Le traitement de la spondyloarthrite, et en particulier de la spondyloarthrite axiale, a considérablement évolué depuis une quinzaine d'années, notamment du fait de l'arrivée des biomédicaments : les différents anti-TNF et leurs biosimilaires disponibles et à venir, les thérapeutiques ciblées, telles que l'anti-IL-17, et leurs développements, et d'autres encore, actuellement en cours d'évaluation (anti-IL-23, inhibiteurs de JAK). Ces traitements, et particulièrement les agents anti-TNF et anti-IL-17A, ont montré leur efficacité sur les signes et symptômes de la maladie dans ses différentes formes phénotypiques (axiale, périphérique), mais également sur les capacités fonctionnelles, la qualité de vie, les paramètres biologiques de l'inflammation et les évaluations d'imagerie (réduction des signaux inflammatoires IRM, faible progression radiographique).
Dans ce contexte, quelle peut encore être la place des infiltrations intra-articulaires des articulations sacro-iliaques du siècle dernier ?
La littérature est peu abondante sur le sujet et ne fournit pas de données suffisantes pour une médecine fondée sur des preuves. Nous avons à notre disposition plusieurs études ouvertes (1) d'effectif variable (de 9 à 66 patients), et une étude contrôlée française (2), statistiquement significative malgré son faible effectif (10 patients et 13 injections). Néanmoins, les données en faveur des infiltrations à base de dérivés cortisoniques (acétonide de triamcinolone ou cortivazol, le plus souvent) semblent concordantes. Ces différentes études cumulent plus de 250 cas, avec une efficacité (évaluée le plus souvent par l'item douleur, ou son pourcentage d'amélioration) d'environ 80 %, se maintenant durant plusieurs mois. En parallèle, une réduction des signaux inflammatoires IRM des sacro-iliaques a été observée dans plusieurs études après injection locale. Sur le plan technique, l'infiltration peut se faire sous contrôle radioscopique ou tomodensitométrique (donc avec irradiation), mais aussi sous repérage IRM, dans certaines études, ou encore sous guidage échographique, une technique en cours de développement. Le type de technique d'injection
ne semble pas influencer l'efficacité thérapeutique. La réponse paraît meilleure dans les formes plus récentes de spondyloarthrite. Le geste, relativement simple, est effectué en ambulatoire, globalement bien toléré (les complications sont rares) et peu coûteux.
Quelques observations ponctuelles et courtes séries ouvertes font état d'injections locales d'agents anti-TNFα (infliximab, étanercept), avec une amélioration symptomatique (3). Mais, en l'absence d'étude comparative avec un dérivé cortisonique, cet usage du biomédicament n'est, compte tenu de son prix, pas justifié en l'état actuel des données.
Bien évidemment, l'infiltration des sacro-iliaques ne peut être efficace qu'en cas de douleurs d'origine sacro-iliaque (qu'elles soient inflammatoires ou mécaniques) et, à ce titre, elle peut servir de test diagnostique de confirmation de l'origine sacro-iliaque de la symptomatologie douloureuse et donc de l'orientation topographique.
Malgré un faible niveau de preuve dans la littérature, l'infiltration des sacro-iliaques par dérivés cortisonés est une option simple, peu coûteuse et bien tolérée, qui peut, dans certaines situations, permettre de “passer un cap”, représentant ainsi une option supplémentaire entre anti-inflammatoires non stéroïdiens et biomédicaments, et évitant le recours à ces derniers, avec l'impact médicoéconomique que l'on imagine facilement.
Indépendamment des développements de thérapies ciblées nouvelles dans le domaine des spondyloarthrites, cette option mérite de rester présente dans nos stratégies thérapeutiques et fait toujours partie des recommandations les plus récentes (4).