Malgré les innovations thérapeutiques majeures des 20 dernières années dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR), les glucocorticoïdes, utilisés depuis plus de 70 ans, restent largement prescrits à long terme, chez 30 à 50 % des patients atteints de PR (1). L'arrivée des biothérapies et des stratégies de contrôle serré permettant d'obtenir des taux de rémission satisfaisants rend envisageable le sevrage définitif des glucocorticoïdes. Cependant, les modalités de ce sevrage sont très hétérogènes selon les écoles, et la littérature sur le sujet reste très pauvre.
Le risque le plus redouté au moment du sevrage des glucocorticoïdes est celui d'une insuffisance surrénalienne aiguë. En effet, l'utilisation des glucocorticoïdes entraîne, à long terme, une suppression complète de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien caractérisée par une atrophie des glandes surrénaliennes. L'insuffisance surrénalienne peut théoriquement survenir lors d'un sevrage brutal des glucocorticoïdes après une corticothérapie prolongée de plus de 3 semaines à plus de 7,5 mg/j de prednisone. Cependant, les cas d'insuffisance surrénalienne aiguë restent très rares, avec une prévalence de 0,015 à 0,1 % ; ils surviennent le plus souvent au cours d'un stress chirurgical.
J.R. Daly a montré en 1967 qu'une corticothérapie à moins de 5 mg/j d'équivalent prednisone n'avait pas d'effet sur l'axe hypothalamo-hypophysaire (2). Ces travaux ont ainsi justifié les mesures de prudence préconisées lors de la diminution des glucocorticoïdes sous le seuil de 5 mg/j, conduisant les endocrinologues à recommander le remplacement de la prednisone 5 mg/j par de l'hydrocortisone avant la tentative de sevrage. Cependant, ce seuil de 5 mg de prednisone reste très théorique, puisqu'il est variable d'un patient à l'autre et qu'il est impossible de prédire avec certitude la dose en dessous de laquelle le risque d'insuffisance surrénalienne commence pour un individu donné.
Le test au Synacthène® est largement recommandé par les endocrinologues pour évaluer la capacité des glandes surrénaliennes à sécréter du cortisol en cas de stress. Il consiste à administrer, par voie intraveineuse ou intramusculaire, 0,25 mg d'ACTH (Adreno-Cortico-Trophic Hormone) à 8 heures du matin puis à mesurer le cortisol entre 30 et 60 minutes après l'injection. On considère généralement que la réponse après stimulation est satisfaisante si le cortisol mesuré est supérieur à 200 nmol/l. Ce test doit être pratiqué à au moins 24 à 48 heures de la dernière prise de glucocorticoïdes, compte tenu de la demi-vie de la prednisone. Cependant, en raison de l'effet retardé des glucocorticoïdes sur l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, le test sera plus fiable s'il n'est pratiqué que 3 à 4 semaines après l'arrêt des glucocorticoïdes. Ce test reste toutefois très controversé, puisqu'une insuffisance surrénalienne reste possible chez les patients ayant un taux de cortisol après stimulation par ACTH supérieur à 200 nmol/l.
Actuellement, 2 schémas thérapeutiques sont utilisés en pratique lors d'un sevrage des glucocorticoïdes chez les patients recevant 5 mg/j de prednisone. Le premier schéma préconisé par les endocrinologues consiste à remplacer la prednisone par de l'hydrocortisone 20 mg/j pendant 1 mois puis à réaliser un test au Synacthène®. Si le test est satisfaisant, l'hydrocortisone est interrompue. Le deuxième schéma consiste à diminuer progressivement la prednisone de 1 mg tous les 1 à 2 mois jusqu'à l'arrêt complet, sans la remplacer par de l'hydrocortisone et sans surveillance par test au Synacthène®. Le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) toulousain STAR (3), commencé en janvier 2017, a pour objectif de comparer ces 2 stratégies dans la PR en rémission et permettra peut-être d'établir des recommandations sur la meilleure stratégie à adopter.