir.

Pourquoi ? Parce ce que soigner tôt, c’est limiter le risque de résistance ultérieure au traitement et réduire les conséquences associées à des troubles non traités. Ces traitements ont donc une place très importante chez le jeune enfant et l’adolescent où l’on peut encore infléchir la courbe d’évolution des pathologies émergentes. De plus, soigner de façon intégrée, c’est prendre en charge les patients de manière réellement globale.

Cette approche intéressante permet donc de soigner tous les aspects du patient, en prenant en charge l’ensemble des comorbidités psychiatriques et non psychiatriques, et éventuellement les aspects médicosociaux et judiciaires. Il est encore plus ambitieux de faire tout cela dans une même unité de lieu et de temps. Au total, la faisabilité semble meilleure, les perdus de vue plus rares, et l’intégration des soins plus facile à réaliser.

Dans ce dossier, nous proposons de montrer que ces modèles sont applicables sur différentes populations et à différentes échelles. L’objectif est toujours de délivrer plus de traitements sur une durée courte, d’aller vers les patients pour faciliter l’accès aux soins, et de proposer des soins adaptés au plus grand nombre. Car c’est également cela l’enjeu ! Si l’on réduit la durée de traitement, alors on peut envisager de prendre en charge plus de personnes nécessitant des soins qui, aujourd’hui dans l’attente, multi­plient le recours aux soins (notamment aux services d’urgences et aux centres médicopsychologiques) et embolisent le secteur médicosocial. De nombreux modèles existent dès l’enfance. Ainsi, dans des pathologies où l’errance thérapeutique est fréquente, il devient difficile de se priver de soins qui font de plus en plus leurs preuves. Ce dossier est une ode à ces approches innovantes, enthousiasmantes, qui rendent chaque jour le champ des possibles beaucoup plus large, car les initiatives pour créer ce genre de dispositifs sont multi­ples. Certains prérequis sont cependant indispensables pour que ces dispositifs voient le jour et se développent de façon pérenne. Les soignants doivent élargir leur champ de collaboration, notamment dans celui de la psychiatrie, en s’ouvrant à d’autres spécialités médicales, en développant des approches complémentaires aux traitements psychothérapeutiques “classiques” comme les approches corporelles et en allant au-delà du champ médical seul. La collaboration entre les différents acteurs de soins doit être plus fluide, avec en ligne de mire la formation des soignants à des approches thérapeutiques diverses, afin qu’ils soient en capacité de proposer plusieurs approches, combinant par exemple celles centrées sur le psychotraumatisme et l’addictologique. C’est là toute la différence entre une approche parallèle (2 équipes soignantes différentes qui proposent par exemple la prise en charge de 2 pathologies duelles) et une approche intégrée (une seule équipe soignante qui prend en même temps en charge les 2 pathologies). Le deuxième élément important est que les soignants aient confiance dans ces nouvelles approches, qui peuvent parfois être effrayantes. En effet, l’une des craintes réside dans le fait que ces approches intensives puissent être à l’origine de décompensations psychiatriques. Aux futurs acteurs alors d’utiliser des méthodes fondées sur les preuves scientifiques, de valider ces nouvelles méthodes de façon rigoureuse, et de former avec beaucoup de pédagogie tous les acteurs de soins dans le domaine concerné. Des modèles de visites à domicile ou d’hôpitaux de jour semblent particulièrement adaptés dans ce contexte à ce type de dispositifs. Dans le premier cas, ils garanti­ssent une importante augmentation de l’accès aux soins, et dans le second, ils permettent de réaliser les soins dans un cadre hospitalier qui permet plus de sécurité en cas de décompensation psychiatrique au cours de la prise en charge.

En définitive, il semble très important que les pouvoirs publics puissent soutenir les initiatives allant dans ce sens. Nous espérons que ce dossier pourra renforcer cette volonté et convaincre ses lecteurs que ces approches pourraient être, encore plus qu’aujourd’hui, des approches incontournables dans les années à venir.


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A. Leroy déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.

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