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Éditorial

Maladie de Lyme : que dire à nos patients ?


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La maladie de Lyme est appelée borréliose de Lyme en France et en Europe en raison de la pathogénicité de plusieurs espèces de bactéries du fait de bactéries du genre Borrelia(garinii, sensu stricto, afzelii). C'est donc une maladie infectieuse liée à des bactéries transmises par les tiques, fréquente dans l'hémisphère Nord. Elle est intrigante car elle a de multiples facettes, touchant la peau, les articulations, le cœur, le système nerveux central et/ou périphérique. La maladie de Lyme est souvent suspectée, et les rhumatologues y sont régulièrement confrontés, et nos patients nous posent beaucoup de questions. Elle fait régulièrement l'objet, ces dernières années, d'émissions télévisées, radiophoniques ou encore de Unes dans la presse, etc., ce qui renforce aussi la crainte des patients. Alors, qu'en est-il ? Que faut-il dire à nos patients ?
Des recommandations diagnostiques et thérapeutiques ont été proposées en France en 2006 (1), puis confirmées lors des recommandations européennes en 2011 (2). Il est important de prendre le temps d'informer, d'expliquer et de rassurer nos patients.

Nous vous proposons en 10 points ce que l'on doit savoir et dire au patient :

1. Il n'y a pas d'épidémie de borréliose de Lyme en France car les chiffres entre 2009 et 2014 sont stables (3).

2. L'épidémiologie européenne est plus difficile à décrire puisqu'il n'y a pas de déclaration obligatoire dans la plupart des pays. Le risque de contamination n'existe que dans certaines régions, et pas en altitude ou en zone sèche, car ces conditions sont défavorables à la vie desixodes (tiques transmettant la Borrelia). Cependant, il faut rappeler que l'on peut évoquer une maladie de Lyme chez des patients hors zone d'endémie, car les gens voyagent.

3. Morsure de tique n'est pas égal à maladie de Lyme !

Toutes les morsures ou piqûres de tique ne sont pas infectantes parce que :

  • les tiques ne sont pas toutes “porteuses” de Borrelia,les taux de tiques infectées en Europe variant de 3 à 26 % selon les écosystèmes, parfois très différents d'une zone à l'autre au sein d'une même région ;
  • si le délai d'attachement est inférieur à 12 heures, il y a peu de risque de transmission. Ce risque existe surtout après 48 heures ;
  • une bonne technique d'extraction de la tique (par exemple, à l'aide d'un tire‑tique) limite également le risque de contamination. Il ne faut pas utiliser de solvant ou un autre produit toxique car cela provoque la “régurgitation” de la tique, qui pourra donc injecter la bactérie à son hôte avant d'être détachée.

4. La maladie de Lyme se manifeste précocement par une infection cutanée, appelée érythème migrant, puis parfois par des manifestations plus tardives (plusieurs semaines ou mois après le contact). Elle peut toucher la peau, les articulations, le système nerveux, voire le cœur et les yeux :

