Dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), le risque infectieux est plus élevé que dans la population générale (1). Il est donc recommandé, au moment du diagnostic d'une PR, de mettre à jour les vaccins habituels et de vacciner en plus contre la grippe et le pneumocoque (2). Les vaccins vivants sont contre-indiqués sous immunosuppresseurs comprenant du méthotrexate ou du léflunomide, ainsi que sous biothérapie. Il est donc nécessaire d'effectuer ces vaccinations avant l'introduction de ces traitements, ou, s'ils ont déjà été instaurés, de les arrêter (3). Enfin, la réponse humorale après vaccination contre le pneumocoque est moins bonne sous méthotrexate, et il serait donc également préférable de réaliser cette dernière avant d'introduire cette molécule (4). En France, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande donc, pour les populations atteintes de maladies auto-immunes ou inflammatoires chroniques, de vacciner avant de commencer un traitement immunosuppresseur. Lorsqu'il s'agit de vaccins vivants atténués, cela devient une obligation, et un délai de 2 à 4 semaines doit être respecté avant d'introduire l'immunosuppresseur ou le biomédicament (2). Les recommandations de la société savante européenne de rhumatologie (EUropean League Against Rheumatism) sur la vaccination dans les maladies rhumatismales auto-immunes et inflammatoires proposent d'établir le statut vaccinal dès le début de la maladie et de vacciner lorsque l'activité de la maladie est stable (5). Cependant, au début des symptômes, le patient n'est pas toujours dans cet état de stabilité, surtout sans traitement. Si l'idéal serait de vérifier le statut vaccinal au diagnostic, lors d'un bilan initial des comorbidités du patient, et de mettre à jour les vaccinations puis d'instaurer le méthotrexate 2 à 4 semaines après le dernier vaccin, ceci est rarement effectué en pratique, même si une procédure de vaccination rapide est proposée par certains. Le centre de Dijon propose ainsi, pour un patient dont les vaccinations ne sont pas à jour, de réaliser tous les vaccins suivants sur un seul jour : diphtérie-tétanos-poliomyélite, coqueluche, Prevenar 13®, grippe, hépatite B, rougeole-oreillons-rubéole (ROR), varicelle et fièvre jaune ; puis des rappels : hépatite B après 7 et 21 jours, ROR 1 mois plus tard. Le traitement de fond commencera 2 semaines après les vaccins, voire 3 si le protocole de vaccination comportait un vaccin vivant. Cette vaccination avant l'instauration du traitement de fond n'est pas non plus réalisée, car la recommandation numéro 1 de l'EULAR pour la prise en charge d'une PR débutante indique d'instaurer un traitement de fond dès que le diagnostic de PR est posé (6). Cette recommandation repose sur la notion de fenêtre d'opportunité thérapeutique pour assurer un meilleur contrôle de la PR. L'idéal serait de pouvoir commencer le traitement de fond tout en assurant la vaccination contre le pneumocoque sans délai sans qu'il y ait de retentissement sur la réponse vaccinale. Nous avons donc proposé une étude nationale (PHRC VACIMRA) pour comparer les 2 stratégies de vaccination : vacciner soit le jour de l'introduction du méthotrexate, soit 1 mois avant. Le critère de jugement principal est la proportion de patients répondeurs à au moins 3 des 5 sérotypes suivants du vaccin conjugué Prevenar 13® : 1, 3, 5, 7F et 19A, entre
les 2 groupes de stratégie vaccinale. Les résultats permettront de préciser la meilleure stratégie de vaccination dans la PR débutante. Si le patient est déjà traité par un traitement de fond synthétique ou une biothérapie, les vaccins non vivants peuvent être réalisés.
Chez les patients traités par anti-TNFα et tocilizumab, la réponse humorale après une vaccination contre la grippe et le pneumocoque n'est pas diminuée (3).
En revanche, toutes les études concernant le rituximab montrent une moins bonne protection vaccinale dans les mois qui suivent les perfusions. Par ailleurs, pour les anti-CD20 comme le rituximab, un délai d'au moins 4 mois est nécessaire avant la réalisation d'un vaccin vivant. Pour l'abatacept, les résultats ne sont pas homogènes : une étude retrouve des proportions élevées de répondeurs au vaccin contre la grippe dans un groupe de patients sous abatacept, tandis que Ribeiro et al. ont observé une nette diminution de la réponse vaccinale (7, 8). Pour la vaccination antipneumococcique, les premiers travaux montrent également une diminution de la réponse humorale sous abatacept, mais qui pourrait être plus importante pour le vaccin conjugué que pour le vaccin polysaccharidique (9, 10). Pour déterminer la meilleure stratégie vaccinale en cas d'utilisation de l'abatacept, nous avons proposé de comparer le vaccin polysaccharidique et le vaccin conjugué contre le pneumocoque chez des patients commençant un traitement par abatacept (étude VACINA).
Conclusion
- Pour un adulte atteint de PR, les vaccins recommandés, en plus de ceux proposés dans le calendrier vaccinal, sont ceux dirigés contre la grippe et le pneumocoque.
- Les vaccins vivants sont contre-indiqués avec les traitements de fond synthétiques (méthotrexate et léflunomide), biologiques, et les corticoïdes en bolus ou per os s'ils sont prescrits depuis plus de 15 jours à une posologie supérieure à 10 mg/j.
- L'efficacité de la vaccination peut être moins bonne sous traitement,
tel le méthotrexate, et surtout en cas d'injection récente de rituximab.
- Les stratégies de vaccination dans la PR restent à préciser, d'autant qu'elles dépendent de plusieurs facteurs impliquant la fenêtre d'opportunité thérapeutique et la fenêtre d'opportunité vaccinale, qui dépendent de l'ancienneté et de l'activité de la PR, des traitements de fond en cours et des spécificités de chaque vaccin.