  • toute “tache rouge” érythémateuse de plus de 4 cm de diamètre après une piqûre et/ou morsure ou une potentielle exposition doit faire évoquer un érythème migrant qui doit être traité par amoxicilline (1 g × 3/j pendant 14 jours). La sérologie de Lyme est négative au moment de l'érythème migrant, car le système immunitaire de l'hôte n'a pas encore eu le temps de développer des anticorps contre les Borrelia. Cette sérologie n'est donc pas recommandée, car elle va faussement rassurer le patient et mal orienter le médecin ;
  • les atteintes neurologiques les plus classiques sont une radiculite (inflammation d'une racine nerveuse) ou une paralysie faciale (atteinte du nerf facial). Pour les formes tardives sont décrites des encéphalomyélites ou encéphalites chroniques. Le traitement de la forme neurologique repose surtout sur la ceftriaxone (2 g/j pendant 21 à 28 jours) ;
  • le tableau articulaire typique est celui d'une monoarthrite (notamment du genou)
    ou d'une oligoarthrite. Les épisodes inflammatoires, spontanément résolutifs en quelques semaines, évoluent par poussées. L'articulation la plus proche de la piqûre et/ou morsure est touchée préférentiellement. Cette maladie peut aussi être évoquée devant des polyarthralgies ou des myalgies chroniques en zone d'endémie, mais c'est moins caractéristique. Ces manifestations articulaires peuvent apparaître dans les jours suivant un érythème migrant ou plusieurs années après. On privilégiera un traitement par doxycycline (200 mg/j pendant 21 à 28 jours) en cas d'atteinte articulaire ;
  • en pratique, les manifestations cutanées plus précoces surviennent en été ou à la fin
    de l'été, c'est-à-dire quelques semaines après la morsure de tique, alors que les atteintes articulaires et/ou neurologiques surviennent à l'automne ou en hiver ;
  • les manifestations cliniques peuvent survenir même si l'on ne se souvient pas d'avoir
    été piqué et/ou mordu, car cela a pu être localisé dans une zone cutanée mal examinable par le patient.
    La contamination peut aussi avoir été provoquée par une larve ou une nymphe, qui sont de très petite taille (de la taille d'une tête d'épingle), ce qui peut passer totalement inaperçu.

5. Les moyens diagnostiques.

Des tests sanguins simples, réalisés dans différents laboratoires, sont recommandés en France et aussi dans les autres pays d'Europe. Ces tests sont évalués et validés.

La sérologie de Lyme dans le sang doit comporter 2 temps (4, 5) :

  • le premier temps est celui de la technique ELISA, qui permet d'identifier des IgG et/ou des IgM anti-Borrelia. C'est une technique simple, qui détecte avec sensibilité les anticorps (IgG et IgM), mais qui manque de spécificité, d'autres agents infectieux pouvant positiver ce test ;
  • le second temps est celui du western blot, qui a pour but de vérifier la spécificité
    anti-Borrelia des anticorps. Cette technique plus spécifique identifie bien les anticorps dirigés contre des parties peptidiques spécifiques de Borrelia sous la forme de “bandes” déterminées par leur poids moléculaire (kDa).

Une sérologie négative réalisée lors d'une phase tardive de la maladie permet d'éliminer l'hypothèse de la maladie de Lyme, sauf dans des situations exceptionnelles dans lesquelles le test serait négatif pour des raisons techniques ou immunologiques. La sensibilité des techniques sérologiques pour les atteintes articulaires avoisine 100 %.

Une sérologie positive n'est pas suffisante pour affirmer le diagnostic de borréliose active car elle n'atteste que d'un contact plus ou moins récent avec Borrelia, et non d'une maladie aiguë.

D'autres examens peuvent être utiles : analyse du liquide articulaire ou du liquide céphalorachidien, biopsie de peau. On peut rechercher des anticorps anti-Borrelia, comme dans le sang, par une sérologie et/ou des débris génomiques (ADN) de Borrelia par une technique directe, appelée PCR (Polymerase Chain Reaction). La sensibilité d'une PCR de détection de l'ADN de Borrelia varie selon le stade de la maladie et sa localisation : 65 à 90 % dans les biopsies cutanées en cas d'érythème migrant et d'acrodermatite atrophiante et 50 % dans le liquide articulaire en cas d'arthrite. Sa spécificité est de 100 %. Elle n'est pas recommandée à ce jour dans les urines et le sang car les résultats sont difficiles à interpréter, puisque les études sont très contradictoires.

D'autres tests comme celui de transformation lymphoblastique, la recherche des cellules NK (CD57), ou encore des techniques de type ELISPOT ne sont pas validés pour l'instant : nous ne savons pas interpréter leurs résultats pour définir s'il existe ou non une borréliose active.

La sérologie de Lyme ne se négative pas forcément avec la guérison clinique, même après une antibiothérapie. Elle peut rester positive longtemps (plusieurs années).
Ainsi, une sérologie positive n'est pas forcément synonyme d'infection chronique, mais peut traduire simplement une “cicatrice” immunitaire sans conséquence. Il n'y a donc pas lieu de la contrôler régulièrement.

6. Le traitement de la maladie de Lyme repose sur les antibiotiques, car c'est une maladie infectieuse. La classe des antibiotiques qu'il faut utiliser et la durée d'administration dépendent des manifestations cliniques. Il est important de rassurer le patient sur l'efficacité de ce traitement anti-infectieux, qui permet d'éliminer la bactérie dans la quasi-totalité des cas. Des recommandations thérapeutiques ont été établies en 2006. Un Plan national de soins (PNDS) doit être publié en 2018.

7. Des symptômes résiduels, comme une fatigue ainsi que des douleurs articulaires et musculaires, peuvent persister après la fin du traitement antibiotique. Il ne faut pas s'inquiéter, car ils régressent assez souvent en quelques mois. Une deuxième ligne d'antibiotique peut être envisagée, surtout si la première a été incomplète (par exemple, en raison d'une intolérance au premier antibiotique), mais la prise sur le long terme ou la répétition des traitements antibiotiques n'a pas démontré d'efficacité (6).

8. Certaines pathologies dysimmunitaires (polyarthrite rhumatoïde, atteintes neurologiques) ont été décrites après une maladie de Lyme bien traitée. Il faut donc savoir les rechercher… Leur mécanisme n'est pas clairement établi, mais Borrelia pourrait induire une réponse inflammatoire chronique chez des sujets immunoprédisposés.
La fréquence et les facteurs immunitaires prédisposant à ces atteintes ne sont pas connus, mais, dans les centres de référence de cette maladie, leur fréquence semble très rare.

9. Comment éviter la contamination en zone d'endémie , Il faut :

  • utiliser des répulsifs cutanés ou vestimentaires ;
  • porter des vêtements plus longs ;
  • bien s'examiner après une potentielle exposition ;
  • retirer la tique par des méthodes mécaniques (tire-tique).

10. Il est important aussi de savoir que les tiques peuvent transmettre d'autres maladies infectieuses, qu'un centre spécifique peut rechercher et traiter (ehrlichiose, anaplasmose, babésiose, etc.). Il faut évoquer ces diagnostics quand des signes inhabituels peu spécifiques d'une maladie de Lyme sont présents.

Il est important de dire au patient que des recherches considérables sur la borréliose de Lyme sont en cours. Les experts français sont convaincus de l'importance d'améliorer les tests diagnostiques et de mieux comprendre les manifestations chroniques qui surviennent après une borréliose pour mieux la prendre en charge.

La maladie de Lyme est une maladie infectieuse qui peut s'exprimer de différentes façons, parfois trompeuses. Le rhumatologue doit savoir évoquer ce diagnostic qui repose sur un faisceau d'arguments cliniques et biologiques. L'antibiothérapie est très souvent efficace, mais il existe chez certains patients des symptômes cliniques (douleurs migratrices, fatigue) qui sont réels mais mal compris pour l'instant. Des explications plus complètes sont essentielles pour limiter les craintes des patients.

Références

1. Recommandations de la Spilf. Borréliose de Lyme : démarches diagnostiques, thérapeutiques et préventives. Med Mal Infect 2007;37(4):187-93.

2. Stanek G, Fingerle V, Hunfeld KP et al. Lyme borreliosis: clinical case definitions for diagnosis and management in Europe. Clin Microbiol Infect 2011; 17(1):69-79.

3. Réseau Sentinelles. Disponible sur : https://websenti.u707.jussieu.fr/sentiweb/?page=database

4. Leeflang MM, Ang CW, Berkhout J et al. The diagnostic accuracy of serological tests for Lyme borreliosis in Europe: a systematic review and meta-analysis. BMC Infect Dis 2016;16:140.

5. Waadel LA, Greig J, Mascarenhas M et al. The accuracy of diagnostic tests for Lyme disease in humans, a systematic review and meta-analysis of North American research. PLoS One 2016;11(12):e0168613.

6. Berende A, ter Hofstede HJ, Vos FJ et al. Randomized trial of longer-term therapy for symptoms attributed to Lyme disease. N Engl J Med 2016;
374(13):1209-20.


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